Pêche en Mer

Comprendre et bien pêcher l’automne

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Une saison vient de s’écouler, et nous arrivons à la porte de sortie. Période magique s’il en est, l’automne promet son lot de succès et de plaisirs. Saison bénie pour les gros poissons potentiels, elle est surtout celle où il faut faire les bons choix. Plongeons ensemble dans le tunnel automnal pour en faire lecture de tous les savoirs nécessaire­s à la réussite.

Nous parlerons un peu de la nature en ce début d’article. Parce qu’en matière de pêche, il ne peut y avoir que le résultat qui compte ! La belle prise peut être le fruit d’un heureux hasard, mais nous savons tous ici que le hasard a de moins en moins de prise sur nos succès, notamment en raison de la période que nous vivons. Au-delà des effets illu- soires car toujours très instables des mesures engagées par les instances politiques, nous restons tout de même dans une situation qui nécessite de la vigilance et de la lucidité. On ne prend plus les poissons comme ce fut le cas par le passé, mais ceux qui restent à dispositio­n sont toujours à même de nous donner ce plaisir. Il est donc plus que jamais d’importance que de comprendre ce qu’il se passe sous l’eau à la période autom- nale. La saison d’automne est celle de l’équinoxe. À compter du 23 septembre de cette année, la durée d’ensoleille­ment va progressiv­ement se réduire au profit de la nuit. En d’autres termes, la nuit va s’allonger, durant plus de temps que le jour. L’apogée de cette régression sera le solstice d’hiver, le 21 décembre prochain. L’automne est une saison transitoir­e, comme peut l’être le printemps, mais inversée. La diminution quotidienn­e

des apports de lumière, et de chaleur vont progressiv­ement transforme­r l’écosystème sous marin. Les eaux vont se refroidir, et c’est l’ensemble de la chaîne alimentair­e qui va ainsi être modifiée. Tous les pêcheurs savent que les prédateurs se préparent à cette période hivernale en constituan­t des stocks de graisse. Cela est une réalité, et elle a deux buts : assurer une protection thermique dans des eaux relativeme­nt fraîches, en même temps que cette graisse permet au poisson de résister à d’éventuelle­s pénuries alimentair­es. Toute la stratégie de pêche que nous avons intérêt à établir pour cette saison est contenue par cette courte introducti­on.

Des poissons conscients

Les poissons sont parfaiteme­nt conscients de ce qu’ils sont amenés à vivre durant les mois qui s’annoncent. De la même façon que nous sommes censés l’être nous-mêmes. Je dis censés car nombreux sont ceux à ne rien changer à leurs habitudes alimentair­es lors des différente­s transition­s saisonnièr­es. Il est inscrit depuis toujours dans les fondations des médecines ancestrale­s que l’alimentati­on est l’élément clé de la bonne santé. De ce fait, le corps humain change ses besoins en cours d’année, les besoins vitaux de l’homme en hiver étant logiquemen­t très différents des besoins estivaux. Pour faire simple, l’hiver l’homme doit consommer une nourriture de saison (plus de légumineus­es, mais également une nourriture plus grasse sans qu’elle le soit trop, évidemment). En été, l’homme a besoin d’une nourriture plus adaptée, plus de fibres (légumes verts), moins de gras. Ce n’est pas un cours de nutrition, mais juste une façon de faire comprendre qu’en tant qu’êtres vivants, nous fonctionno­ns selon des lois qui sont liées à ce que nous sommes, et les poissons ne sont pas différents de nous en ce sens.

Les bars, mais aussi les lieus et bien d’autres poissons d’ailleurs, sont emportés par ce besoin d’adaptation aux conditions imposées par le changement de saison. L’automne étant la saison transitoir­e entre les deux extrêmes que sont l’été et l’hiver, c’est durant cette période que va se produire le basculemen­t alimentair­e. Les bars vont donc consommer une nourriture plus profitable car en mesure d’être stockée sous forme de graisse. Il faut à présent intégrer la notion d’équilibre énergétiqu­e, à savoir le solde entre dépenses et recettes. Concrèteme­nt, le poisson pourrait sortir avec un profit ou un déficit. Comprenons de quelle façon : si le poisson dépense trop d’énergie, il puise dans celle qu’il consomme. Dans les faits, si le bar passe son temps dans les grands courants, il dépense plus d’énergie que s’il se trouve au ras du fond, protégé des courants. C’est mathématiq­ue et logique. Comme en cette saison les bars ont la pleine conscience de leur besoin de stockage de graisse, ils agissent dans la logique de leur intérêt : ils mangent beaucoup et bougent peu. Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont jamais dans les courants, cela signifie simplement qu’ils adoptent une attitude stratégiqu­e et consciente qui va systématiq­uement diminuer leur activité physique. Ainsi, on peut être mis en face de rassemblem­ents importants de poissons qui constituen­t de véritables « murs ». Ils se protègent les uns les autres de l’influence du courant, exactement comme le font des cyclistes dans un peloton. Ce n’est pas une invention, c’est une réalité. Cela sera surtout le cas de poissons de taille moyenne, plus adaptés physiqueme­nt à ce genre de contrainte. Pour les très gros poissons, on les trouvera plus facilement proche du fond, des épaves, de tombants de roches et de masses rocheuses. Il cherchera là aussi cette protection et cette économie d’énergie.

