Moto Revue Classic

Le nouveau patron de l'atelier a fait fabriquer une moto sur base de XJR 1300.

La maison Egli a changé de main et pour fêter ça, le nouveau propriétai­re a fait fabriquer une nouvelle moto. C’est beau, efficace et cher.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : Alexandre Krassovsky

Les « Egli rouges ». Cette expression, on la doit à Emmanuel Delaruelle, le propriétai­re de la Red Falcon essayée à la fin de ce dossier. Car, même si en France, Fritz Egli est plus connu pour les Egli-vincent construite­s aujourd’hui par Patrick Godet (voir MR Classic n° 90), en réalité, le mécanicien suisse doit sa notoriété à ses préparatio­ns japonaises toutes de rouge vêtues. La « 1300 Fritz W. » essayée dans ces pages est bien là pour perpétuer la tradition de ces « muscle bikes ». De plus, cette machine est un événement à plus d’un titre. D’abord, c’est la première moto qui sort des ateliers de Bettwil depuis une vingtaine d’années. La dernière Egli datait du début des années 90 et était animée par un gromono de Royal Enfield réalésé à 626 cm3. Un petit café racer très sobre qui reprenait la griffe helvétique : cadre ouvert avec un gros tube supérieur contenant l’huile, des roues et une fourche maison et bien sûr, une robe rutilante. Rutilante au sens strict du terme, c’est-à-dire rouge. Mettez-vous bien ça dans la tête : une Egli digne de ce nom, c’est rouge ! Si cette nouvelle 1300 permet à la marque de revenir sur le devant de la scène (voir page 38), elle permet aussi de fêter dignement le cinquanten­aire d’existence de celle-ci puisque la première Egli, avec un moteur Vincent date de 1968. Et pourquoi donc un moteur Yamaha au fait ?

Le gros morceau : le cadre fabriqué sur place

Jan, qui a supervisé le projet, nous explique qu’un lot de cinq XJR 1300 était disponible chez l’importateu­r suisse à un bon prix car ces motos homologuée­s pour la norme Euro 3 allaient sortir du catalogue. Si Yamaha pouvait se permettre d’écouler les motos au fil du temps, en revanche, Egli, qui devait repasser par la case homologati­on, se devait de faire vite : au plus tard le 31 décembre 2016, cachet de la poste faisant foi ! Ni une, ni deux, après que les cinq XJR ont été réceptionn­ées, l’équipe d’egli a mis les bouchées doubles. Les nippones ont été délestées de leur moteur, leurs circuits électrique­s, leurs lignes d’échappemen­t et leurs phares. Puis Othmar, qui assemble des cadres depuis 20 ans, a pris des tubes d’acier, a branché son poste à souder et quelques heures plus tard, le gros quatre-cylindres Yamaha avait un nouveau cadre. Bon, j’exagère un peu, le projet n’a pas été concrétisé en quelques heures puisque pendant plusieurs jours, Alexander Frey, le nouveau patron, Jan, le superviseu­r et bien sûr Fritz ont causé ensemble pour définir les grandes lignes de l’engin. Évidemment, avec un quatre-cylindres japonais, on aurait pu penser que la nouvelle Egli allait reprendre les lignes des modèles emblématiq­ues des années 80, telles la Red Hunter ou la Bonneville, avec le fameux dosseret de selle muni d’un becquet et le carénage avec phare carré. Sans oublier la peinture rouge, parfois même sur le moteur. Eh bien non, le premier prototype présenté à l’homologati­on le 14 décembre 2016 ne ressemble à rien de tout ça. D’abord, il n’est pas peint mais ça, c’est un choix personnel du grand patron qui veut montrer que réservoir et selle sont bien en alu. Et puis ces deux éléments reprennent plutôt la ligne des années 60, arrondie à souhait. La Fritz W., en pur café racer, s’affranchit aussi de carénage. Enfin, homologati­on oblige, il est affublé de l’énorme silencieux de la XJR 1300. Pendant un moment, on a cru qu’on allait devoir faire des photos avec ce proto puis lorsque Jan nous emmène enfin dans l’atelier, on découvre un modèle client que Martin, mécano de son état, est en train de réviser pour nous. Quelques minutes pour le niveau d’huile, et la bête est à nous. L’anecdote, c’est que le propriétai­re de cette moto est aussi celui de la Triton 1100 qui a fait la couverture de MR Classic n° 75 et c’est pour cette raison qu’il nous laisse rouler

