Nice-Matin (Cannes)

À Marseille, « on est mis

■ L’annonce de la fermeture des bars et restaurant­s, à partir de ce week-end, lève la fronde à Marseille. ■ La mairie demande un gel de dix jours, avant toute restrictio­n dure, le temps de vérifier si l’épidémie s’aggrave, ou pas. ■ Sur le Vieux-Port, o

- Reportage : Sonia Bonnin sbonnin@varmatin.com Photos : Laurent Martinat

Iqu’ils ne respectent pas [les gestes barrière]. Mais à l’intérieur, oui .» Venant d’Espagne, il souligne qu’il porte le masque, « même tout seul ». Mais au fond, « heureuseme­nt que j’en ai profité avant ! S’ils ferment tout, on va perdre le charme de Marseille. Ils vont casser la ville, direct .» Les eaux sont calmes, aussi, pour la pêche locale. Sur le quai, le thon rouge s’affiche à 20 euros le kilo, devant une femme plantureus­e qui s’écrie : « C’est le oaï ! » La fermeture des restaurant­s décidée à Paris ? « Je ne veux pas en parler ! Je vais en tuer un! » Effet collatéral.

Chakira et Foued rafraîchis­sent soles et daurades sur leur lit de glace. Toujours pas vendues. Il est midi passé.

« Les restaurate­urs achètent chez nous. Alors s’ils ferment… Nous, nous sommes pêcheurs. On baisse les prix, on bazarde. » Hélant une passante qui lance un oeil curieux : « Dix euros le kilo de bonite. » Peau bleue, oeil brillant.

Deux serveurs guettent le client. « Mais quelle heure il est ? Il est hyper tôt, non ?» Non. Midi quarante. L’ambiance est toujours calme.

Après un été que tous qualifient d’assez exceptionn­el, Devant un verre de vin blanc, à l’ombre aucun des croisiéris­tes qui d’un parasol, un « Marseillai­s pur souche » musclaient la fin de saison n’accoste à Marseille. fait la grimace. « Par rapport à ce qu’il se Les visiteurs du troisième âge sont passe dans d’autres régions, je ne comprends forcément plus pas. Les profession­nels

‘‘ rares, vu le risque ont fait des efforts, de contagion. Septembre espacé les tables.

Il y en a qui vont est déjà morose. Ils ferment plus crever… alors crever tôt. C’est anormal Jeunes retraités, qu’ils soient mis sur

de la grippe ”

Claudie et Alain le banc des accusés .» n’ont pourtant pas Pourtant, il y aurait hésité à venir de Rodez, pour quelques à redire, selon lui. « Tout l’été, le bus 83 qui jours. « Si les bars et restaurant­s ferment, la va vers les plages était bourré. Là, ça dérangeait vie s’arrête. Comment venir et ne pas trouver personne et il n’y avait aucun contrôle à boire ou à manger ? », s’interroge le ! Je l’ai vu, ce n’est pas une vue de l’esprit couple, bras dessus bras dessous, à la recherche .» d’une bonne table. Pourquoi ici et pas ailleurs ? C’est à Marseille et pas dans les autres grandes métropoles qu’on fait ça. » « C’est démesuré, sans anticipati­on, ça tombe sur le coin du nez », estime Lynda, secrétaire médicale qui accompagne deux amis de Savoie, en balade devant la silhouette de La Bonne Mère. Le trio est bien heureux d’avoir « déjà fait un resto ».« Ça nous rend tristes que les commerçant­s subissent encore, en direct. Alors que d’autres endroits pourraient être concernés », compatisse­nt Mélodie et Erwann. Marseille, maltraitée ? « On a fait beaucoup d’efforts ici, estiment deux marins qui appareille­nt à bord d’une navette. D’autres mesures pourraient être prises. » De contrôle. l est bientôt midi, les poissons se languissen­t. Le long des quais à peine passants, les terrasses sont clairsemée­s. Sous le soleil imperturba­ble, Marseille scrute et attend. Avant de se révolter. Dans la rue, les nouvelles vont vite. Tout le monde sait que la mairie dénonce « la punition », voulue par le gouverneme­nt à l’encontre de la deuxième ville de France. Le Vieux-Port, poumon touristiqu­e, retient son souffle.

« Pourquoi ils s’en prennent à nous ? rugit Jo, trente ans de comptoir au Collins, cheveux gris en bataille. Hier soir, j’ai fait seize couverts sur une terrasse qui peut en compter cent. Il est où le problème ? Là, on est des marionnett­es. »

La perspectiv­e de fermer les bars et restaurant­s, pendant les quinze prochains jours, sur ordre du ministre de la santé Olivier Véran, est perçue comme une injustice. « Au moins qu’ils nous respectent. Qu’ils le disent à l’avance. Pour ne pas jeter la marchandis­e. » Midi a sonné. Seuls deux clients font face à la mer.

« La vie s’arrête » «C’est dehors, qu’ils ne respectent pas»

C’est aussi le sentiment de Zakaria, 26 ans, sur le point de rentrer à Barcelone, après avoir profité de la vie nocturne, malgré la Covid-19. « Pourquoi les bars ? C’est pas logique, observe-t-il. Les gens, c’est dehors

« Ils veulent se payer Raoult »

En essuyant des verres à pied derrière son zinc du Bar Bù, Jérémy veut croire que la partie n’est pas perdue. « On ne va pas fermer. Ils vont se battre à la mairie. Les restaurate­urs ne vont pas rester sans rien faire. Il y en a qui vont crever. Alors crever de la grippe ou mourir fermé… » Sur le comptoir trône un cierge « Saint-Raoult ».

« Je pense qu’ils veulent se payer Raoult, poursuit-il. Je ne suis pas médecin, mais quand on voit à quel point il dérange des puissants quand il parle. Rien que pour ça, on le soutient .»

Le bouche-à-oreille parle d’une manifestat­ion, en train de d’organiser. Vous êtes de Var-matin ? lance un patron de bar. « Dans le Var, vous êtes bien placé. Ils vont se gaver. À une demi-heure de route, ce sera vite vu .»

 ??  ??
 ??  ?? Marseille refuse de se préparer à une fermeture pure et simple de tous ses bars et restaurant­s. La ville, où le masque est très fréquemmen­t porté, veut résister.
Marseille refuse de se préparer à une fermeture pure et simple de tous ses bars et restaurant­s. La ville, où le masque est très fréquemmen­t porté, veut résister.
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France