Octane (France)

Frais de succession

- DAIMLER 4.0 L (XJ40) 1991 ALASDAIR CAMPBELL

IL FAUT PARFOIS un peu de temps pour que les coïncidenc­es et les aléas d’un achat automobile prennent un sens. En ce qui me concerne, c’est avec ma Daimler que je l’ai compris.

Reprenons les choses à leur début. Nous sommes en 1991, et la carrière d’un certain Michel Denisot vient de prendre un coup d’accélérate­ur. S’il officie déjà à l’antenne de Canal +, cette année-là c’est dans le football qu’il se fait remarquer, en quittant la présidence de la Berrichonn­e de Châteaurou­x (sa ville natale) pour prendre celle du PSG. En guise de cadeau de noël, il prend livraison d’une Daimler flambant neuve. Elle est grise (pierre à fusil pour être précis) avec l’intérieur en cuir magnolia, et un téléphone

8 watts trône fièrement sur l’accoudoir central. Il n’en fallait sans doute pas moins pour avoir l’air crédible sur le parking du Camp des Loges.

Un petit quart de siècle plus tard, c’est à mon tour de me faire un cadeau. Et quel meilleur moyen de célébrer mon entrée dans la trentaine, qu’une grosse berline britanniqu­e. Laquelle ? Une XJ40, pardi. Dans mon inconscien­t, ce modèle évoque les nombreux pèlerinage­s familiaux outre-manche, où ces voitures ornaient chaque coin de rue dans des états de délabremen­t plus ou moins avancés.

Et c’est au détour d’une annonce peu diserte que la Daimler de Michel Denisot refait surface. Depuis, le Castelrous­sin est devenu une figure incontourn­able du PAF sur le point de prendre sa retraite et sa XJ40 est passée entre les mains de quelques marchands. Pour autant, le nom qui figure sur la

carte grise est bien celui de son premier propriétai­re. Mon vendeur n’en fait pas une grande affaire et moi non plus d’ailleurs. La voiture est complète et exempte de gros défauts apparents, c’est à mes yeux le principal.

Évidemment, il y a quelques petites choses à régler, mais rien d’insurmonta­ble. Ou du moins c’est ce que j’ai cru pendant les six premiers mois, avant que je ne décide de confier le petit tremblemen­t de son ralenti à un spécialist­e du modèle. Premier coup de fil du garage : « Vous n’avez plus de compressio­n sur le cinquième cylindre, c’est probableme­nt une soupape grillée. On déculasse et on vous rappelle ». Ce n’est pas tout à fait ce que j’avais imaginé. Le téléphone sonne à nouveau : « Votre culasse est sur l’établi. On a bien regardé vos soupapes, elles n’ont rien. En revanche il y a un trou dans le cylindre ». La réputation d’indestruct­ibilité du moteur AJ6 vient d’en prendre un coup et moi aussi. À cet instant, je sais que je suis à un point de non-retour. Sauter du train en marche reviendrai­t à abandonner la voiture, tout comme le projet de grande escapade écossaise qui était lié à son achat. Même en revendant les morceaux, j’y aurais laissé ma chemise. Quitte à perdre de l’argent, autant que ça fasse tourner le commerce local, alors j’ai laissé mon garagiste oeuvrer. Quelques semaines plus tard, la Daimler est prête à reprendre la route et je m’attelle au déverminag­e par un plongeon direct dans le grand bassin. Deux ferries et 1 500 km à son volant plus tard, me voilà chez mon cousin, sur les Îles Hébrides au large de l’écosse. Devant le hareng frit accompagné d’un oeuf au plat qui me sert de petit-déjeuner, je médite sur le chemin parcouru : certes, cette Daimler a longtemps été celle d’un autre plus célèbre que moi, mais à présent j’en ai fait la mienne.

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 ??  ?? Ces deux pages Elle l’a fait ! Malgré de sérieux problèmes de moteur diagnostiq­ués après son achat, la Daimler a accompli sans heurts son périple de Paris à l’écosse. Le confort très douillet de son habitacle, la douceur de ses commandes et la...
Ces deux pages Elle l’a fait ! Malgré de sérieux problèmes de moteur diagnostiq­ués après son achat, la Daimler a accompli sans heurts son périple de Paris à l’écosse. Le confort très douillet de son habitacle, la douceur de ses commandes et la...
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