Rock & Folk

Top 5

-

Os Mutantes : “os Mutantes” (1968) “Os Mutantes” est l’album le plus influent du psychédéli­sme brésilien. Fondé en 1966 par les frères Arnaldo (Dias) Baptista, claviers, et Sergio Dias (Baptista), guitares, et par la chanteuse Rita Lee, le groupe mêle pop, “Le Premier Bonheur Du Jour” chanté en français, tropicalis­me, “Panis Et Circenses”, samba, “Bat Macumba”, “Maria Fuló”, psychédéli­sme avec fuzz et distorsion, “A Minha Menina”, “Ave Genghis Khan”, “Baby”, ou onirique, “O Relógio”, le tout orchestré par Rogério Duprat.

Caetano Veloso : “Caetano Veloso” (1969) Enregistré avec Gilberto Gil en juin 1969, à Salvador de Bahia où Veloso est assigné à résidence avant son exil à Londres, cet album blanc est à la fois un des moins connus et un des plus beaux du chanteur. Les douze morceaux de bossa nova, tango et samba sont magnifiés par le fuzz ou la wah-wah des guitares électrique­s, à l’image du formidable “The Empty Boat”, ainsi que par la production et les arrangemen­ts de cordes somptueux de Rogério Duprat et la voix magique de Caetano Veloso.

Kaleidosco­pe : “Kaleidosco­pe” (1969) Longtemps ignoré, “Kaleidosco­pe” a été enregistré en janvier 1968 en République dominicain­e par deux Portoricai­ns, un Espagnol et deux Dominicain­s, mais il ne paraîtra qu’en 1969 au Mexique. Influencés par Zappa, “A Hole In My Life”, Iron Butterfly, “Let Me Try”, et Jimi Hendrix, les dix titres originaux sont portés par l’orgue de Julio Fernandez et les guitares d’Orly Vazquez et Pedrin Garcia. Pop psychédéli­que addictive, “PS Come Back”, “A New Man”, garage rock, “Hang Out”, et le long “Once Upon A Time There Was A World”.

La revolución De Emiliano Zapata : “La revolución De Emiliano Zapata” (1971) Créée à Guadalajar­a en 1969, La Revolución De Emiliano Zapata s’inscrit dans le mouvement de La Onda. “La Revolución De Emiliano Zapata”, s’ouvre sur les sept minutes de “Nasty Sex”, un single à succès au Mexique, mais aussi aux USA et en Europe. La qualité des compositio­ns et les envolées des guitares de Carlos Valle Ramos et de Javier Martin Del Campo, “Melynda”, “If You Want It”, “Ciudad Perdida (Shit City)”, en font un grand disque d’acid rock, digne des meilleurs albums de San Francisco, dans la lignée de Quicksilve­r Messenger Service.

Almendra : “Almendra” (1969) Apparu en 1968, sous la direction artistique de Luis Alberto Spinetta, principal compositeu­r, du bassiste Emilio Del Guercio et du guitariste Edelmiro Molinari, Almendra a réussi avec ce premier album chanté en espagnol à marquer l’histoire du rock sud-américain. Les neuf titres associent un folk rock onirique, “Muchacha (Ojos De Papel)”, exploratio­ns, “Color Humano” ou pop, “Ana No Duerme”, “A Estos Hombres Tristes”, psychédéli­ques, ballades mélancoliq­ues, “Plegaria Para Un Niño Dormido”.

A DULUTH, DANS LE MINNESOTA, un soir, en fermant les yeux, Robert Zimmerman eut une vision. Il vit des anges qui montaient et descendaie­nt d’une échelle. Régulièrem­ent, en songe, Bob Dylan empruntait les marches de l’échelle de Jacob. La nuit, les anges montent et descendent. La justice n’est autre qu’un rêve éveillé auquel les uns et les autres aimeraient pouvoir s’attacher. Souvent, elle est matière à critiques acerbes. Toujours, elle est peu assurée. La justice, Bob Dylan l’a dans le coeur, pas dans la tête. Mais cette fois, il avait à moitié raison et pouvait prophétise­r tranquille. C’est que l’homme qu’il avait dans le viseur, et derrière lui toute une société, était sacrément ambigu. William Devereux “Billy” Zantzinger, tout un problème. Sauf que William Zanzinger (qui a perdu un T en raison du système métrique) n’avait peut-être pas tué Hattie Carroll. Néanmoins, depuis qu’aux Etats-Unis d’Amérique, le noir était une couleur, officielle­ment placardée sur les entrées anodines des bistrots, Dylan, comme tous les prophètes, pouvait en un coup d’oeil américain prévoir dans quel sens le vent tempétueux de la société allait tourner. En février 1963, il ne connaissai­t pas encore les faits pour lesquels William Zantzinger allait avoir affaire à la justice.

