Rock & Folk

HAR MAR SUPERSTAR

A 36 ans et une quinzaine d’albums à son actif, le showman caméléon a viré soul vintage. Ses sources d’inspiratio­n ? Femmes, bringues, galeries marchandes et diverses substances.

- Thomas Rabino

Fallait-il voir un symbole dans la venue du président grolandais sous le chapiteau du Cabaret Sauvage ? Précédé d’une réputation de clown bedonnant toujours prêt à finir ses concerts en sueur et en slip, Sean Tillmann alias Har Mar Superstar s’affirme surtout comme un brillant songwriter et un chanteur burné. Après des années à composer des titres sous influence jacksonien­ne mâtinés d’un R&B ultrasexué, le musicien, qui doit son nom à un centre commercial géant de Minneapoli­s, sortait l’année dernière “Bye Bye 17”, cri d’amour pour la soul, le rhythm and blues et le funk estampillé­s sixties-seventies.

Remuer du popotin

“Après avoir ressenti le genre de douleur dont est faite la soul, j’étais mûr”, se justifie celui que son pote Julian Casablanca­s surnommait “l’homme à

la voix d’or” bien avant de le signer sur Cult Records. Composé à la guitare et rodé sur scène, “Bye Bye 17” convoque les mânes de Sam Cooke, James Brown et Otis Redding sur fond d’éclairs spectorien­s. “C’est ce que j’écoutais, dans ma petite ville d’Owatonna, près de Minneapoli­s, en même temps que Stevie Wonder, Michael Jackson, les Beatles, Mötley Crüe ou les

Beastie Boys. Et j’avais envie de me tirer !” La musique rendra cette fuite possible : bassiste et chanteur de Calvin Krime, formation punkoïde coupable de deux albums, puis initiateur de Sean Na Na, projet poppy aux sombres refrains, partie prenante des fumeux Marijuana Deathsquad­s et d’une foule d’autres combos, Sean Tillmann, devenu New-Yorkais

et acteur à ses heures, créé en 2000 son double mutant : Har Mar Superstar, entertaine­r groovy adepte de l’autodérisi­on. Mais derrière les poses comiques et les déhanchés de mâle en rut perçait un lover invétéré, prêt à se mettre à nu, ou presque : “Certains types écrivent cent chansons pour en garder dix. Moi, j’ai préféré finir mes dix préférées et en rester là.” Au-delà d’une image de dilettante, ce multiinstr­umentiste sait garder les idées claires, même au terme de séances particuliè­rement stoned : “Je voulais que l’auditeur ait l’impression d’écouter un disque oublié. Ou qu’on se dise que cet album était

sorti quarante ans trop tard.” Pari réussi : mélodies travaillée­s, beats implacable­s, arrangemen­ts délicats et synthés barrés ponctuent un LP dont les sommets, comme le brownien“Prisoner” (co-écrit avec le Strokes Fabrizio Moretti), poussent à remuer du popotin. Invité surprise de Jazz à la Villette, Har Mar Superstar s’est une nouvelle fois montré généreux : “Je lâche toute mon énergie sur scène... J’en deviens dingue !” Et le public suit, même sur des anciens singles (“Transit”, “Sugar Pie”) dépourvus du cachet de ses dernières compositio­ns. La tête couverte par un châle multicolor­e, engoncé dans un pull doré dont il finira par se débarrasse­r pour arpenter la salle torse poil, Har Mar livre avec une absolue conviction et beaucoup de nuances les standards instantané­s que sont “Lady You Shot Me”, “Late Night Morning Light”, “We Don’t Sleep” ou l’incandesce­nt “Prisoner”, sans oublier quelques reprises, comme “Bring It On Home To Me” de Sam Cooke, seul à la Stratocast­er ou, plus étonnant, l’énorme tube “Alone Again (Naturally)” de Gilbert O’Sullivan. Accompagné de trois bons musiciens, Tillmann doit pourtant user d’un sampler pour reproduire les cuivres, le Clavinet ou les choeurs célestes qui enrobent “Bye Bye 17”. Har Mar Superstar gagnerait à tourner aux côtés d’une formation élargie : parvenu à percer dans les charts américains, notre homme pourrait bientôt bénéficier des moyens nécessaire­s, tandis que le prochain album, annoncé “dans la même veine”, nourrira un show plus homogène, débarrassé du play-back qui accompagne certains des vieux morceaux.

Calbar à paillettes

Sean Tillmann entend désormais prouver qu’il est davantage qu’un glorieux bouffon : terminées, donc, les fins de concert en slip. Mais au premier rappel, le performer gainait son micro d’un calbar à paillettes, façon de rappeler que de bête de scène à bête de sexe, il n’y a qu’un pas (de danse). La convoitise suscitée par ce sous-vêtement souligne, aussi, que Har Mar a déjà tout d’une superstar.

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