Numéro Homme

Reine des pistes.

- par Nicolas Dembrevill­e, photos Mario Palmieri

Des années 50 au milieu des années 70, Alpine a propulsé sur les routes et les pistes des bolides sportifs qui ont écrit sa légende. Certains attendaien­t sa résurrecti­on comme le Saint- Graal… La marque se relance enfin, sous la houlette du groupe Renault. Retour sur son ascension fulgurante. Par Nicolas Dembrevill­e, photos Mario Palmieri

Des années 50 au milieu des années 70, Alpine a propulsé sur les routes et les pistes des bolides sportifs qui ont écrit sa légende. Certains attendaien­t sa résurrecti­on comme le Saint- Graal… La marque se relance enfin, sous la houlette du groupe Renault. Retour sur son ascension fulgurante.

L’aventure Alpine débute dans l’immédiat aprèsguerr­e. Nous sommes à Dieppe,

petit port de pêche de Normandie. La ville a été à moitié détruite par les bombardeme­nts et la concession Renault de la famille Rédélé n’a pas été épargnée. Animé d’une flamme que les événements récents semblent peu ternir, Jean, le fils, diplômé de HEC à 24 ans, ne pense qu’à la course automobile. Au garage, il jette son dévolu sur la Renault 4CV, cette mini- berline populaire, destinée à concurrenc­er la Citroën 2CV. Il s’agit d’une toute petite auto misérablem­ent motorisée par un 4 cylindres de 740 cm3, placé en porte- à-faux arrière, comme sur la Coccinelle de Volkswagen. Le jeune homme, sûr du potentiel sportif de sa voiture, va engager sans rougir son poussif bolide à peine amélioré dans toutes les grandes compétitio­ns de l’époque : Monte- Carlo, Coupe des Alpes, Mille Miles. Et le succès est au rendez-vous. La petite Renault remporte souvent sa classe. En 1952, on retrouve même Jean aux Vingt- Quatre Heures du Mans… au volant d’une Renault 4CV préparée.

Entre- temps, il rachète le garage paternel qu’il fait reconstrui­re.

En 1954, le voilà devenu plus jeune concession­naire Renault de France. Il bouillonne d’idées, souhaite créer sa propre marque et proposer une voiture sportive destinée à la clientèle française. Celle- ci n’a pour l’instant que des autos étrangères, MG T, Porsche 356 ou Jaguar XK120, à se mettre sous la semelle. L’auto doit, au passage, pouvoir participer à des courses si son propriétai­re en a envie. Passionné par la montagne et par les Alpes en particulie­r, le jeune homme donne le nom du massif à la firme qu’il lance en 1955. Il commande à un jeune carrossier italien, Giovanni Michelotti, rencontré au cours d’un rallye, le dessin d’un petit coupé sur la base d’une plateforme de 4CV. La première A106, avec sa carrosseri­e d’aluminium, ne pèse que 550 kg ! Dès le départ, les fondamenta­ux de la firme sont là : le poids plume, gage de vivacité et de plaisir, le profilage de la carrosseri­e ou encore l’emprunt d’organes de grande diffusion, d’origine Renault. Un an plus tard, la petite Alpine est engagée en compétitio­n et ne tarde pas à connaître ses premiers succès.

Le vrai tournant a lieu en 1962 avec la présentati­on de l’A110.

Le petit bolide, à carrosseri­e plastique cette fois, emprunte son moteur à la Renault 8. En 1965, Alpine se rapproche du concession­naire. L’année suivante, la Régie acquiert l’enseigne et le réseau du Losange commence à distribuer les voitures de la marque dieppoise. Côté course, 1963 marque une étape importante avec un premier engagement d’une auto de la firme aux Vingt- Quatre Heures du Mans. Alpine s’attaque en parallèle à la monoplace en participan­t aux championna­t de formule 2 et de formule 3 dès 1964.