SA ROBE EST RUTILANTE... AU SENS STRICT DU TERME, CAR SACHEZ-LE : UNE EGLI DIGNE DE CE NOM, C’EST ROUGE !

sur sa machine. Bref, Jan nous montre la procédure de démarrage. Ne riez pas, il n’y a pas de clé ! La Fritz W. a beau se la jouer rétro, elle est équipée d’une technologi­e moderne, en l’occurrence un système Motogadget baptisé M-lock qui utilise une puce RFID. Au passage, la moto est pourvue de commodos minimalist­es de même provenance. C’est plutôt une bonne idée car ce matériel allemand est de qualité. Profitons-en pour détailler le reste de l’équipement. En ce début de XXIE siècle, plus de fourche et roues Egli, des éléments qui ont pourtant fait la réputation de la marque dans les années 70 et 80.

50 ans plus tard, la recette est la même

Mais le client n’y perd pas au change puisque la fourche (comme les amortisseu­rs d’ailleurs) provient de chez Öhlins. Les jantes, elles, sont arrivées du sud de l’europe puisqu’il s’agit de Kineo italiennes. Elles sont à rayons, une technologi­e abandonnée par Fritz dès 1970, justement pour les remplacer par ses propres roues à branches. Que voulez-vous, la mode est au vintage… Cocorico, les freins viennent de chez nous : disques et étriers sont signés Beringer. Enfin, on retourne en Allemagne pour les commandes (pieds et mains) avec LSL. N’oublions pas le magnifique 4-en-1 Egli qui reprend intelligem­ment la ligne de celui des années 80 et qui procure une magnifique sonorité. Il n’est pas homologué mais ça, on ne le dira à personne. Bien sûr, le gros morceau de cette machine, c’est le cadre fabriqué sur place. L’idée simple exploitée par Fritz depuis 1968, c’est d’accrocher le moteur à une grosse poutre. On soude une boucle arrière et roule ma poule ! Je caricature à peine, quand vous regardez une Egli-vincent, vous vous demandez bien où se trouve le cadre. Certes, lorsque les quatre-cylindres japonais sont arrivés (Honda CB 750 puis Kawasaki Z 900), Fritz a dû revoir sa copie. Ou plutôt, il a dû se remettre sur sa planche à dessin. Rien de bien compliqué pour le Suisse, il a suffi de souder deux tubes pour accrocher le moteur par l’avant. Le tour était joué. 50 ans plus tard, la recette est la même et le cadre n’a pas de berceau inférieur. C’est plus léger, plus facile à réaliser et ça marche ! D’ailleurs, il est temps d’aller rouler sur les petites routes des environs. La position n’a rien à voir avec celle de la XJR 1300 : on est assis plus bas et malgré l’imposant réservoir, on n’a pas l’impression d’avoir une grosse moto entre les jambes. D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la Fritz W. affiche 36 kg de moins qu’une XJR 1300 ! Le vrai bonheur, c’est lorsqu’on commence à attaquer. Même si le moteur est resté d’origine, à part l’échappemen­t, on ressent vraiment L’ADN Egli avec une maniabilit­é incroyable et une précision… suisse. Certes, la Fritz W. est moins confortabl­e qu’une XJR, mais on ne peut pas tout avoir. Si, on demanderai­t bien un peu plus de chevaux car la partie-cycle peut les encaisser sans problème. D’autant que booster les mécaniques japonaises était aussi une spécialité de Fritz. Vous imaginez la même bécane avec 150 chevaux à la roue arrière ? Vous auriez entre les mains une néo-classique capable de faire jeu égal avec un roadster 1000 moderne. La classe en plus ! Inutile de rêver, pour les raisons évoquées plus haut, il n’y aura pas d’autres Fritz W. Et puis il faut aussi savoir que l’excellence suisse se paye au prix fort, c’est-à-dire un peu plus de 46 000 €. Vous trouvez ça cher ? Pas en Suisse. Dans ce pays où le pouvoir d’achat est fort élevé, elles ont toutes été vendues avant d’être terminées et je n’ai même pas eu le temps de dégainer mon carnet de chèques…

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