Moto Verte

La France à la conquête d’une 6e étoile !

Avant même d’avoir commencé, ce 72e Motocross des Nations a énormément fait parler de lui. La course aura lieu le 7 octobre prochain à Red Bud aux USA, l’équipe américaine est forcément attendue et l’équipe de France tenante du titre est en pleine polémiq

- Par Jordan Labbé - photos : archives MV

Alors que la France essuyait un gros épisode orageux début août, un énorme coup de tonnerre a résonné depuis le siège de la FFM. L’annonce de l’équipe de France MXDN est faite sous forme d’interview vidéo du président Jacques Bolle et le nom de celui qui se bat pour le titre MX US 450, alors que la course se déroulera aux États-unis, n’y est pas cité. L’équipe alignée à Red Bud en octobre prochain sera composée de Dylan Ferrandis en 250, de Gautier Paulin en MX1 et de Romain Febvre en Open. Stupeur, incompréhe­nsion, réactions, le net s’enflamme instantané­ment. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis des semaines, Marvin dit à qui veut l’entendre qu’il veut sa place dans l’équipe, même si le MXDN tombe plutôt mal dans son calendrier, six jours avant la Monster Cup, en pleine préparatio­n SX et plus d’un mois après la finale du championna­t Outdoor US. Il s’est même empressé de tourner lui aussi une petite vidéo dans laquelle il fait part de sa déception et rappelle qu’il est dans une excellente forme physique, qu’il a remporté l’épreuve de Red Bud cette année et que depuis des mois tout était calculé dans son planning pour faire entrer le MXDN dans son calendrier ! Parallèlem­ent à cela, Gautier Paulin, capitaine historique de l’équipe de France qui fêtera sa dixième sélection au MXDN (un record !), est dans une passe difficile. Il score une maigre 13e place dans les sables de Lommel au GP de Belgique, seulement quelques jours avant l’annonce de l’équipe. Alors pourquoi la FFM a-t-elle préféré Gautier (ou Romain, bien que plus légitime à l’instant T) à Marvin ? Principale­ment pour une question de

motivation selon Jacques Bolle : « Pour cette épreuve, il nous faut les trois meilleurs pilotes du moment. On se base sur le palmarès de la saison en cours et sur leur état de forme mais également sur un deuxième critère quasiment aussi important : leur motivation. On a besoin d’avoir trois garçons très motivés qui ont envie de se battre pour les couleurs françaises. Enfin, troisième critère, il est important que l’épreuve s’intègre bien dans leur calendrier de pilote. » Puisque le président ne souhaite ajouter aucun commentair­e à cette déclaratio­n et que Pascal Finot (l’entraîneur national) n’a pas autorité à s’exprimer sur la question, il faut extrapoler et en déduire que Marvin Musquin n’a pas convaincu Finot, venu en éclaireur à Red Bud au mois de juillet et qui a pourtant assisté à la victoire de Musquin sur la future piste du MXDN 2018.

Paulin dans le viseur

Si en 250, Dylan Ferrandis est incontesta­ble et qu’en 450 le meilleur pilote au classement provisoire du MXGP est Romain Febvre,

le cas Paulin donne lieu à plus d’interrogat­ions parmi les observateu­rs avertis du MX mondial. Le capitaine historique de l’équipe depuis dix ans est dans une phase difficile. En proie à quelques désaccords avec son team Husqvarna Rockstar Factory, les performanc­es de Gautier sont en baisse depuis le cap de la misaison après une belle série de podiums dont le dernier avant l’annonce de la sélection date du 17 juin à Ottobiano. Mais d’après le président de la FFM, sa place dans l’équipe n’a jamais été remise en question : « Pour les pilotes 450, Gautier Paulin s’imposait. Parce que c’est un très bon pilote, cela fait dix ans qu’il est avec nous, on a gagné quatre fois les Nations avec lui et c’est un excellent capitaine. Je dois dire que cela a joué. » Un choix dont les arguments sont discutable­s et qui ne fait pas l’unanimité. Membre de la première équipe de France victorieus­e au MXDN en 2001, David Vuillemin ne mâche pas ses mots : « Quand tu écoutes l’interview de Monsieur Bolle sur la sélection de l’équipe de France, tu te rends compte que Gautier est indiscutab­le et que leur choix était entre Romain et Marvin. Tout mec normalemen­t constitué aurait dit que Dylan et Marvin étaient indiscutab­les et que le choix était entre Romain et Gautier pour la 3e place… Et là, tu trouves un mur et tu te tapes la tête dessus jusqu’à ce que tu comprennes leur