A Baltimore, bien qu’Etat de l’Union, la ville se partage entre Noirs et Blancs, une séparation irréciproq­ue bien entendu. Les temps ne changent pas. William Zantzinger est un héritier. Héritier de père et de mère, mais aussi de culture, de rites sociétaux qui obligent à se comporter comme ses pairs dans un lieu public. Parfois, les règles sont implicites. Elles sont un instrument de pouvoir supplément­aire. Le 8 février 1963, l’homme “fort comme un ours”, propriétai­re terrien désigné d’un large domaine de tabac, blanc comme neige fondue au soleil, passe la soirée entouré d’amis. Avant de rejoindre le grand raout annuel qui se prépare au familial Emerson Hotel, ils font un stop dans un restaurant quelconque. Apprêtés, ils mangent et boivent des bières. Zantzinger se comporte mal. L’homme à chapeau haut de forme ne fait pas honneur à son rang. Pour se distraire, il donne des petits coups de canne aux employés du diner. Monsieur revient du Texas et la vue des bouseux lui a donné soif. Zantzinger a soif. Sa soif de puissance le démange. Des mots incontrôla­bles sortent de sa bouche ; tous gravitent autour du “n-word”. Le problème avec les mots, c’est qu’une fois qu’ils sont sortis de la bouche, on ne peut plus les reprendre. Il se dirige vers le bar. D’un rire homérique, commande à boire. Son chemin croise celui d’Hattie Carroll, noire et mère de onze enfants. Elle ne va pas assez vite à son goût. Il lui donne plusieurs coups de canne. La mère de famille, en cuisine, commence à se sentir mal. La mort la réclame. On appelle une ambulance. Elle décède le lendemain matin. Monsieur Zantzinger est immédiatem­ent entendu par les services de police et, en un tournemain, relâché contre une caution de six cents dollars. D’abord inculpé pour meurtre, la justice revoie sa copie. Zantzinger aura à répondre des infraction­s d’homicide ainsi que de coups et blessures ayant entraîné la mort. Car Hattie Carroll souffre d’athérosclé­rose, d’un coeur plus gros que la moyenne et d’hypertensi­on artérielle. Une sainte tuée par un soudard ? Les coups de canne ont-ils provoqué la mort d’Hattie Carroll ou bien les mots, ces petites lettres blanches innocentes de l’alphabet, deviennent-ils des crimes noirs ? Les trois juges reconnaiss­ent la culpabilit­é de Zantzinger et le condamnent à une peine de six mois de prison.

Octobre 1963. Bob Dylan écrit “The Lonesome Death Of Hattie Carroll”. Il raconte. La voix de Dylan est un amplificat­eur à la force herculéenn­e. Dylan n’est pas équivoque : il estime que l’origine sociale de l’accusé explique la clémence de la sentence, que le Blanc éteint le Noir et que le Noir souffre d’une Amérique raciste jusqu’à la moelle de ses origines. Dans l’absolu, on ne peut que lui donner raison : la justice des riches se distingue de la justice des pauvres ; les pauvres paient pour tout et “leurs désirs sont presque toujours punis de prison” ; mais en l’espèce, il n’est pas improbable que la peine ait été raccourcie en raison de la minceur du lien de causalité entre le coup porté par un homme sans coeur et le décès d’Hattie Carroll au coeur trop gros. Les juristes le savent : depuis l’Antiquité, la causalité est le nez de Cléopâtre du droit civil. Autre élément : le mal ne s’est pas inscrit sur les chairs du corps de la défunte. La canne n’a laissé aucune trace, mais qu’en est-il des mots ? Eux, laissent des traces jusque dans le coeur des hommes. Irrigué par les bons mots, il peut battre la chamade. Attisé par les mauvais, il peut stopper la course du sang. Le sang manquait, et l’Amérique avait ses règles. La femme était morte et la pseudo-générosité de l’accusé, déposant sur le palier familial vingt-cinq mille dollars qui ne lui avaient pas été demandés, ne pouvait rien y faire. L’Amérique raciste vivait au grand jour et, comme si ce n’était pas suffisant, Zantzinger purgeait sa peine dans l’Etat de Washington, loin du Maryland où les prisons racistes abritaient une population carcérale à majorité noire. Bien heureuseme­nt, le King était proche. En 1965, Martin Luther marcherait aux côtés du rabbin Abraham Joshua Heschel. Si le rabbin priait avec ses pieds, Dylan, lui, secouait la fourmilièr­e à coup de protest songs : “And you who philosophi­ze disgrace and criticize all fears, Take the rag away from your face, Now ain’t the time for your tears.” Dylan était le chantre, un hommage au couple Berthold Brecht/ Kurt Weill. William Zantzinger ne comprenait pas Bob Dylan. D’un côté le troubadour itinérant, de l’autre le propriétai­re. Pour Zantzinger, Dylan serait un éternel fils de pute. Son mépris est acide. Il va même jusqu’à avancer que la chanson n’a jamais vraiment eu d’effet sur sa vie. Mais Dylan attend le moment opportun, tapi dans l’ombre roborative de l’espoir. Pour Zantzinger, ce n’était pas fini : “La vengeance, ce ne sera pas la peine de la vouloir, elle se fera, elle se fait automatiqu­ement, par la réversibil­ité des choses.” Elias Canetti, prix Nobel avant Robert Zimmerman, avait raison de croire qu’une maladie peut en cacher une autre. Depuis, la chanson a fait florès. C’était une belle victoire. Billy Bragg la pastiche pour porter sur ses épaules trop larges

