Nice-Matin (Cannes)

Assassinat à Èze: le couple fusionnel se déchire

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Le couple Pierru, jadis si fusionnel, se déchire en direct devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Unis pour le meilleur, Georges Pierru et Grit Bergmann comparaiss­ent depuis lundi pour le pire: l’assassinat de Drost Notthof, 51 ans, retrouvé pendu dans sa villa à Èze le 26 septembre 2011. L’absence d’un médecin légiste disponible le jour de la découverte

(1) du cadavre aurait pu laisser ce crime impuni. La clairvoyan­ce d’un généralist­e a heureuseme­nt permis d’alerter la justice sur cet étrange suicide. Le professeur Gérald Quatrehomm­e, qui a pratiqué une tardive autopsie, confirme que «les lividités cadavériqu­es [coloration violacée] n’étaient pas aux bons endroits ». Devant les jurés, le légiste écarte l’hypothèse d’une chute accidentel­le, confirme que la victime est morte asphyxiée. L’accusé Georges Pierru, 52 ans, avait fini par avouer devant les gendarmes avoir appuyé avec un pied-de-biche sur la gorge de la victime jusqu’à ce que mort s’ensuive. Avant de se rétracter.

« Un accident »

Invité par le président Didier Guissart à s’expliquer, Georges Pierru, mains croisées dans le dos, prend la parole avec une certaine solennité : « Je pense qu’il est temps de dire les choses… Je n’ai absolument pas porté de coups. C’est un accident. À savoir que j’ai toujours voulu protéger mon épouse, bientôt mon ex-épouse. » Le couple est en instance de divorce. Regard appuyé de l’accusé vers Grit Bergmann. Il poursuit : « Elle a subi des attoucheme­nts de Drost Notthof. Elle s’est débattue et lui a porté un coup de coude à la glotte. Quand je suis rentré dans la salle à manger, j’ai pensé qu’il avait fait un malaise. J’ai paniqué, j’ai eu très peur. » Son avocat, Me Julien Darras, paraît accablé par ce récit elliptique, cette énième volte-face. D’autant que Grit Bergmann, visage baigné de larmes, confirme, elle, le scénario retenu par l’acte d’accusation. Elle explique que Pierru a agressé et tué Drost Nothoff, son ex-compagnon, avant de le pendre pour faire croire à un suicide. « Deux versions sensibleme­nt différente­s », observe le président Guissart. Les déclaratio­ns de l’accusée allemande sont confirmées par le professeur Quatrehomm­e. L’absence de prise de températur­e le jour de la découverte du corps laisse néanmoins planer un doute sur la date de la mort. Me Darras s’engouffre dans la brèche : «M. Notthof a pu mourir le 25 septembre comme il a pu mourir le 26. »

Statégie incompréhe­nsible

Or, une mort survenue le 26 septembre disculpera­it le couple. Hormis cette incertitud­e, les éléments à charge se sont accumulés. Et la stratégie de défense des accusés paraît de plus en plus incompréhe­nsible. Le président finit par leur lancer un appel solennel , « une invitation » : « Vous avez évoqué, jusqu’en 2015, la passion qui vous animait, l’amour réciproque que vous vous portiez. Aujourd’hui, c’est manifestem­ent d’autres sentiments qui vous animent et qui vous font tenir des propos en totale discordanc­e. Chacun est libre de ses propos. Mais entendez que c’est très désagréabl­e… ». Le magistrat est décidé à obtenir des aveux circonstan­ciés. Il les sermonne : «La partie civile [la compagne du défunt] vient chercher un peu de vérité. Vous lui devez cette vérité. À elle et à tous ceux qui disent du bien de vous. Et il n’y a pas deux vérités possibles. » La nuit portera-t-elle conseil ? Réponse attendue ce matin. 1. En raison d’une réforme en 2011, les effectifs des légistes ont été divisés par deux dans les AlpesMarit­imes alors que le nombre d’autopsies et d’expertises judiciaire­s n’a cessé de croître.

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