« Gautier Paulin s’imposait car c’est un excellent capitaine. » Jacques Bolle

« France, USA et Pays-bas sont les équipes favorites. »

raisonneme­nt et tu finis avec la tête éclatée comme une citrouille le soir d’halloween mais tu n’as toujours pas compris… » De son côté, Jean-michel Bayle n’est pas moins critique sur ce choix : « Marvin Musquin aurait été le leader de cette sélection et cela ne plaît pas a tout le monde, il aurait fait de l’ombre à la starlette… Certains pour exister s’entraînent et augmentent leurs performanc­es par le travail, d’autres font de la politique avec de belles paroles et écartent ce qui peut leur faire de l’ombre. » Jacky Vimond non plus n’en croyait pas ses oreilles quand il a entendu la compositio­n de la sélection : « Je trouve que c’est une erreur monumental­e. C’est vraisembla­blement une question de relations avec la fédération. Je peux comprendre qu’on puisse hésiter entre Paulin et Febvre. Gautier prend son rôle à coeur et c’est un véritable atout. Celui de Romain, c’est d’être performant le jour J. Certes, la cohésion est importante, on peut créer une ambiance qui va servir aux pilotes, mais on reste sur une somme de résultats individuel­s. » Autre exemple de réaction stupéfaite,

celle de Mickaël Pichon : « On ne peut être qu’abasourdi. C’est irréel. La FFM n’a pas choisi le mec qui s’imposait aux yeux de tout le monde pour cette course aux USA. C’est assez hallucinan­t. Quand tu as un mec qui joue la gagne contre un Tomac en outdoor pour le titre et qui bat Roczen… Il faut regarder les résultats et prendre les meilleurs. Logiquemen­t, tu prends Febvre et Musquin ! Mais entre la fédé et Paulin, c’est une histoire d’amour. Le responsabl­e de tout ça, c’est Paulin. Moi, si j’avais été à sa place, avec ses résultats actuels, j’aurais admis que je n’étais pas à la hauteur et j’aurais laissé ma place à Marvin ! J’aurais demandé à être le pilote réserve et à faire partie du staff pour aider l’équipe. Je ne crois pas à l’argumentat­ion de Jacques Bolle à propos de la motivation de Marvin Musquin. Il a passé

un énorme cap, Marvin est toujours là pour

gagner. » Pendant ce temps-là, Gautier Paulin enchaîne les contre-performanc­es en GP mais gageons qu’il sera remonté comme une pendule et qu’il sortira le grand jeu à Red Bud.

Une 6e étoile dès cette année?

Une fois la nouvelle digérée et la polémique passée, posons-nous la bonne question. Cette équipe, bien que controvers­ée, est-elle capable de graver son nom pour la sixième fois sur le socle du trophée Chamberlai­n ? Pour tenter d’y voir plus clair, jetons un coup d’oeil sur nos adversaire­s directs. Souvent privée de ses meilleurs pilotes, la sélection américaine sera cette fois-ci plus que solide à domicile avec en chef de file Eli Tomac. À ses côtés, Aaron Plessinger en 250 et Justin Barcia en Open. Paulin sera face à Tomac et la meilleure cote est logiquemen­t à mettre au crédit de celui qui porte la plaque rouge en AMA 450. Mais Tomac n’a pas cassé des briques à Red Bud cette année avec une maigre 15e place, sa pire expérience de la saison. L’autre point faible de Tomac, qui peut avoir son importance aux Nations, ce sont ses départs. Le format particulie­r avec un tirage au sort pour l’entrée en grille en manche qualificat­ive qui conditionn­e tout le week-end peut également être un facteur à prendre en compte, dans un sens ou dans l’autre nous direz-vous. Le match est en revanche théoriquem­ent plus serré en 250 entre Ferrandis et Plessinger, tout comme en Open avec Febvre face à Barcia. Sur le papier, et si tout se passe bien pour tout le monde, l’affaire s’annonce corsée. Mais en motocross et d’autant plus au MXDN, tout peut arriver ! Cinq résultats seront comptabili­sés sur les six obtenus au cours de la journée. Une chute, une erreur, une journée « sans » et c’est toute

l’équipe qui plonge, comme le souligne Mickaël Pichon : « Oui, ils peuvent gagner parce qu’en face d’eux, il n’y a que les Américains et ils ne sont pas à l’abri d’une contre-performanc­e. S’il y a un problème chez les Ricains, c’est largement jouable. Sinon,

c’est mort. » Il faudra également regarder qui d’autre peut s’intercaler entre les USA et la France. Et il faudra certaineme­nt compter sur une équipe néerlandai­se, emmenée par Jeffrey Herlings et Glen Coldenhoff, dans laquelle s’est trouvé ajouté Calvin Vlaanderen, natif d’afrique-du-sud mais titulaire d’un passeport hollandais via les origines de son père. Mais certaines individual­ités peuvent avoir une grosse importance dans le classement final de ce duel. On pense notamment à Ken Roczen, à Jorge Prado, à Clément Desalle, à Jeremy Van Horebeek… La nation qui l’emportera sera celle qui aura collective­ment mieux géré cette adversité. Rien n’est donc joué pour le team France qui garde en main d’excellente­s cartes à abattre et qui a déjà prouvé à de

nombreuses reprises par le passé qu’il fallait compter sur elle, quelle que soit l’équipe alignée. Les deux dernières victoires ont été acquises avec, il faut le reconnaîtr­e, un peu de réussite. Il en faut toujours et gageons que cette année ne dérogera pas à la règle et que chacun saura donner le meilleur de lui-même le jour J.

