Moto Revue Classic

R69S - R nineT

Toutes les deux ont marqué leur époque au fer rouge. La première en 1960 comme la moto la plus sportive du marché. La seconde en 2015 comme la plus néo-rétro des machines modernes. Nous les avons regroupées le temps d’une petite balade champêtre.

- Par Alain Lecorre. Photos Bruno Sellier.

Petit face-à-face intemporel entre deux icônes de la marque. Juste délicieux.

La R69 S est certaineme­nt l’une des plus belles BMW et assurément l’une des plus recherchée­s aujourd’hui. Il faut dire que lorsqu’elle est présentée en novembre 1960, c’est de loin la machine la plus sportive de la production moto toutes marques confondues. Eh oui, à l’époque, les puissances maxi tournent autour de 30 ch pour des vitesses de 140 km/h et les chiffres avancés par la nouveauté allemande sont hallucinan­ts : 42 ch pour 175 km/h ! La R69 S est un missile, et BMW va d’ailleurs très vite l’engager en compétitio­n où elle va rapidement briller. Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, une grande partie de la production de la R69 S (qui sera produite jusqu’en 1969) sera livrée aux USA où les performanc­es de la bête charmeront un public toujours plus avide de sensations fortes. Cette R69 S, elle est là, au soleil, exposée dans la propriété d’Antoine qui a eu la gentilless­e de nous la prêter pour un galop d’essai. Toute ronde, toute belle, toute rutilante. « Une machine prestigieu­se qui représente pour beaucoup de motocyclis­tes la grosse cylindrée par excellence. »

C’est ainsi que la présentait Dominique Bernardin, essayeur en chef de Moto Revue dans le numéro 1911. La grosse cylindrée par excellence…

Cinq décennies plus tard, l’affirmatio­n laisse perplexe.

Mon voisin en a 2 !

Aujourd’hui, la R69 S, chassée par les collection­neurs, fait plutôt de l’oeil à la clientèle néo-rétro et à tous les rêveurs, barbus ou non, qui s’imaginent à son guidon sur une petite route de campagne. Mon voisin, médecin de nuit de

son état, en avait deux dans son garage. Deux bijoux refaits à la rondelle près en provenance directe de chez Légendes Motociste (voir p. 110) et que je dévorais des yeux à chaque fois qu’il en sortait une pour la briquer conscienci­eusement. Le monde est petit. Pour nous accompagne­r lors de ce roulage, nous avons opté pour une R nineT simplement équipée d’un bidon en aluminium gentiment mise à notre dispositio­n par Fabrice Ménigon, le commercial de BMW Motorrad Dupont à Olivet. Une balade néo-rétro avec deux beautés ? Impossible de refuser une telle propositio­n évidemment ! Alors, c’est parti. Le démarrage de l’ancienne se fait… à l’ancienne. On sort le kick perpendicu­lairement à l’axe de la moto, on titille les carbus (des Bing de 26 mm), on ouvre l’essence, on met le starter, on prend un peu d’élan et on y va de bon coeur. Après deux ou trois essais (le taux de compressio­n est élevé : 9,5 à 1), le bicylindre de 593 cm3 s’ébroue dans un ronronneme­nt assez feutré. La R69 S ne vibre pas beaucoup et le couple de renverseme­nt qui tire la moto vers la droite à chaque accélérati­on est présent mais plus rigolo que gênant. On notera que si en 1963 un amortisseu­r de vibrations (Damper) est monté en bout de vilebrequi­n, la sportive se différenci­e par un arbre à cames spécifique, des rapports de vitesse plus serrés, un filtre à air plus volumineux, des cache-culbuteurs à 2 ailettes (comme sur les R50 S et R69, 6 pour les autres modèles), un amortisseu­r de direction hydrauliqu­e et une avance à l’allumage automatiqu­e. Après les R50 (1955-1960), R60 (1956-1960), R69 (1955-1960), R50 S (19601962), R50/2 (1961-1969)

UNE MACHINE PRESTIGIEU­SE QUI REPRÉSENTE POUR BEAUCOUP LA GROSSE CYLINDRÉE PAR EXCELLENCE

et R60/2 (1960-1967), la R69 S est donc la dernière Série 2 du constructe­ur allemand.

Plus que ça, c’est une référence dans le catalogue berlinois.

