So Foot Club

L'épopée: Turquie 2008

En 2008, le championna­t d’Europe organisé par la Suisse et l’Autriche verra le premier sacre de l’Espagne. Dans cette compétitio­n, une autre équipe sera pourtant considérée comme le gros frisson: la Turquie.

- PAR ANTOINE DONNARIEIX. PHOTOS: PANORAMIC

Quand la Turquie atteignait les demi-finales de l'Euro 2008, en faisant du money time sa spécialité.

Pas grande monde n’aurait misé sur la présence de la Turquie à l’Euro 2008. De fait, trois ans plus tôt à Istanbul, la Suisse s’extirpe comme elle le peut d’un barrage sous très haute tension en vue du Mondial allemand. Malgré sa victoire 4-2, la Turquie, battue 2-0 à l’aller, se retrouve éliminée par la règle du but à l’extérieur. Mauvais perdants, les Turcs ne tardent pas à se venger au moment de passer dans le tunnel menant aux vestiaires. Une bagarre éclate, et des Helvètes sont pris à partie. En toute logique, la FIFA sanctionne dans la foulée la Turquie d’une suspension de six matchs internatio­naux à domicile à huis clos, à jouer dans un pays neutre. Une punition qui n’empêche pas la Turquie de faire partie, deux ans plus tard, des 16 équipes participan­t à l’Euro 2008. Fruit du hasard, la Turquie hérite du groupe A, composé du Portugal, de la République tchèque et… de la Suisse. De belles retrouvail­les en perspectiv­e.

Le déluge de Bâle, la boulette de Cech

Capitaine de l’équipe sélectionn­ée pour ce championna­t d’Europe, Nihat Kahveci se souvient de l’ambiance avant de

démarrer le tournoi. “La Turquie n’avait pas l’habitude d’être souvent en Coupe du monde et à l’Euro, résume l’ancienne idole

de Beşiktaş. En 2008, nous étions déjà très heureux de participer. Avec un groupe aussi relevé, nous savions de toute manière que ce ne serait pas facile.” Finaliste en 2004, le Portugal se charge d’ailleurs de mettre la

Milli Takim dans de sales draps d’entrée avec un logique 2-0. Dès lors, le deuxième match de poule, à Bâle contre la Suisse, vaincue par les Tchèques, s’avère déjà décisif pour les deux équipes. D’abord menée 1-0 sur une pelouse gorgée d’eau, la Turquie refait surface grâce à son attaquant Semih Şentürk, puis arrache une victoire dans les arrêts de jeu par Arda Turan (2-1). “C’étaient de très mauvaises conditions pour jouer, on se demandait tout le temps si le match allait s’arrêter avec la pluie, se souvient Nihat. Finalement, ce but d’Arda

nous a libérés.” La Suisse est éliminée chez elle et la Turquie tient enfin sa revanche. Elle peut désormais jouer libéré.

La troisième rencontre face à la République tchèque est un véritable huitième de finale, les deux équipes étant à égalité parfaite en matière de points et de différence de buts. Pour autant, la Turquie débute mal son rendez-vous. Mené après 45 minutes suite à un coup de tête du géant Jan Koller, le collectif turc se rebiffe aux vestiaires.

“D’abord, l’entraîneur a pris la parole, en disant que nous n’aurions pas toujours l’opportunit­é de nous qualifier pour une phase finale et que c’était le moment de tout donner, explique Nihat. Derrière, en tant que capitaine, j’ai fait mon devoir en leur disant:

‘Hé les mecs, il nous reste 45 minutes, nous allons nous battre et nous irons jusqu’à la mort!’ Au-delà de son devoir sur le terrain, le capitaine doit savoir transcende­r

son groupe.” Malgré un second but signé Jaroslav Plašil, la Turquie ne baisse pas les bras. Arda Turan marque le but du 2-1 et sonne la révolte chez les hommes de Fatih Terim. Mis sous pression, Petr Čech se rend coupable d’une terrible faute de main dont profite Nihat (87e), avant un doublé encore gravé dans sa mémoire (89e). De 2-0 à 2-3. Folie. “Quand je reçois la balle, je tente une frappe forte et enveloppée, décrit

Nihat. Le genre de frappes que tu réussis 2 fois sur 10. C’était incroyable. Sur le terrain, tu ne te rends pas compte de ce que ce genre de buts provoque, mais ensuite, tu réalises ce que tu as offert à ton pays.” Avec le couteau entre les dents, la Turquie s’invite en quarts. La bataille de Vienne et l’épilogue allemand Revenue de nulle part, la Turquie peut déjà considérer sa campagne comme une réussite. Les Turcs n’ont plus rien à perdre et voient en la Croatie un moyen de poursuivre leur rêve depuis Vienne. La partie est serrée, et seule une folle prolongati­on fait bouger le score nul et vierge. Un but d’Ivan Klasnić laisse penser que la Croatie va se qualifier ( 99e), mais un tir miraculeux de Semih offre une

séance de tirs au but au bout du suspense (122e). Modrić, Rakitić et Petrić manquent leur tentative, envoyant la Turquie dans le dernier carré. “Je pense que ces retourneme­nts de situation ont marqué les esprits parce qu’ils se sont produits plusieurs fois de suite, évoque l’entraîneur Fatih

Terim dans le So Foot numéro 133. Ce serait très facile de dire que ces victoires sont dues à la chance, mais ça serait aussi un manque de respect pour le travail qu’il y a eu derrière tout cela. Il faut y croire, se battre jusqu’à la dernière minute.”

En demi-finale, la Turquie est opposée à l’Allemagne, récente demi-finaliste d’un Mondial que les Turcs ont regardé à la télévision. Ce match sera à l’image de la philosophi­e turque: un combat acharné. L’ouverture du score d’Uğur Boral oblige Schweinste­iger et Klose à marquer à leur tour. On pense que la Turquie est vaincue, mais Semih remet les deux équipes à égalité à la 86e, laissant entrevoir une nouvelle folle remontée. Mais ce coup- ci, le temps additionne­l est fatal aux joueurs de Fatih Terim: Philipp Lahm marque à la 90e et élimine cette Turquie dont tout le monde se souviendra pour sa capacité à ne jamais lâcher le morceau ( 3-2). “À l’époque, je me souviens qu’un journalist­e m’avait demandé pourquoi j’avais réservé l’hôtel pendant un mois, conclut Terim. Je lui avais dit que c’était parce que je comptais bien aller au bout. Je voulais être champion. Ça l’avait surpris.” À coeurs vaillants, rien d’impossible. PROPOS DE NIHAT RECUEILLIS PAR ANTOINE DONNARIEIX, CEUX DE TERIM ISSUS DU SO FOOT NUMÉRO 133.

“Ce serait très facile de dire que ces victoires sont dues à la chance, mais ça serait aussi un manque de respect pour le travail qu’il y a eu derrière tout cela.” Fatih Terim

 ??  ??
 ??  ?? Saut de l'ange
Saut de l'ange
 ??  ?? Fatih Terim
Fatih Terim
 ??  ?? Un jeune Arda Turan
Un jeune Arda Turan

Newspapers in French

Newspapers from France