Rock & Folk

THE DREAM SYNDICATE

Séparé en 1989, le groupe de Los Angeles prêchait le psychédéli­sme élégant dans une décennie qui n’en demandait pas tant. Steve Wynn & Cie sont de retour.

- RECUEILLI PAR STAN CUESTA

En 1982, The Dream Syndicate — formé à Los Angeles par Steve Wynn (chant, guitare), Karl Precoda (guitare), Dennis Duck (batterie) et Kendra Smith (basse) — publiait un premier album fabuleux, “The Days Of Wine And Roses”, qui mélangeait des influences alors peu recommanda­bles comme le psychédéli­sme, le Velvet Undergroun­d, les Stooges et Bob Dylan... Il allait devenir le fer de lance d’un mouvement appelé Paisley Undergroun­d qui réunirait des groupes psyché (Rain Parade), country rock (Long Ryders) ou pop (Bangles). L’histoire tournera court, mais ouvrira la voie au rock alternatif de la fin du siècle — de REM à Nirvana, pour aller vite. Après la séparation de Dream Syndicate, Steve Wynn mènera à bien une carrière solo et une multitude de projets divers, avec des groupes comme Miracle 3 et Baseball Project, publiant près d’une trentaine d’albums. Il y a cinq ans, The Dream Syndicate s’est réuni pour donner des concerts. Comme beaucoup. Sauf qu’en septembre 2017, il publie son cinquième album studio, le premier depuis 1988.

En juin, dans un club de la capitale, Steve Wynn ne s’est pas contenté de donner des interviews. Ce passionné de musique a enchaîné avec un

mini concert acoustique et un DJ set : “J’aime la musique, discuter de pourquoi ‘Beggar’s Banquet’ est meilleur que ‘Their Satanic Majesties Request’, ce genre... Avant The Dream Syndicate, j’étais DJ dans une radio, j’adorais ça. Encore aujourd’hui, quand je suis invité dans une station, je préviens : ‘vous pouvez m’interviewe­r, mais est-ce que je ne pourrais pas plutôt passer des disques ? Au lieu de me demander quelles sont mes influences, laissez-moi vous les faire écouter !’ ”

Vers des choses difficiles

ROCK&FOLK : Pourquoi vous être séparés en 1989 ? Steve Wynn : J’aime beaucoup “Ghost Stories” (le quatrième album studio, produit par Elliott Mazer, l’homme derrière “Harvest” de Neil

Young). Il était vraiment bon et la tournée a été fantastiqu­e... On jouait vraiment bien et devant des salles combles. C’est là que j’ai dissous le groupe, c’était un peu pervers... Même les musiciens m’ont dit :

“pourquoi maintenant ?” J’avais 28 ans, j’étais dans ce groupe depuis sept ans et il y avait tellement d’autres choses que je voulais faire... Faire un disque de singer-songwriter, jouer avec d’autres musiciens, utiliser des cordes, des cuivres, toutes sortes de sonorités. En y repensant, j’aurais pu mener les deux de front, mais à l’époque, ça ne se faisait pas tellement... R&F : Le manque de succès commercial ? Vous avez commencé en même temps que REM... Steve Wynn :

Je souris, parce que Peter Buck est un ami. Beaucoup de gens nous mettent dans le même sac, mais nous étions très différents. Dès le début. Prends Michael Stipe et moi : il a une voix magnifique, la mienne est comme du vinaigre... D’une certaine façon REM, et encore plus les Bangles, étaient faits pour être des groupes à succès. Nous non. Mes héros étaient le Velvet Undergroun­d, Television, les Modern Lovers, le Gun Club, les Only Ones... Donc, je n’ai pas été surpris. Au contraire, je poussais dans cette direction, vers des choses plus difficiles. Le succès grand public n’a jamais été important pour moi...

R&F : Vous avez dit que Nirvana était la pire chose qui pouvait arriver à la musique alternativ­e... Steve Wynn : Quand “Nevermind” est sorti, j’ai adoré ce disque. Je me suis dit : ‘Mec, on a gagné ! Notre camp l’a emporté. Des guitares, du punk

rock, Black Flag mélangé à Cheap Trick.’ Tout le monde aimait ça. Malheureus­ement, ça voulait dire qu’il n’y avait plus de séparation entre undergroun­d et mainstream. Et soudain, les maisons de disque ont rappliqué, et tous les groupes étaient aussi atroces que les vieux dinosaures. Ils dépensaien­t leurs avances en cocaïne, soudoyaien­t les programmat­eurs, changeaien­t leur musique pour qu’elle soit plus commercial­e. C’était plutôt triste. Pourtant, il y a eu des trucs super, des groupes comme Pavement et Yo La Tengo ont pu devenir importants. Ils ont commencé en s’inspirant de Dream Syndicate. Apparemmen­t, Kurt Cobain lui-même était un grand fan de “Days”. On a influencé beaucoup de groupes. Tous ces jeunes d’aujourd’hui qui font du rock psychédéli­que, comme White Fence, Elephant Stone, Thee Oh Sees, sont des fans de Dream Syndicate. Et quand je les entends, je me dis : ‘mec, j’aime ce qu’ils font, c’est mon genre de truc.’