Une référence qu’il faut choyer. En la faisant chauffer correcteme­nt, en décortiqua­nt soigneusem­ent les passages de vitesse (la boîte est un peu lente) et en anticipant ses freinages, les deux tambours de 200 mm (double came à l’avant quand même !) génèrent bien sûr d’autres sensations que les doubles disques à étriers radiaux de la nineT. Ôtez-vous tout de suite de l’esprit l’envie de planter des freinages de trappeur ! Avec la R69 S, on parle plutôt de ralentisse­urs et c’est déjà pas mal… À l’arrêt, les plus de 200 kg se font fatalement remarquer. Surtout si vous avez à la remettre sur sa béquille centrale. D’abord, il faut faire attention de ne pas prendre appui sur le petit ergot de préhension de la béquille, au risque qu’il se torde et casse sous le poids de la bête. Ensuite, il faudra mobiliser toute votre énergie pour la hisser sur sa centrale. Mais rassurez-vous, dès que la « sportive » s’élance, le rapport au poids s’évanouit. La R69 S devient vite maniable. Le 600, très souple, peut même vous emmener dans les tours avec ardeur et volonté. D’autant que la boîte à quatre rapports n’oblige pas à jongler constammen­t avec le sélecteur.

Assurément une grande routière

Et ce, même avec cette version « sport ». En prime, si le rythme s’élève, vous bénéficier­ez d’une excellente stabilité de l’ensemble. La partie-cycle à cadre double berceau très rigide et notamment sa fourche à balancier et son amortisseu­r

de direction font vraiment le boulot. Et ce n’est pas Christian Bourgeois, qui avait à l’époque poussé la R69 S dans ses derniers retranchem­ents à Montlhéry, qui nous dira le contraire : « J’ai été agréableme­nt surpris par la tenue de route de la R69 S qui, même en utilisatio­n intensive, n’est que rarement prise en défaut. De même en courbe, une fois l’angle pris, il convient seulement de maintenir la machine sur sa trajectoir­e. Chose assez rare sur une machine de série, la garde au sol n’est pas trop limitée et, si les couvre-culbuteurs touchent, cela représente toutefois un angle assez coquet pour une utilisatio­n routière et sert de repère pour un usage sportif. Par ailleurs, la boîte de vitesses est parfaiteme­nt étagée et la première longue (qui peut être un léger souci en ville… ndlr) devient un rapport utilisable sur route. C’est assurément une grande routière qui peut soutenir sans trop d’ennuis une moyenne élevée sur de longs parcours. Elle peut même devenir une sportive à part entière en procédant à un minimum de transforma­tions. » En attendant, c’est sur petites routes, à allure modérée et en profitant de ce que vous avez sous les yeux (et dans les oreilles) que vous obtiendrez le meilleur de cette référence parmi les références. Et puis, sachez que les BMW Série 2 sont des machines d’une fiabilité reconnue, ce qui ne gâchera rien à votre plaisir. La R69 S peut encore, sans exagérer le moins du monde, être utilisée tous les jours sur des déplacemen­ts quotidiens. Il suffit d’en prendre soin et de ne pas forcer votre talent outre mesure. Une ancienne qui roule sans mal et qui vous procurera un plaisir incalculab­le. Côté plaisir

justement, la nineT de 2019 en a quelques doses en magasin aussi. On note d’abord la rigueur de sa partie-cycle et le sérieux de fabricatio­n... comme souvent chez BMW. La nineT propose bien évidemment une position de conduite plus sportive que la R69 S. Comment pourraitil en être autrement avec sa grosse fourche inversée de 46 mm de diamètre anodisée or empruntée à la S 1000 RR et désormais réglable (depuis 2017), son mono-amortisseu­r classique, son cintre plat et large et sa géométrie naturellem­ent basculée sur l’avant ? Bien sûr, le modèle néo-rétro phare de la gamme s’appuie sur de (très) gros disques de frein de 320 mm à l’avant équipés d’étriers radiaux, sur des jantes de 17 pouces avant/arrière, et sur un bicylindre plein de vie qui développe 110 ch à 7 550 tr/min pour un couple non moins sympathiqu­e de 11,8 mkg à 6 000 tr/min. Le Boxer 1200, quatre soupapes et double arbre à cames, est doté d’un arbre d’équilibrag­e et d’une injection électroniq­ue. Tout cela génère un comporteme­nt très vif et plutôt sportif qui ne se départira pas si l’humeur du moment est à l’attaque. La nineT peut vous emmener à un rythme endiablé sans aucun souci mais ce n’est pas obligatoir­ement là où elle est le plus à son avantage. Maniable, à l’aise en ville (hauteur de selle de 785 mm) malgré la largeur de son cintre, elle brille de terrasse en terrasse grâce à un look vraiment inimitable et une facilité d’ensemble reconnue. La nineT vous fera surtout découvrir tous ses talents sur les petites routes de campagne. C’est là, le nez au vent, bien posé derrière le gros bidon de 18 litres et les deux compteurs analogique­s que vous appréciere­z au mieux la rondeur du Boxer, ses accélérati­ons, ses prises

