Côte Vermeille
Au cap Béar en Bali 4.8
A cheval sur une frontière exceptionnellement étanche, la côte Vermeille de Collioure à Cadaquès offre sur quelques milles un concentré de mouillages et d’escales pittoresques qui méritent de s’y attarder.
Le contraste est saisissant. A l’approche de la frontière francoespagnole, on passe brutalement du plat pays languedocien aux versants abrupts des Pyrénées majestueusement dominés par la haute silhouette du pic du Canigou. Cette plongée de la montagne dans la Grande Bleue forme la promesse, pour le marin aventureux, de petites baies, criques et calanques à foison. Pour le moment, nous longeons encore le long ruban de sable de la plaine du Roussillon tout juste troublée par les cités balnéaires qui ont pris le pas sur les petits villages sagement installés en retrait du trait de côte. Autant d’amers remarquables qui, faute d’être du goût de tous, offrent aux navigateurs des abris artificiels bienvenus lorsque souffle la tramontane. Equivalent languedocien du mistral, ce fort vent de nord-nordouest naît au pied des massifs montagneux avant de balayer le golfe du Lion jusqu’aux Baléares. Mieux vaut donc l’avoir avec soi pour envisager sereinement cette petite croisière côtière. Pour l’heure, point de tramontane et notre Bali 4.8, tout juste sorti du chantier de Canet-en-Roussillon, s’approche lentement de la côte Vermeille. De Collioure à Cadaquès en Espagne, on dénombre sur une vingtaine de mille deux caps remarquables (mais quatorze en tout!), une vingtaine de mouillages forains ou de petits ports lovés dans les contreforts du massif des Albères. En cette fin juin, les circonstances nous interdisent encore de franchir la frontière franco-espagnole située à Port-Bou et de passer le cap Creus pour rallier Port Lligat et Cadaquès, mais il y a déjà de quoi passer un chouette week-end sans quitter nos eaux territoriales. Avant de penser à en explorer les recoins, nous profitons d’un filet d’air pour croiser au large avec le secret espoir d’observer l’un des très nombreux mammifères marins fréquentant cette côte, attirés par la richesse des eaux de la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls.
Une ergonomie intelligente du plan de pont
Si nous faisons chou blanc, l’exercice nous a permis d’appréhender la manoeuvre et la réactivité de ce catamaran de 48 pieds. La surprise est plutôt bonne avec une ergonomie intelligente du plan de pont, une implantation bien réfléchie de l’accastillage et un comportement somme toute réactif pour peu que l’air rentre franchement. Dans 18 noeuds de vent apparent, nous progressons ainsi à 7,5 noeuds à 150° du vent.
Soyons honnêtes, les Bali n’ont pas vocation à performer sous voiles, la preuve avec nos deux hélices tripales non repliables qui, une fois embrayées pour limiter les vibrations, nous font bien perdre 0,8-1 noeud… Après avoir salué le cap Béar et son phare, nous jetons notre dévolu sur l’anse de Paulilles sans tarder, car elle peut vite être saturée. Le mouillage, divisé en trois zones, est reconnu comme l’un des plus beaux de la côte. On jette son ancre dans 6 m d’eau soit au nord du site au pied des vignes, devant la plage de Bernardi ; soit au centre dans l’alignement de l’ancienne dynamiterie Nobel qui fabriqua des explosifs 1870 à 1984 notamment pour creuser le canal de Panama, ou plus au sud, face à la plage Del Forat. Nous optons pour le nord avant qu’une question cruciale ne se pose : où dîner ce soir ? Dans le grand carré ? Dans le cockpit avant ? Sur le flybridge ? Puisque nous avons déjà déjeuné en mer dans le cockpit avant – très fréquentable en navigation même au près (en deçà de 20 noeuds) –, nous optons pour le carré. L’endroit offre à tout l’équipage un moment de grande convivialité tout en préparant le dîner sans compter que sa porte oscillo-basculante permettra de parer à une éventuelle baisse de température nocturne !
Le lendemain matin, c’est à terre que nous explorons le mouillage en débutant par une randonnée facile mais spectaculaire le long du sentier côtier. On le rejoint depuis la plage de Bernardi. Il s’élève alors doucement à l’assaut du cap Béar, entre mer et vignoble. Les plus courageux pousseront jusqu’à PortVendres, unique abri tout temps de la côte. Sur le retour, nous plongeons dans l’histoire explosive de cette anse en déambulant sur le site de l’ancienne dynamiterie. Un espace muséographique ludique de plein air y a été organisé tandis qu’un atelier de restauration des barques catalanes occupe un des bâtiments. Mais il est temps de relever l’ancre pour une très courte navigation à la voile vers
Collioure. Une escale incontournable avec prise de coffre devant la cité des peintres et l’église Notre-Dame-des-Anges. Notez que le mouillage peut-être rouleur et qu’une réservation semble indispensable, même hors saison. Mais au petit matin, le lever de soleil qui drape l’ancienne cité royale d’un chaud manteau ocre rend l’escale magique, inoubliable. On comprend mieux alors la passion dévorante des artistes peintres qui ont fait de ce petit port catalan un haut lieu du tourisme international et qui vaut à lui seul cette petite escapade en pays catalan.
L’anse de Paulille, à une encablure de Port-Vendres, est l’une des plus belles de la côte catalane.
Nacelle et coques
L’incroyable astuce des Bali est évidente : privilégier, grâce à son concept de cockpit qui se referme lorsque le temps est maussade, un espace de vie unique, vaste et convivial. Là où d’autres ont une petite table dans le carré et une autre dans le cockpit, le Bali n’en a qu’une, immense et sans rupture ni avec la cuisine ni avec le mouillage. L’effet waouh n’est pas feint. L’art de vivre à bord s’en trouve nettement transformé, la circulation vers les coques, la table à cartes ou le cockpit avant depuis la plage arrière est simplifiée. C’est un sans-faute pour la circulation sur cette nacelle qui s’apparente à un beau loft. Le traitement du flybridge et de son organisation qui laisse une belle zone en pied de mât pour l’équipier tandis que barreur et passagers sont en retrait est lui aussi séduisant. Alors, tout bon le Bali 4.8 ? L’aménagement des coques, pour être efficace, est moins flatteur. A force de vouloir optimiser les volumes et multiplier les couchettes, les cabines finissent par être étriquées. C’est le cas dans cette version cinq cabines où celles situées en avant de la nacelle semblent vite encombrées une fois habitées. Il faut dire que tout est millimétré : l’ouverture des portes, les placards. A noter, une cabine Twin difficile à ventiler. La critique ne vaut évidemment pas pour l’immense cabine propriétaire.