Pêche en Mer

Bord &Large Bien pêcher l’automne

Se spécialise­r dans c’est connaître toutes ses réactions possibles. Face aux courants, aux vents et aux vagues. C’est aller bien au-delà du mode d’emploi !

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Se spécialise­r dans un leurre précis passe par plusieurs étapes. Nous ne décidons pas du jour au lendemain de faire d’un leurre le favori de nos boîtes. Il faut qu’entre nos mains, ce leurre soit une solution évidente de pêche. Il y a une forme d’adoration, justifiée par des tableaux qui sont non seulement réguliers mais souvent inhabituel­s. L’expérience doit construire cette passion et cette étape se passe invariable­ment au bord de l’eau !

Vous allez comprendre qu’entre vous et ce leurre il y a une symbiose intéressan­te quand vos collègues ont des résultats moindres en utilisant le même modèle. Vos amis chercheron­t et trouveront peut-être leur bonheur avec d’autres imitations. Mais vous, c’est avec votre favori que vous allez ferrer quelques poissons. Il est amusant de constater que sur une journée où il faut se donner de la peine, vous allez forcément tester plusieurs leurres. Et au bout d’un laps de temps, finalement assez court, vous allez accrocher à votre bas de ligne ce leurre jugé miraculeux ! Invariable­ment il revient dans votre schéma de pêche. La confiance est là. Et en cas d’un succès, pas évident à obtenir, vous ne direz jamais que c’est grâce à votre technique ou vos capacités, mais bien à cause de votre leurre fétiche. À partir de là, nous pouvons vraiment parler de spécialisa­tion.

Aller plus loin dans la réussite

Prenons un cas de figure : sur une journée, si vous prenez dix pêcheurs qui lancent un leurre identique en essayant d’adopter un maniement plus ou moins commun, il en découlera des résultats très variables. Seulement un ou deux pêcheurs vont bien réussir, d’autres vont s’en sortir de justesse et plusieurs finiront bredouille­s. En tant que guide de pêche, c’est un scénario classiquem­ent observé. Ceux qui ne prennent rien ne sont pas de mauvais pêcheurs mais ils s’expriment tout simplement mieux avec d’autres leurres. Cela montre aussi qu’un leurre devient extra seulement si son évolution dans l’eau agace les poissons. Il ne s’agit pas de maniements secrets provoqués par des gestes aussi compliqués qu’inefficace­s ! Le bon maniement sera presque anodin, mais au bout de la ligne le résultat sera énorme. Parfois, je vois des pêcheurs échouer avec un excellent leurre. Sans que je

comprenne pourquoi. Cela vient du maniement, mais en regardant le pêcheur, je ne peux pas déceler de faille réelle. Visuelleme­nt rien n’est choquant. Sauf qu’un pêcheur ne va rien prendre et l’autre va s’éclater dans une facilité déconcerta­nte. À partir de là, celui qui a bien en main un leurre, peut se permettre quelques recherches pour aller encore plus loin dans la réussite. C’est ça se spécialise­r dans un leurre. Il va presque en faire ce qu’il veut ! Et plus les audaces sont saluées de succès et plus le pêcheur engrange de la confiance et de l’expérience. Reste à faire de ce leurre une arme universell­e et non pas destinée à une seule espèce dans un spot précis. Ce leurre ne doit pas avoir de frontière et même entre les océans...

Sans vouloir vexer les passionnés du popper, ce leurre est trop simple d’utilisatio­n pour en faire une arme hors norme. En revanche, au niveau des stickbaits flottants et coulants, des poissons nageurs, des vibrations ou des plugs, il y a une gamme de leurres très techniques qui laisse des choix immenses aux amoureux de la pêche au lancer. Sans le moindre doute, c’est dans ces familles de leurre que vous trouverez votre futur atout majeur.

L’adoration d’un leurre précis passe par des victoires particuliè­res

Même si nous parlons souvent de succès dans nos pêches, il ne faut pas oublier tous les revers qui demeurent fréquents. Lorsque votre goût personnel vous amène à rechercher plus particuliè­rement les gros poissons, les résultats vierges de touche font partis de cette quête.

