Secrets d'Histoire

La Comédie-Française ou la maison de Molière

Institutio­n créée en 1680 sous l’égide de Molière, le lieu se confond volontiers avec son siège, la salle Richelieu, sise au Palais-Royal. Mais la troupe joue aussi au théâtre du Vieux-Colombier, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, et au Studio-Théâtre, d

- Par Dominique Le Brun

En fusionnant les troupes de théâtre de l’hôtel Guénégaud et de l’hôtel de Bourgogne, l’ordonnance royale signée par Louis XIV le 21 octobre 1680 n’a pas pour simple objet de créer la Comédie-Française : elle donne à ses acteurs le monopole de jouer sur les scènes parisienne­s. Or à l’époque, depuis près d’un siècle, le théâtre italien connaît le succès dans la capitale. Et il ne se démentira pas, entretenan­t une opposition, souvent politique, à la décision du Roi-Soleil. Est-ce en référence aux créations françaises que l’on la nomme aussi la Maison de Molière ? Pourtant, au moment où l’institutio­n est fondée, le grand Molière est mort depuis longtemps. Mais il reste le principal auteur joué, avec d’autres pièces de Racine, Corneille, Scarron et Rotrou. Non seulement la Comédie-Française protège ses membres de la concurrenc­e, mais elle offre une base à la création d’un régime social pour les acteurs.

Malmenée sous la Révolution L’associatio­n d’artistes ainsi créée conçoit un système de pension destiné à entretenir les comédiens trop âgés pour monter sur les planches.

Toutefois, cette organisati­on, en apparence autonome, ne doit pas faire oublier que la distributi­on des rôles relève du plus haut niveau de l’État, puisqu’elle fait partie des attributio­ns des premiers gentilshom­mes de la chambre du roi. Institutio­n typique de la monarchie, la Comédie-Française fait partie des victimes de la Révolution, qui considère d’un mauvais oeil le monopole dont bénéficien­t ses membres et l’esprit trop critique qui y règne. C’est pourquoi en septembre 1793, en pleine Terreur, le Comité de salut public décide sa fermeture et fait arrêter les acteurs, soupçonnés de complot royaliste. Six ans plus tard, en 1799, la ComédieFra­nçaise renaît, se voyant attribuer la salle de la République, qui n’est autre que l’actuelle salle Richelieu du Palais-Royal.

Une troupe permanente de comédiens Et le 15 octobre 1812, le décret de Napoléon Ier, dit de Moscou, lui donne de nouveaux statuts,

préfiguran­t son organisati­on actuelle. Aujourd’hui, la Comédie-Française a pour particular­ité d’avoir une troupe permanente de comédiens. Comment l’intègre-t-on ? En devenant d’abord pensionnai­re, suite à un engagement par l’administra­teur général, aujourd’hui le comédien et metteur en scène Éric Ruf. Un an plus tard, le comité d’administra­tion peut proposer au pensionnai­re de devenir sociétaire. Les 38 sociétaire­s et 18 pensionnai­res sont salariés, les premiers touchant une participat­ion aux bénéfices. Si ce statut privilégié alimente les fantasmes, il faut savoir que le prestige l’emporte de loin sur le montant des revenus. Depuis 1799 donc, la salle Richelieu, théâtre à l’italienne pour 862 spectateur­s, constitue le siège de la Comédie-Française et donne jusqu’à neuf représenta­tions par semaine. Dite aussi le Français, elle abrite une émouvante relique : le fauteuil de Molière dans lequel il a eu un malaise en pleine représenta­tion du Malade imaginaire. Au Palais-Royal, s’ajoutent deux salles. Jusqu’en 1988, l’Odéon a servi de seconde salle. Mais ce haut lieu du Quartier latin cède alors la place au théâtre du Vieux-Colombier, créé en 1913 par Jacques Copeau. S’y ajoute une troisième salle, en 1996, le Studio-Théâtre, lors de la création de la galerie du Carrousel du Louvre et de la pyramide inversée de Leoh Ming Pe. De cette façon, la Comédie-Française montre que la modernité n’est pas incompatib­le avec le statut de vénérable institutio­n.

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Dans la salle Richelieu, c’est jusqu’à 9 représenta­tions par semaine qui sont données. Ici, Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mis en scène par Denis Podalydes, avec Michel Vuillermoz dans le rôletitre.
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L’Amour au Théâtre français, de JeanAntoin­e Watteau atteste des liens indéfectib­les qui unissaient la peinture à l’art dramatique depuis la Renaissanc­e. Il ferait référence à l’opéracomiq­ue Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus. Salle Richelieu : 1, rue...
 ??  ?? Place Colette, devant l’entrée de la ComédieFra­nçaise, était exposée en 2010, une réplique (x 2) de la chaise de Molière sur laquelle il se sent mal en jouant Le Malade imaginaire. Il mourra quelques heures plus tard. L’originale est exposée au fond de...
Place Colette, devant l’entrée de la ComédieFra­nçaise, était exposée en 2010, une réplique (x 2) de la chaise de Molière sur laquelle il se sent mal en jouant Le Malade imaginaire. Il mourra quelques heures plus tard. L’originale est exposée au fond de...

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