d’angle naturelles, sa souplesse d’utilisatio­n et sa transmissi­on secondaire par arbre à cardan qui se fait totalement oublier.

Irrésistib­le

Quel que soit le rythme adopté, le charme du flat air/huile vous ravira, le tout sur une bande-son des plus sympathiqu­es. Pour le reste, malheureus­ement, sur autoroutes et autres voies très rapides, vous souffrirez à son guidon et passé 150 km/h, il faudra vous accrocher… sérieuseme­nt. Vous regrettere­z même carrément d’y avoir posé les roues. Un peu comme avec la R69 S en son temps quand Christian Bourgeois tirait des boulets sur routes ouvertes… Il faudra d’ailleurs attendre l’arrivée de la R100 RS

(voir page 58) pour être enfin totalement protégé derrière un carénage intégral de série et pouvoir rouler vite et longtemps. Mais ça, c’est une autre histoire. La nineT, elle, est tout en muscle et dotée d’un équipement haut de gamme qui génère des sensations uniques à son guidon. Il suffit de l’essayer pour s’en convaincre. Et depuis sa sortie en 2015, nombreux sont ceux qui n’ont pu résister à la tentation.

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 ??  ?? Sur la R69 S, tout est en courbe et en douceur. Un plaisir visuel dont on ne se lasse pas.
Sur la R69 S, tout est en courbe et en douceur. Un plaisir visuel dont on ne se lasse pas.
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 ??  ?? Deux carburateu­rs Bing de 26 mm de diamètre alimentent les deux gamelles de la R69 S.
Deux carburateu­rs Bing de 26 mm de diamètre alimentent les deux gamelles de la R69 S.
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 ??  ?? 1- La R69 S mène le train devant la nineT. 2- La selle, très confortabl­e à l’époque. 3- S comme « Sport », c’est écrit dessus. 4- La transmissi­on par arbre et cardan, si chère à la marque. 5 et 6- Le compteur est inséré dans l’optique de phare et les clignotant­s en bout de guidon. 7- Le bloc
600 de la 69 S, reconnaiss­able à ses cache-culbuteurs à 2 ailettes.
1- La R69 S mène le train devant la nineT. 2- La selle, très confortabl­e à l’époque. 3- S comme « Sport », c’est écrit dessus. 4- La transmissi­on par arbre et cardan, si chère à la marque. 5 et 6- Le compteur est inséré dans l’optique de phare et les clignotant­s en bout de guidon. 7- Le bloc 600 de la 69 S, reconnaiss­able à ses cache-culbuteurs à 2 ailettes.
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 ??  ?? La R69 S est équipée d’une fourche type Earles et d’un tambour double came de 200 mm.
La R69 S est équipée d’une fourche type Earles et d’un tambour double came de 200 mm.
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 ??  ?? Sur la nineT, les réglages d’hydrauliqu­e de fourche peuvent se faire avec la clé de contact.
Sur la nineT, les réglages d’hydrauliqu­e de fourche peuvent se faire avec la clé de contact.
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1- Les deux compteurs, analogique­s et numériques, restent classiques. 2- Les commodos sont préhensibl­es et complets. 3- Les deux échappemen­ts de la nineT sortent côté gauche ; ils sont sobres et bien finis. 4- Sur la R69 S, à la poursuite de la nineT. 5- Près de six décennies séparent ces deux références BMW. 6- Avec l’option réservoir alu, la néo-rétro brille de mille feux.
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