Je note sur un cahier tous les gros poissons que je prends et surtout avec quel leurre ils ont été ferrés. Je m’aperçois, ce qui n’est pas vraiment une surprise, qu’un ou deux leurres se détachent nettement du lot. Et ces statistiqu­es n’évoluent pas même si vous êtes un adepte des changement­s fréquents de leurre : selon les postes, selon le feeling. Il y a donc un plus enrichissa­nt. Mais ce qui fait basculer ce leurre dans la catégorie exceptionn­elle, c’est le contexte de certaines prises. Sur des journées pas évidentes, sur des spots trop pêchés, avec des météo catastroph­iques... Parfois un leurre, relativeme­nt similaire à d’autres, permet des pêches incroyable­s. À l’oeil et au premier abord, rien ne permettait de supposer ça. Mais les saisons passent et les résultats sont autant de preuves évidentes. La confiance aidant, ce leurre sera de plus en plus souvent accroché à votre bas de ligne, dans n’importe quelles situations météorolog­iques et géographiq­ues.

Et la couleur dans tout ça ?

La couleur d’un leurre et les conséquenc­es en action de pêche sont un faux dilemme. Même avec l’aide de la science, nous ne saurons jamais comment les poissons perçoivent les couleurs. Deuxièmeme­nt, la couleur a un effet totalement psychologi­que sur nous. Nous pouvons avoir sous les yeux un excellent leurre décliné en dix teintes complèteme­nt différente­s, notre choix sera basé sur nos expérience­s acquises. Je ne suis pas un fana du vert, je n’ai donc pas beaucoup de superbes pêches réalisées avec cette couleur. Pour d’autres pêcheurs, c’est l’inverse. Je préfère dire que j’utilise une couleur parce qu’elle m’a permis de prendre beaucoup de poissons, que cette teinte soit proche du naturel ou totalement fantaisist­e. Dans ce choix, c’est bien l’oeil du pêcheur qui fait sa sélection. Quand un de nos leurres a beaucoup de succès, automatiqu­ement nous allons lui associer à ces victoires, sa couleur. Et c’est un raisonneme­nt identique lorsqu’un leurre ne donne rien ! Lorsque je perds un de ces leurres fétiches, je n’aime pas le remplacer par un autre dont la couleur ne me plaît pas. Mes résultats redeviendr­ont commun, finie la magie ! Alors oui, il y a une part de psychologi­e dans mon raisonneme­nt, je remarque que les pêcheurs que j’emmène réagissent presque tous de cette manière. La logique est donc de se constituer un petit stock de ce leurre avec l’équation : même taille, même couleur !

Varier les armements

Un très bon leurre mérite que l’on essaye différents armements. En sachant que sa nage et son évolution ne seront pas totalement respectées. Le leurre ne va pas « mal » nager, sinon il n’y aurait aucun intérêt à cette opération, mais on pourra déceler un petit changement. Je teste toujours deux types d’armement. En fait, je procède ainsi pour avoir un leurre dédié à toutes mes pêches et un autre plus spécialisé dans les gros poissons. Je garde ce dernier dans une boîte à part. Il sera armé de triples neufs, ultra piquants et n’entrera en action que pour une occasion précise. Du fait de ses hameçons légèrement plus forts, il sera peut-être un peu moins efficace mais plus fiable.

Pour les poissons nageurs le courant est le meilleur moyen de

constater les conséquenc­es de nos deux armements. Pour les sticks j’aime également les séries de vagues qui vont entraîner de fortes irrégulari­tés dans la trajectoir­e. C’est un travail minutieux que j’ai appris à maîtriser lorsque des pêches nocturnes sont à mon programme. Car il faut bien se dire qu’un leurre, même exceptionn­el, ne suffit pas à prendre beaucoup de poisson. Le maniement, la manière de s’en servir, sont des points capitaux. Et de l’armement du leurre va dépendre l’efficacité de nos trajectoir­es. C’est un tout que des situations météorolog­iques inhabituel­les peuvent nous amener à améliorer.

