Assassinat à Èze: le couple fusionnel se déchire
Le couple Pierru, jadis si fusionnel, se déchire en direct devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Unis pour le meilleur, Georges Pierru et Grit Bergmann comparaissent depuis lundi pour le pire: l’assassinat de Drost Notthof, 51 ans, retrouvé pendu dans sa villa à Èze le 26 septembre 2011. L’absence d’un médecin légiste disponible le jour de la découverte
(1) du cadavre aurait pu laisser ce crime impuni. La clairvoyance d’un généraliste a heureusement permis d’alerter la justice sur cet étrange suicide. Le professeur Gérald Quatrehomme, qui a pratiqué une tardive autopsie, confirme que «les lividités cadavériques [coloration violacée] n’étaient pas aux bons endroits ». Devant les jurés, le légiste écarte l’hypothèse d’une chute accidentelle, confirme que la victime est morte asphyxiée. L’accusé Georges Pierru, 52 ans, avait fini par avouer devant les gendarmes avoir appuyé avec un pied-de-biche sur la gorge de la victime jusqu’à ce que mort s’ensuive. Avant de se rétracter.
« Un accident »
Invité par le président Didier Guissart à s’expliquer, Georges Pierru, mains croisées dans le dos, prend la parole avec une certaine solennité : « Je pense qu’il est temps de dire les choses… Je n’ai absolument pas porté de coups. C’est un accident. À savoir que j’ai toujours voulu protéger mon épouse, bientôt mon ex-épouse. » Le couple est en instance de divorce. Regard appuyé de l’accusé vers Grit Bergmann. Il poursuit : « Elle a subi des attouchements de Drost Notthof. Elle s’est débattue et lui a porté un coup de coude à la glotte. Quand je suis rentré dans la salle à manger, j’ai pensé qu’il avait fait un malaise. J’ai paniqué, j’ai eu très peur. » Son avocat, Me Julien Darras, paraît accablé par ce récit elliptique, cette énième volte-face. D’autant que Grit Bergmann, visage baigné de larmes, confirme, elle, le scénario retenu par l’acte d’accusation. Elle explique que Pierru a agressé et tué Drost Nothoff, son ex-compagnon, avant de le pendre pour faire croire à un suicide. « Deux versions sensiblement différentes », observe le président Guissart. Les déclarations de l’accusée allemande sont confirmées par le professeur Quatrehomme. L’absence de prise de température le jour de la découverte du corps laisse néanmoins planer un doute sur la date de la mort. Me Darras s’engouffre dans la brèche : «M. Notthof a pu mourir le 25 septembre comme il a pu mourir le 26. »
Statégie incompréhensible
Or, une mort survenue le 26 septembre disculperait le couple. Hormis cette incertitude, les éléments à charge se sont accumulés. Et la stratégie de défense des accusés paraît de plus en plus incompréhensible. Le président finit par leur lancer un appel solennel , « une invitation » : « Vous avez évoqué, jusqu’en 2015, la passion qui vous animait, l’amour réciproque que vous vous portiez. Aujourd’hui, c’est manifestement d’autres sentiments qui vous animent et qui vous font tenir des propos en totale discordance. Chacun est libre de ses propos. Mais entendez que c’est très désagréable… ». Le magistrat est décidé à obtenir des aveux circonstanciés. Il les sermonne : «La partie civile [la compagne du défunt] vient chercher un peu de vérité. Vous lui devez cette vérité. À elle et à tous ceux qui disent du bien de vous. Et il n’y a pas deux vérités possibles. » La nuit portera-t-elle conseil ? Réponse attendue ce matin. 1. En raison d’une réforme en 2011, les effectifs des légistes ont été divisés par deux dans les AlpesMaritimes alors que le nombre d’autopsies et d’expertises judiciaires n’a cessé de croître.