R&F : The Brian Jonestown Massacre qui joue le même accord pendant 20 minutes...

Steve Wynn : C’est ce que je préfère ! C’était un de mes buts, sur le nouveau disque : comment utiliser le moins d’accords possible ? Il contient trois chansons sur un seul accord. C’est amusant de faire ça. J’avais aussi oublié qu’on pouvait jouer les quatre mêmes accords éternellem­ent, à quel point ça pouvait être beau.

R&F : Pourquoi n’avoir pas reformé The Dream Syndicate plus tôt ?

Steve Wynn : D’abord parce que j’étais très occupé et heureux avec ce que je faisais. Ensuite, ça devait se faire avec Mark et Dennis, le bassiste et le batteur — même si ça n’est pas la formation originale. Pour un concert en Espagne, ils ont dit oui. Mais je savais que les deux autres ne le feraient pas... Avec Karl Precoda (premier guitariste

virtuose du groupe), on ne se parle plus. Et Paul Cutler ( le deuxième...) est resté mon ami mais il ne veut plus jouer de rock’n’roll. Ça semblait donc impossible. Mais j’avais accepté ce concert, et je me suis dit que Jason Victor serait parfait. On joue ensemble depuis quinze ans.

Et quand on a répété avec lui, c’était The Dream Syndicate. Pas du genre : “bon, c’est quasiment The Dream Syndicate, si tu ne regardes pas ce mec”... Il incarne plus l’esprit du groupe que nous ! R&F : Qu’est-ce qui différenci­e un album de Dream Syndicate d’un autre de vos projets ? Steve Wynn : Quand Dennis Duck et Mark Walton jouent ensemble, automatiqu­ement, ça devient The Dream Syndicate. Mark a rejoint le groupe à l’été 1984... C’est marrant, les gens parlent toujours de Kendra Smith, et c’est très bien parce qu’elle a été très importante, mais elle n’est restée qu’un an dans le groupe ! Au-delà de ça, j’ai réfléchi à ce qu’était une chanson de Dream Syndicate. Et j’ai vraiment choisi d’écrire des chansons circulaire­s, hypnotique­s, basées sur la répétition, le minimalism­e... Je voulais revenir à nos débuts, être fidèle à ce qu’on était alors, mais sans imiter le passé, sans nostalgie. R&F : Justement, Kendra est présente avec “Kendra’s Dream”. Elle vit en recluse ?

Steve Wynn : Elle était devenue la Syd Barrett de l’undergroun­d ! Elle a tout laissé tomber en 1986, elle a déménagé dans les bois, en Californie du Nord, sans électricit­é, sans téléphone... Remarque, aujourd’hui elle a tout de même une adresse mail ! Je lui ai demandé de faire un texte et une voix sur une chanson. Elle était un peu hésitante. Deux jours avant le mixage, j’ai reçu un message, avec le chant en pièce jointe. J’ai pris sa voix, je l’ai posée sur la chanson, et c’était parfait, tout ce que j’avais espéré. Sa voix est superbe, plus profonde qu’avant. Je crois que grâce à ça et à certaines autres choses, elle pense à refaire de la musique...

Trois quarts de mecs

R&F : Un nouveau public découvre The Dream Syndicate...

Steve Wynn : J’ai fait beaucoup de concerts en solo ces vingt dernières années, c’était bien, j’avais du succès, mais le public avait presque toujours mon âge... Trois quart de mecs. Quand on a commencé à refaire des concerts, il y a cinq ans, soudain : des jeunes ! Des garçons et des filles ! J’étais vraiment surpris. Puis je me suis souvenu qu’à 24 ans, j’étais allé voir les 13th Floor Elevators. J’étais tellement excité... Sauf qu’ils étaient nuls ! Affreux. Je ne veux pas être ce genre de groupe...

R&F : Le futur idéal ?

Steve Wynn : Que des gens nous découvrent, qu’on donne des concerts et qu’on refasse un disque. Mon plus grand regret, c’est que nous n’en avons pas fait assez. J’aimerais vraiment en faire un nouveau très vite. Il y a un titre de douze minutes sur l’album, le plus long que j’aie jamais fait, je pense que c’est la direction dans laquelle nous allons aller. Moins Standells, plus John Coltrane !

“Moins Standells, plus Coltrane !”

 ??  ?? The Dream Syndicate, 1983 : Dennis Duck, Dave Provost, Karl Precoda et Steve Wynn
The Dream Syndicate, 1983 : Dennis Duck, Dave Provost, Karl Precoda et Steve Wynn

Newspapers in French

Newspapers from France