Rock & Folk

TOP10 Discograph­ie sélective SPARKS

Plus sophistiqu­é que Queen, moins pédant que Roxy Music

- PAR BENOIT SABATIER

Les dix albums essentiels des Sparks — et pour chacun, les meilleurs morceaux. Ten in heaven.

01 “Propaganda” (1974) La quintescen­ce des Sparks glam rock, une enfilade de chansons scotchante­s : “At Home, At Work, At Play”, “Achoo”, “Reinforcem­ents”, “Thanks But No Thanks”, “Bon Voyage”, “BC”... Avec une seule de celles-ci, n’importe qui bâtirait toute une carrière.

Plus sophistiqu­é que Queen, moins pédant que Roxy

Music, totalement flamboyant, débridé, “Propaganda” n’a qu’un problème : trop d’idées. Et les falsettos de Russell peuvent gaver. Alors pour souffler, les frangins livrent au milieu de l’album, c’est rare chez eux, une ballade. Et quelle ballade ! “Never Turn Your Back On Mother Earth” : leur plus belle chanson, diffusée avant chaque concert de leur fan Morrissey. 02“N°1 In Heaven” (1979) Blondie et Bowie les imiteront : c’est la première fois que Giorgio Moroder, génie disco, se met au service d’un groupe rock. Sacrilège ! Une associatio­n contre-nature, opportunis­te ! Faux : l’alliage disco rock fait des miracles sur les incroyable­s “The Number One Song In Heaven” et “Tryouts For The Human Race”, mais aussi “Beat The Clock”, “Academy Award Performanc­e ”, “My Other Voice”... Comme Bowie, les Sparks n’ont cessé de se réinventer, avec audace, tout au long de leur carrière. Se plantant parfois. Sûrement pas ici. 03“Kimono My House” (1974) Les Californie­ns enregistre­nt à Londres, la ville de leurs idoles The Who, là où Brian Eno vient de composer “Here Come The Warm Jets”. Le glam de “Kimono”, c’est ça : la puissance des Who avec l’inventivit­é d’Eno, le tout façon folle de Broadway. Et dire que cet album de déments s’est imposé comme un classique ! “This Town Ain’t Big Enough For Both Of Us”, “Amateur Hour”, les hits pleuvent, une débauche de créativité sans fin, puisque les deux frères sortent “Propaganda” illico dans la foulée. La cage aux fous ! 04“Lil’ Beethoven” (2002) Encore une réinventio­n radicale et bluffante. Quels autres groupes seventies peuvent s’enorgueill­ir de composer trente ans plus tard des albums parmi leurs meilleurs ? Les Sparks ont bâti leur réputation sur une pop pétaradant­e, camp et baroque, les voilà s’abreuvant désormais dans le classique — un chamber rock barge, avec orchestre martial, cordes paranos, piano véloce, chanté-parlé parfois réduit à une phrase répétée... Sommets : “Your Call’s Very Important To Us. Please Hold”, “The Rhythm Thief”, “Suburban Homeboy”, et le lennonien

“I Married Myself”, bouleversa­nt. Les deux albums suivants, avec les remarquabl­es “Waterproof”, “Perfume”, “The Very Next Fight”, “This Is The Renaissanc­e”, “I’ve Never Been High”, prolongent ce délire opéra-pop avec rab de guitares. 05“Gratuitous Sax & Senseless Violins” (1994) Encore plus incongru que d’habitude. Cet album regorge pourtant de compos sublimes (“Let’s Go Surfing”, “Frankly, Scarlett, I Don’t Give A Damn”, “When Do I Get To Sing ‘My Way’ ”, “The Ghost Of Liberace”). Pour le chant, Russell a rarement autant ému, dans des registres variés et mélancoliq­ues, pas loin des Pet Shop Boys. Là où ça déraille, c’est au niveau de la production, entre acid-house et eurodance, un son cheap et daté qui n’arrive même pas à flinguer les mélodies — c’est dire leur beauté. “Irreplacea­ble”, sur l’album suivant (“Balls”), provoque les mêmes frissons. 06“Angst In My Pants” (1982) Le glam rock de l’ère synthétiqu­e : T Rex façon Gary Numan, Slade à la sauce Human League. Le son défonce, les chansons suivent le mouvement — surtout “Sherlock Holmes”, mais aussi “Angst In My Pants”, “The Decline And Fall Of Me”, “Eaten By The Monster Of Love”, plus “I Predict”, “Sextown USA”... Durant cette décennie, les Sparks vont ensuite s’enfoncer dans une pop synthétiqu­e plus club et moins inspirée. Malgré quelques réussites (“With All My Might”, “Lucky Me, Lucky You”, “Change”, “Madonna”, “All You Ever Think About Is Sex”), certains disciples, comme les suisses Yello, vont alors les surclasser. 07“A Woofer In Tweeter’s Clothing” (1972) Quand la pop psyché vire power-pop : une sorte de mix entre deux disques sortis la même année, “On The Third Day” (ELO) et “Tanx” (T Rex). Avec des morceaux aussi stupéfiant­s que “The Louvre”, “Moon Over Kentucky”, “Undergroun­d”, “Girl From Germany”, “Here Comes Bob”, impossible de réduire cet album à une simple transition vers les chefs-d’oeuvre glam. 08“Terminal Jive” (1980) Pour “Young Girls”, un de leurs plus grands morceaux. Et pour la France : “When I’m With You” fut un énorme tube chez nous (et pas ailleurs). Il y a aussi “The Greatest Show On Earth”. Le reste relève souvent du pilotage automatiqu­e — new wave discoïsant­e au kilomètre. Trop productifs, les Mael auraient dû compiler le meilleur de cet album avec le top du suivant, “Whomp That Sucker” (qui contient “Funny Face”, “I Married A Martian”, “Suzie Safety”). 09“Halfnelson” (1971) Etudiants à l’UCLA mais fans anglophile­s (The Move, Tomorrow), Ron & Russell montent Halfnelson. Todd Rundgren produit leur premier album (qui resortira sous le nom “Sparks”). La pop psyché des Blossom Toes et Mothers Of Invention a clamsé avec les sixties ? Ils la ressuscite­nt sous des habits neufs — ceux de “(No More) Mr Nice Guys”, “High C”, “Slowboat”, “Wonder Girl”, “Fletcher Honorama”... 10“Indiscreet” (1975) Produit par Tony Visconti, l’album, qui recèle les stupéfiant­s “How Are You Getting Home ?” et “Happy Hunting Ground”, n’a qu’un défaut : s’inscrire comme une redite du chef-d’oeuvre qu’il suit, “Propaganda” — alors qu’il est, façon Bonzo Dog Band, encore plus perché. A travers sa voix, Russell joue une multitude de rôles : une mémé, un satyre, une vierge... Et le personnage le plus fabuleux : celui du frère dingo d’un moustachu barjot, enrôlé dans un duo hallucinan­t.

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