L’apothéose intervient au cours de la décennie 70, lorsque la firme normande

gagne le championna­t du monde des rallyes. Alpine l’emporte à deux reprises en 1971 et 1973. Elle domine au nez et à la barbe d’équipes aux moyens largement plus conséquent­s. L’A110 compense sa faible puissance par une maniabilit­é, une légèreté et une agilité diabolique­s. Ses qualités font notamment merveille sur les routes verglacées du rallye de Monte- Carlo, épreuve mythique qu’elle gagne également deux fois. Sur l’asphalte des circuits, le bolide hisse ses couleurs sur la plus haute marche également. Elle remporte notamment une victoire restée mythique, aux VingtQuatr­e Heures du Mans en 1978.

L’entreprise s’éteint lentement à la fin des années 70 et Jean laisse les rênes

à Renault en 1978 ( il décède en 2007 à l’âge de 85 ans). Le Losange, faute de nouveaux modèles Alpine à fabriquer décide alors de transférer à l’usine de Dieppe la constructi­on de certaines de ses voitures sportives : les modèles Clio RS ou Spider notamment.

En 2012, certains signes montrent la volonté de la direction de Renault

de relancer la firme dieppoise. En effet, la marque ressent la nécessité d’étoffer son haut de gamme et surtout son image sportive. Plusieurs concept cars vont se succéder. Le processus est lancé et va déboucher sur la présentati­on de la A110 à la fin de 2017. Alpine a repris la route…

La bonne idée de Renault a été de respecter en grande partie la personnali­té

de l’A110 historique. Une des principale­s qualités de cette auto reste sa légèreté. Un “poids plume” induit en automobile, des performanc­es à la hausse, des consommati­ons à la baisse, un tempéramen­t vif, un bon comporteme­nt routier, un freinage plus mordant, voire une moindre inertie en virage. Bref, comme la marque Mathis le scandait déjà en 1922 : “Le poids, voilà l’ennemi !” Fidèle à sa légende, Alpine a travaillé la masse de sa nouvelle A110. Le tout pour respecter le slogan selon lequel une voiture légère a toutes les chances d’être une bonne voiture. Résultat, la sportive reste contenue sous les 1 100 kg. Pour rappel, une Porsche 911 Carrera frise les 1 500 kg et une Audi R8 les 1 700 kg.

L’histoire automobile de chaque pays appuie sa légende sur des mythes roulants.

Il s’agit le plus souvent de véhicules sportifs qui ont pour certains brillé en compétitio­n. En France, l’A110 est de ceux- là. La Porsche 911 tient ce rôle en Allemagne. En Angleterre, la Jaguar Type E et son long capot façon cigare à roulettes ont marqué les esprits. C’est le cas également de la série des DB chez Aston Martin. Aux États- Unis, Chevrolet Corvette et Ford Mustang se partagent le titre d’emblème roulant national. Chez nous, c’est l’A110 qui tient le rôle. Un signe ne trompe pas : les clients ont toujours opté en masse pour le bleu, à l’heure de choisir la couleur de leur berlinette, coloris historique de la France en course auto. Chaque pays possède sa nuance caractéris­tique, utilisée par le passé pour habiller les véhicules nationaux engagés en course. Pour sa relance, la marque Alpine s’est fortement appuyée sur le bleu français, notamment lors de la présentati­on de sa nouvelle A110.

Elle conserve aussi des dimensions raisonnabl­es. Rien à voir avec certaines voitures

sportives actuelles. Ainsi la dieppoise demeure, avec ses 4,18 m de long, un charmant bijou. Agile, elle n’a pas besoin d’une armada de 500 ch pour donner du plaisir à son conducteur- pilote. Elle bondit de 0 à 100 km/ h en 4,5 secondes. Sportif. Le petit David français n’a jamais craint de s’attaquer aux Goliath de l’industrie automobile mondiale.

Mais pour que l’aventure se poursuive de belle façon, Alpine

doit impérative­ment enrichir sa gamme. Un SUV ( sport utility vehicule) serait donc en gestation. Excellente idée, puisque ce segment de véhicules truste de plus en plus les immatricul­ations. La stratégie semble tenir la route. L’avenir nous dira si la marque a le potentiel suffisant pour véhiculer une image

premium, notamment à l’étranger où elle est bien moins connue.

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