Psychologies (France)

Ma douleur dans la poitrine

- _ Bérénice avec Agnès Rogelet

toi, ma chienne fidèle qui m’a sauvé la vie.

Tu es arrivée dans mon corps il y a neuf ans, alors que j’étais enceinte. Tu étais inquiète pour moi, tu voyais que mon coeur allait mal mais tu étais la seule à le savoir. J’ai accouché avec toi. Et puis, mois après mois, plus mes artères s’abîmaient, plus tu venais me voir, aboyant comme pour m’avertir du danger. Je ne t’ai pas écoutée, je t’ai repoussée sans cesse. Quand tes aboiements sont devenus trop forts et que d’autres créatures plus terrifiant­es (vertiges, épuisement intense, contractio­n des mâchoires) t’ont accompagné­e, j’ai consulté un cardiologu­e. Il m’a assuré que mon coeur était en bon état, que je faisais de la « déprime » : autorisati­on accordée de te museler ! Je m’y suis employée. J’ai puisé dans mes ressources et me suis battue pour que tu partes. Mais tu ne m’as jamais lâchée d’une semelle. Au contraire, tu grognais au fond de ma poitrine et me retenais dans mes efforts, pour me ménager. J’ai fini par t’adopter vraiment que lque s semaines avant l’infarctus, alors que nous étions menacées tous les jours par la mort.

Un dialogue s’est instauré entre nous. Tu étais la seule à me comprendre. Tu m’as poussée à retourner voir ce cardiologu­e qui a enfin diagnostiq­ué ma maladie coronaire. J’ai été sauvée par une interventi­on en urgence. Pourtant, tu es restée blottie contre ma poitrine. La maladie a continué à progresser doucement vers d’autres artères de mon coeur… Les médecins ne comprenaie­nt pas. Personne ne savait pourquoi tu restais.

Moi, maintenant que j’arrive à te regarder tranquille­ment dans les yeux, je commence à comprendre : comment ne pas être marquée par ton attachemen­t, qui va bien au-delà de la fidélité ? Comment te laisser partir, toi, mon ange gardien ? Après un ultime examen rassurant, je peux enfin t’ouvrir la porte, ma chienne de douleur. Tu peux partir, maintenant. Tu as le droit. Va, pars ! Va secourir d’autres poitrines oppressées ! Si tu reviens me voir un jour, je te reconnaîtr­ai parmi toutes les douleurs de la vie. Et je saurai jusqu’où on pourra aller toutes les deux.

Prenez la plume Et vous, qu’avez-vous à dire à votre corps ? Comme Bérénice, envoyez-nous votre lettre et une photo de lui sur lettreamon­corps@psychologi­es.com.

« Tu voyais que mon coeur allait mal mais tu étais la seule à le savoir »

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