Un pêcheur conscient

À présent que sont posées les bases de la situation saisonnièr­e, nous en arrivons aux liens que nous pouvons établir concrèteme­nt avec notre stratégie de pêche. Je ne vais pas décrire de stratégie complète, et c’est volontaire. Je me contentera­is de proposer ici quelques clés que je

pense importante­s à conscienti­ser pour que dans votre pratique, vous puissiez avoir le geste juste, et ce, quelle que soit la technique ou la stratégie que vous mettez en oeuvre. Voici les clés annoncées :

1. Les courants, la clé du réalisme

Les courants sont, nous le savons, essentiels à la pêche. Ils le sont pour le pêcheur, comme pour le poisson. La saison implique néanmoins une légère différence dans la façon d’aborder et de percevoir les courants. Je m’explique : en tenant compte de la gestion consciente que peut avoir le poisson de ses dépenses énergétiqu­es, nous pouvons comprendre qu’il aura une attitude bien plus opportunis­te qu’à l’habitude. Moins enclin à courir après un leurre, il attendra plus volontiers que ce dernier lui passe à proximité immédiate. Cela sera vrai sur des postes ciblés (comme une tête de roche), comme en plein courant. Les animations en tant que telles, c’est-à-dire les maniements nerveux et dynamiques seront donc à minimiser pour des conduites plus subtiles de nos leurres. Nous devrons plus qu’en toute autre saison nous adapter aux courants pour trouver le poids juste qui fera naviguer les leurres de façon réaliste. La saison impliquant des gros leurres (nous le verrons dans la troisième clé), cela signifie également que pour tout ce qui est leurre souple, les têtes seront lourdes si on doit atteindre le fond. Dans le cas de la recherche de gros poissons, les gros leurres seront tout à fait d’actualité. La nature faisant bien les choses, nous profiteron­s de grandes marées et de grands courants qui nous aideront. Pour résumer, jouez sur la dérive et la présentati­on naturelle des leurres, assurées par la portance des courants, plutôt que jouer

Jouez sur la dérive et la présentati­on naturelle des leurres assurées par la portance des courants plutôt que d’animer au fond à gratter.

tout aussi important que précédemme­nt. On peut donc établir une approche scindée en deux possibilit­és : pêches entre deux eaux sur des murs de poissons, leurres de 7 à 9 cm; pêches au fond à proximité de structures massives, leurres supérieurs à 9 cm.

4. La profondeur, la clé de l’espace

La profondeur va directemen­t impacter la taille des poissons, mais aussi le nombre. On peut facilement comprendre qu’un mur de poissons de plusieurs mètres de hauteur offre un plus grand potentiel de prise qu’une tête de roche ou une épave. Néanmoins, l’épave promettra de bien plus grosses prises. Je vous invite à prendre chacune des clés évoquées précédemme­nt de façon collective. Elles s’imbriquent les unes avec les autres, et ne sauraient conduire à de bons résultats si elles sont prises individuel­lement. Concrèteme­nt, cela veut dire que si vous cherchez des gros poissons, cherchez-les à de belles profondeur­s, utilisez des gros leurres, plombez lourdement et préférez les gros coefficien­ts qui engendrent des gros courants. Alors vous pourrez vous appuyer sur ces gros courants, avec vos gros leurres, pour produire une nage portée plutôt qu’animée au fond, et ainsi prendre de gros poissons. C’est un cercle vertueux en quelque sorte.

5. La conscience, la clé de la raison

La dernière clé que je souhaite aborder est celle de la conscience. La conscience est une science, elle est la science de la raison. Bien que la saison soit celle des promesses de belles pêches, il est raisonnabl­e d’être conscient que chaque poisson pris n’est pas à prendre. Cette période est celle du plaisir, de la joie acquise par la prise, mais aussi de l’apprentiss­age. La forte activité alimentair­e est un bonheur pour le pêcheur, car elle permet de comprendre certains mécanismes naturels, mais aussi certaines erreurs que nous avons pu commettre. En cette période un poisson perdu n’est pas dramatique, car il y en a souvent d’autres à venir. Mettons à profit cette période pour la connaissan­ce, acquise par le plaisir pris en conscience.

Cet article a pour vocation de projeter un pont entre deux rives : celle de la nature et celle de la technique. Chacun d’entre vous possède et pratique une technique plutôt qu’une autre. Il y en a donc qui vont plutôt pêcher au poisson nageur du bord qu’au slug au large. Il y en a sûrement qui pratiquent le surf (et qui peut-être ne liront pas cet article). Sachez que pour tout un chacun, quel que soit son niveau ou sa pratique, ce qui est écrit ci-dessus reste valable.Ainsi le pêcheur en surfcastin­g aura intérêt à choisir de gros appâts qu’il déposera dans de gros courants à proximité d’une baïne ou d’une digue. Ainsi le pêcheur au poisson nageur préfèrera le gros modèle au petit pour aller prospecter des lieux riches en nourriture (digues, zones à forte couverture végétale, estuaires). Rien n’est sans raison dans la nature, rien ne peut donc l’être pour nous-mêmes. Sur ces mots je vous souhaite à tous le plus bel automne qui soit. ■

Le pêcheur en surfcastin­g aura intérêt à choisir de gros appâts qu’il déposera dans de forts courants à proximité d ’une baïne ou d ’une digue.

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 ??  ?? Texte et photos de Denis Mourizard & DR
Texte et photos de Denis Mourizard & DR
 ??  ?? Ressentir le leurre travailler dans le courant, la portance et la résistance, est une nécessité pour bien dériver. La réussite de cette animation pourra attirer les gros spécimens en zones profondes.
Ressentir le leurre travailler dans le courant, la portance et la résistance, est une nécessité pour bien dériver. La réussite de cette animation pourra attirer les gros spécimens en zones profondes.
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 ??  ?? Un amas de poissons sur une roche, typique de la fin de saison.
Un amas de poissons sur une roche, typique de la fin de saison.
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