Uderzo a inventé le rock’n’roll
Les Américains ont peut-être inventé à peu près tout dans l’univers de la BD moderne mais, tout comme les Etats-Unis n’auraient jamais existé sans l’aide de La Fayette, n’ayons pas peur de dire que la pierre angulaire sur laquelle repose le fondement des comics est Albert Uderzo. Pour achever, si nécessaire, de s’en convaincre, la lecture approfondie du monumentale Tome Deux de “Uderzo – L’Intégrale
1951-1953” (Hors Collection) des fous furieux associés Alain Duchêne et Philippe Cauvin sera obligatoire. Ce début des fifties est important car c’est le moment où Uderzo rencontre deux des mythes fondateurs du scénario idéal que sont René Goscinny et Jean-Michel Charlier. Certes, les débuts sont difficiles mais le trait parfait du dessinateur est déjà en route vers les étoiles. A travers une succession de planches peu connues, oubliées ou carrément inédites, cet énorme bouquin est la preuve que Uderzo a inventé le rock’n’roll dès 1951. Les inconditionnels des romans graphiques de poids vont être servis avec le “Magic Pen” (Casterman) du Néo-Zélandais Dylan Horrocks. L’histoire tourne autour de la peur de la page blanche chez le dessinateur professionnel soumis à pression et le rêve du stylo magique qui dessine tout seul pendant que son propriétaire est en train de dormir. Autant dire tout de suite que le scénario de “Magic Pen” évolue entre le mythe et la réalité et reflète parfaitement ce qu’est la vraie vie d’un dessinateur. Qui, devant sa planche à dessins, ne s’est jamais retrouvé angoissé avec la pénible sensation de n’avoir plus rien dans la plume ? C’est marrant, car c’est généralement là que le préposé aux petites cases se met à devenir très prolifique en imaginant tout un tas de situations invraisemblables qui prouvent que la déprime est ultra bénéfique chez tous les créateurs. Malheureusement, beaucoup ne s’en rendent même pas compte. Le tatouage est une mode pour certains et un mode de vie pour d’autres. Boucq et Charyn l’ont très bien compris à travers cette histoire ultra réaliste qu’est “Little Tulip” (Le Lombard) qui se penche avec grand art sur les tatouages de taulards russes en emmenant le lecteur au fin fond des bagnes de la Kolyma au bon vieux temps de l’ex-Union Soviétique. Autant dire tout de suite que l’ambiance restituée fait très mal et ne donnera certainement pas envie au lecteur de se faire graver les mêmes symboles arborés par une galerie de portraits que personne ne souhaiterait croiser dans le RER tard le soir. D’un autre côté, la reconversion réussie du héros principal dans le New York seventies des Ramones est une trouvaille qui vaut son pesant de cacahuètes. A partir de là, les personnes souhaitant garder l’anonymat pour des raisons criminelles éviteront certainement les salons de tatouages. Un dessinateur naît monumental ou pas. C’est le cas de Bernie Wrightson qui se voit ici sacralisé par les éditions Délirium sous la forme d’un magnifique volume prénommé “Eerie & Creepy Présentent Bernie
Wrightson” où les grands classiques du maître de l’horreur défilent les uns après les autres à la manière d’un Wurlitzer crachant ses quarante-cinq tours d’Elvis à la face du monde. Comme à son habitude, l’éditeur a fait un travail d’impression impeccable qui rend vraiment justice à ce maniaque du détail putride qu’est le grand homme. A travers douze histoires plus sordides les unes que les autres, Wrightson livre ici quelques-unes des meilleures adaptations d’Edgar Poe, Lovecraft et de la crème des scénaristes. Avec un ratio hémoglobine au mètre carré dépassant les cinq litres, cette BD sera le don définitif pour n’importe quelle banque du sang en manque de candidature. ❏