Les grands absents

Avoir les Nations aux USA est une chose attendue par les fans du monde entier. Après avoir longuement dominé la compétitio­n (21 victoires depuis 1981), les USA n’ont plus gagné le MXDN depuis 2011 à Saint-jean-d’angély. Pourquoi ? Tout simplement parce que la course s’intègre difficilem­ent dans leur calendrier et que de fait, les meilleurs pilotes ne sont pas toujours motivés ou disponible­s pour effectuer ce long voyage. Cette année, c’est le monde entier qui se déplace chez eux et cela implique pour les nations européenne­s habituelle­ment représenté­es

sur le vieux continent, qui comptent parfois un pilote de très haut niveau, des dépenses très importante­s. Côté français, on ne cache pas que cette édition va impliquer un gros budget, avec un staff de trente personnes envoyé pendant une semaine sur les bords du lac Michigan. Parfois même, les dépenses seront trop importante­s pour faire le déplacemen­t. C’est le cas de l’équipe slovène ce qui nous privera de Tim Gajser, mais c’est également potentiell­ement le cas de l’équipe estonienne, de l’équipe suédoise, toutes deux dans le top 10 l’an dernier, de la Russie de Bobryshev et de la Suisse, véritable prétendant­e au podium final depuis deux éditions avec Arnaud Tonus, Valentin Guillod et Jeremy Seewer ! En effet, l’équipe managée par Marc Ristori a lancé une campagne de crowfoundi­ng (collecte d’argent sur internet) pour couvrir les quelque 40 000 euros nécessaire­s à ce projet. Il n’y aura vraisembla­blement pas de Pauls

Jonass puisque l’équipe de Lettonie ne serait pas non plus du voyage. En guise de « compensati­on », on pourrait voir au départ quelques équipes qui ne font habituelle­ment pas le déplacemen­t. Comme le fameux team Porto Rico, un territoire US, qui est en réalité un team USA « B ». Stratégiqu­ement parlant, ce team qui aurait par exemple pu ressembler à Alex Martin, Jason Anderson, Thomas Covington et aurait été en mesure de battre 95 % des équipes présentes aurait pu jouer un rôle important dans l’attributio­n du titre suprême en augmentant d’un point ou deux le score des teams en concurrenc­e avec les USA ! Mais il n’en est rien. Au lieu de cela, le team Porto Rico sera composé de Travis Pastrana, Kevin Windham et Ryan Sipes, tous trois au guidon de motos deux-temps ! Vous ne rêvez pas… Cette initiative spectacula­ire, chapeautée par Ricky Johnson, servira de support pour aider la petite île de Porto Rico, dévastée par un cyclone l’année dernière. Un projet à la fois génial et excitant qui mettra certaineme­nt du piment dans les courses et qui pourrait bien jouer une place d’honneur en finale A ! Trêve de bla-bla, place au sport. Et comme le dit le sage, tant que le dernier drapeau à damiers n’est pas tombé, il faut y croire !

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 ??  ?? Malgré le fait que la course se déroule aux USA, on attend de nombreux fans venus de toute l’europe pour soutenir leurs équipes à Red Bud.
Malgré le fait que la course se déroule aux USA, on attend de nombreux fans venus de toute l’europe pour soutenir leurs équipes à Red Bud.
 ??  ?? Jeffrey Herlings est certaineme­nt l’homme le plus attendu et redouté de ce Motocross des Nations 2018. Est-il le meilleur pilote du monde ?
Jeffrey Herlings est certaineme­nt l’homme le plus attendu et redouté de ce Motocross des Nations 2018. Est-il le meilleur pilote du monde ?
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 ??  ?? Toujours très fort en outdoor, Eli Tomac a enchaîné avec un deuxième titre AMA motocross cette année. Sous les yeux de ses fans, il n’aura qu’une idée en tête, gagner avec le team USA !
Toujours très fort en outdoor, Eli Tomac a enchaîné avec un deuxième titre AMA motocross cette année. Sous les yeux de ses fans, il n’aura qu’une idée en tête, gagner avec le team USA !
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 ??  ?? En 2014, lors de sa première sélection, Dylan Ferrandis avait marqué les esprits. Combatif, patriote, déterminé, le jeune Français ne lâchera rien face à ses adversaire­s, au milieu des 450.
En 2014, lors de sa première sélection, Dylan Ferrandis avait marqué les esprits. Combatif, patriote, déterminé, le jeune Français ne lâchera rien face à ses adversaire­s, au milieu des 450.
 ??  ?? Meilleur performeur tricolore des trois dernières éditions, Romain Febvre est l’avant-centre du team France !
Meilleur performeur tricolore des trois dernières éditions, Romain Febvre est l’avant-centre du team France !

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