Rapport à la canne et du bas de ligne…

De cause à effet, c’est le mot d’ordre du rôle du bas de ligne. Tout peut être parfait, le leurre, son armement, les performanc­es en général, par contre si le bas de ligne handicape sérieuseme­nt toutes ces qualités développée­s nous aurons au bout du fil une imitation qui ne sera plus hors normes mais plutôt assez fade. La frontière reste mince entre le succès et l’échec. J’emploie souvent des Nylon en 220 lb, notamment sur les tarpons ou les ignobilis sans avoir de souci. Cependant, les leurres utilisés continuent de bien nager malgré ce fort diamètre. Si je dois choisir un leurre plus léger ou plus subtil dans son évolution, je serai obligé de changer de canne ou de refaire mon bas de ligne pour descendre significat­ivement dans le diamètre du Nylon. Il faut également se méfier du fluorocarb­one. Ce Nylon particulie­r est très raide à l’emploi et a tendance à figer les nages des poissons nageurs et même des stickbaits. Je vois qu’à la vente il existe du fluoro souple, je n’en comprends pas l’intérêt puisque la principale qualité de ce bas de ligne est d’être rigide pour faire face à l’abrasion. Sinon, mieux vaut choisir un shock leader, il est souple, résistant, il a une bonne tenue dans l’eau et n’handicape pas la nage des leurres les plus pointues. En bout de bas de ligne, il faudra fixer un émerillon ou une agrafe. Sur les Nylon de grosse section, le noeud d’attache risque d’être un peu volumineux. Il faut en tenir compte, selon le volume cela suffit à casser la nage d’un poisson nageur.

Arrive le rôle de la canne. Toutes les cannes sont aptes à lancer un leurre mais pour les performanc­es, il convient de scruter tous les détails. Lancer loin sans forcer est obligatoir­e, ressentir la moindre variation dans la nage d’un leurre me semble important et pouvoir utiliser à sa réelle puissance l’ensemble du matériel. Généraleme­nt, notre spécialité va s’orienter sur un leurre dit technique. C’est-à-dire un leurre qui peut répondre à tous les maniements possibles et produire une nage variée. La canne doit répondre aux moindres sollicitat­ions du pêcheur. Car un bon maniement ce n’est pas un geste nerveux ou brusque. C’est beaucoup plus fluide et les noms anglo-saxons proposés pour toutes les formes de maniements ne me sont d’aucune utilité. Mes gestes sont infimes tout en restant variés. Evidemment un gros popper à thon rouge se travaille plus énergiquem­ent. Dans tous les cas, gardons en tête que se spécialise­r dans un leurre demande beaucoup de minutie et de précision. C’est une expérience qui se construit sur la durée, au fil des saisons… ■

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 ??  ?? Texte et photos de Julien Derozier
Texte et photos de Julien Derozier
 ??  ?? Sans vouloir vexer les passionnés du popper, ce leurre est trop simple d’utilisatio­n pour en faire une arme hors norme. À l’inverse des stickbaits, poissons nageurs, slugs, etc.
Sans vouloir vexer les passionnés du popper, ce leurre est trop simple d’utilisatio­n pour en faire une arme hors norme. À l’inverse des stickbaits, poissons nageurs, slugs, etc.
 ??  ?? Ce qui fait basculer le leurre dans la catégorie exceptionn­elle, c’est le contexte de certaines prises. Sur des journées pas évidentes, sur des spots trop pêchés, avec des conditions météo compliqués…
Ce qui fait basculer le leurre dans la catégorie exceptionn­elle, c’est le contexte de certaines prises. Sur des journées pas évidentes, sur des spots trop pêchés, avec des conditions météo compliqués…
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Avoir un leurre fétiche est une chose, lui donner le bon armement en est une autre.

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