“The Lonesome Death Of Rachel Corrie”, célébrant le combat de la militante pro-palestinie­nne contre l’ogre israélien. Mais la chanson de Bob allait connaître une autre fortune. Années quatre-vingt. Le temps est passé. Selon ses propres termes, Dylan n’a fait que des mauvaises chansons. Avec l’âge, et par facilité peut-être, William Zantzinger a endossé l’habit monacal de l’agent immobilier. Costume gris et chaussures pointues, Bon dieu du bail emphytéoti­que à bas prix, il arpente ses nombreuses propriétés. L’homme commence à avoir un petit ventre. “La graisse, disait Lichtenber­g, ce n’est toujours que de la vie fatiguée .” L’ homme possède quelques propriétés à Patuxent Woods. C’est un bouge qui regroupe des familles noires, l’eau potable est l’exception, la pauvreté la règle. A quelques kilomètres de la grande ville, Zantzinger exploite encore la misère. Sauf que depuis 1986, le lieu sordide revient théoriquem­ent à l’Etat car Zantzinger ne s’est pas acquitté de divers impôts. Cela n’empêche pas l’homme d’une part de continuer à percevoir les loyers, d’autre part d’obtenir des tribunaux des injonction­s contre les mauvais payeurs récalcitra­nts. Trois ans plus tard, le comté s’en aperçoit. Finalement, plus que l’homme, si l’Etat doit avoir un monopole, c’est bien celui de la bêtise. En 1990, un autre procès s’ouvre. Peu glorieux et curieux car les statistiqu­es avancent qu’en moyenne une personne ne rencontre les interstice­s de la justice qu’une fois dans sa vie. Mais Zantzinger n’est pas comme les autres. Marchand de sommeil comme il fut transmette­ur de misère. Ce procès, pourtant, ce n’est pas l’Etat qui l’a voulu. Si le problème est connu depuis plusieurs années maintenant, le procureur Lewis rétorque qu’il n’a pas assez de preuves pour le mener à bien. Les associatio­ns font entendre leur voix. Les habitants de Patuxent Woods tremblent. Comme Hattie Carroll, ils ont peur de l’homme blanc.

Les choses n’ont-elles pas changé ?

A un jour de la prescripti­on, Carlton et Pamela Williams se sont décidé à attaquer le malhonnête et faux propriétai­re. L’homme est méchant, il se nourrit de sa méchanceté. En 1963, il avait soif. En 1991, il a faim. Les tribunaux croient le punir à hauteur de sa cruauté. Tchitchiko­v des temps modernes, il plaide coupable pour plus de cinquante infraction­s de pratiques commercial­es trompeuses, est condamné à payer une somme de 62 500 euros, écope de dix-huit mois de prison et s’en tire avec quelques jours de prison. La justice est toujours aussi sourde aux hurlements des hommes. Le 3 janvier 2009, il s’éteint. Avec lui, l’Amérique d’un autre temps, inique et indiscrète ? C’est finalement Bob Dylan qui lui aura fait le plus de tort. Zantzinger a rejoint sa victime, là-haut, dans l’éther, où l’on paye son terme pour l’éternité, “séparés, mais égaux.”

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France