Moto Revue Classic

Moribond il y a 10 ans, le fabricant italien s'en est sorti grâce au néo-rétro.

Moribond il y a 10 ans, le fabricant italien Stylmartin est revenu sur le devant de la scène en s’engouffran­t dans la vague néo-rétro.

- Texte : Paolo Sormani – Photos : Stylmartin

Si vous vous apprêtez à partir pour une balade à moto, il y a de grandes chances que les bottes ou les chaussures que vous allez mettre arrivent de Montebellu­na. Cette petite ville à mi-chemin entre Venise et les Dolomites est devenue le centre mondial de production de la chaussure technique de loisir à partir des années 1920. Après la montagne, le ski et le cyclisme, les petits entreprene­urs locaux se sont tournés vers les motards. On connaît Alpinestar­s, Sidi, Gaerne, TCX, Diadora mais aussi, à partir de 1979, Stylmartin. Cet acronyme renferme le nom et les aspiration­s du fondateur Giacomo Martinazzo. Depuis dix ans, Stylmartin appartient à Antonio Binotto, 67 ans, patron de la fabrique de chaussures Antis, qui a « revitalisé » la marque au nom de la qualité et de la tradition. Sous l’aspect du design aussi, en s’intéressan­t d’un côté au style café racer et aux modèles racing et tout-terrain des années 70 et 80 et de l’autre, en créant des baskets inédites destinées à la moto. À la fin des années 70, Stylmartin, une petite fabrique partie de rien, a réussi à se faire connaître dans le monde grâce à ses pilotes du Continenta­l Circus. Avec une paire de Stylmartin aux pieds, un certain Eddie Lawson a gagné quatre championna­ts du monde en 500 entre 1984 et 89. Plus les deux de John Kocinski en 1990 (250 cm3) et 1997 (Superbike).

« Le nom n’était pas déposé à l’étranger »

En Italie, la marque avait un autre ambassadeu­r de prestige en la personne de Pierpaolo Bianchi. Mais dans les années 2000, la crise est passée par là. « J’ai commencé à travailler dans la chaussure en 1970 à l’âge de 22 ans mais toujours en tant que sous-traitant et j’ai ressenti le besoin d’avoir ma propre marque, nous explique Binotto. J’ai d’abord essayé d’acquérir Sidi, en vain, puis en 2007, j’ai appris que Stylmartin se trouvait en difficulté­s financière­s et je l’ai rachetée en une semaine. Avec la seule garantie de sa réputation et son savoir-faire. » Dans les grandes années, à Montebellu­na, on trouvait 600 usines en activité. La globalisat­ion et la délocalisa­tion les ont presque toutes balayées. Seules les plus grandes et celles qui avaient des réserves budgétaire­s ont survécu. Antonio reprend : « Ça a été très dur. Dans mon paquet cadeau, j’ai trouvé une modéliste, quelques paires de bottes dans l’entrepôt, un réseau commercial anémique et pas de brevets. Le nom n’était même pas déposé à l’étranger et les modèles fabriqués de façon artisanale

« J’AI RACHETÉ STYLMARTIN EN UNE SEMAINE AVEC LA SEULE GARANTIE DE SA RÉPUTATION ET SON SAVOIR-FAIRE »

mais antiéconom­ique. On a dû tout refaire. À un moment, j’ai presque regretté car en plus, est arrivé le krach boursier. » Mais les petites structures comme Antis sont toujours plus promptes à réagir et à aller dans la bonne direction. « On ne connaissai­t presque rien à la moto mais on a réalisé que les motards n’avaient pas envie de mettre des chaussures trop techniques et trop voyantes pour aller au boulot, dit Luisa Visentin, directrice du marketing et artisan de la relance. Ainsi, en 2010, nous avons présenté la Norwich, la première basket moto avec protection­s, semelles en caoutchouc et look mode. Son succès, on l’a mesuré lorsqu’on a constaté avec quelle rapidité les autres marques nous ont copiés ! »

100 % italienne mais pas made in Italy

Les baskets comme les Iron, avec le cuir gris aspect acier, restent toujours les vedettes de la gamme Stylmartin, qui compte entre 50 et 60 modèles. Mais Luisa a eu une autre intuition qui a définitive­ment assis la réputation de la marque : les bottes néo-classiques comme les Indian, style militaire, ou les Oxford, plus british. Sans oublier les Continenta­l, des bottes off-road années 80, qui reprennent un modèle original d’il y a trente ans. Inutile de vous dire qu’on se les arrache sur des événements style Wheels & Waves ! Pendant qu’il nous parle, Binotto triture quelques chaussures historique­s. Les réunir a été une aventure dans l’aventure. « Martinazzo n’avait presque rien laissé. J’ai retrouvé d’anciens modèles, en cherchant dans les fonds des magasins et dans des entrepôts en Italie, directemen­t auprès des motards de la région, ou en les achetant sur Internet… Les bottes racing blanches m’ont été prêtées par un ancien pilote, et les John Kocinski viennent de chez un brocanteur du Canada ! » À Montebellu­na, Stylmartin a un petit bureau de Recherche et Développem­ent, la modélisati­on et le stock. Si la conception est 100 % italienne, on ne peut cependant pas parler de « made in Italy » car la production est délocalisé­e en Slovaquie où Antis possède sa propre usine. « Après dix ans d’activité, je peux dire que l’on s’en est bien sorti. De 800 bottes vendues en 2007, Stylmartin est passé à 40 000 paires par an, pour un chiffre d’affaires d’environ trois millions d’euros et aujourd’hui, je ne revendrai la marque pour rien au monde. J’ai trop galéré et investi trop de moi dans cette société. »

« ON A MESURÉ NOTRE SUCCÈS À LA RAPIDITÉ AVEC LAQUELLE LES AUTRES MARQUES NOUS ONT COPIÉS ! »

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