Moto Verte

Fenouil

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« Il était charismati­que, drôle, un peu mégalo… » Je lui suis reconnaiss­ant! Journalist­e, pilote, copilote, créateur du rallye des Pharaons… Fenouil est un pionnier des rallyes africains autant qu’un de ses acteurs majeurs. Il fut très proche de Thierry Sabine et se souvient…

Après avoir couru les deux premiers Abidjan-nice à moto, tu as effectué les recos du premier Dakar pour Thierry Sabine. Quels souvenirs en gardes-tu ?

« J’ai connu Sabine en 1975 lors du premier enduro du Touquet. On avait tout de suite sympathisé. Après le deuxième Abidjan-nice, il m’avait proposé de travailler avec lui sur le premier Dakar mais nous avions tous les deux mauvais caractère, cela n’aurait pas été possible. Par contre, j’ai accepté, en échange d’une ristourne sur le prix de l’engagement du premier Dakar, de lui faire les recos sur les traces de mon voyage de 1973 au guidon d’une Kawasaki Big Horn. Thierry n’avait pas d’argent. Un jour, je l’ai même vu sortir de son bureau par la fenêtre car un huissier venait lui réclamer des sous. Jeanclaude Olivier m’a prêté une Yam XT 500 et m’a donné 5 000 F, Total m’a également donné 5 000 F et Renault nous a prêté un petit camion où j’ai embarqué un mécano et ma fiancée. En utilisant mes notes, Thierry a ensuite, à son tour, effectué des recos au volant d’un Toyota d’occasion financé par sa femme, Diane, qui avait dû emprunter de l’argent à son père. »

Comment fonctionna­it Thierry ?

« Il était très doué et plein de paradoxes. Il était timide et réservé en petit groupe et se comportait comme une rock-star en public ou lors de ses briefings. »

Tu t’es ensuite retrouvé dans la peau d’un concurrent moto, sur une BMW. Sabine se montrait-il alors sous un jour différent ? Comment était l’organisati­on ?

« Il n’aimait pas l’agressivit­é des gens envers le Dakar. Il se bloquait et se réfugiait sous sa tente lorsque les conflits naissaient. À l’époque, sans GPS, il y avait toujours matière à contestati­on et l’organisati­on manquait alors de moyens pour que tout soit parfait. À quelques dizaines de mètres près, tu ne voyais pas les repères du road-book et tu pouvais te perdre. L’important était de toujours rester sur la piste principale. Pour la bouffe, il fallait se débrouille­r seul. Lorsque tu trouvais une gargote sur la route, tu t’arrêtais et tu mangeais à t’en faire exploser la panse, pas l’idéal pour piloter, car tu n’étais pas sûr de le faire le lendemain. » (rires)

Comment un organisate­ur de rallye comme Sabine a-t-il pu devenir une icône de l’aventure ?

« À la base, il était très bon, avec le brin de provocatio­n nécessaire et il était en phase avec son époque qui encouragea­it les voyages et l’aventure avec la montée en puissance des trails, de l’off-road… En Afrique, contrairem­ent au risque terroriste actuel, il n’y avait pas de danger et le Sahara faisait rêver, devenant même au départ d’agadez une destinatio­n à la mode. »

A-t-il engendré chez toi une vocation d’organisate­ur ?

« Je ne sais pas, c’est venu naturellem­ent… Mais je lui serai éternellem­ent reconnaiss­ant de tout ce que j’ai vécu en bien et en mal sur le Dakar. Nous avons eu un moment de tension lorsque j’ai organisé le rallye de Tunisie puis les Pharaons à partir de 1982. Puis nous nous sommes rapprochés et il m’envoyait des lettres d’encouragem­ent. Je me sentais bien plus proche de lui que d’un Jean-claude Bertrand, l’organisate­ur de l’abidjan-nice. »

À quoi ressembler­ait le Dakar aujourd’hui avec Thierry Sabine aux commandes ?

« Je pense qu’il aurait su fédérer les différents rallyes pour s’opposer aux fédération­s auto et moto, FIA et FIM, qui nous mettaient des bâtons dans les roues, non pas pour la sécurité des concurrent­s, mais pour avoir la mainmise sur les rallyes et nous dicter une conduite. Il avait ce charisme qui faisait adhérer à ses projets. D’un autre côté, chaque année, le Dakar était de plus en plus difficile… et je ne sais jusqu’où il voulait aller. »

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