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Ligue des champions: le clan des maudits

- PAR MATHIEU FAURE, AVEC ERIC MAGGIORI. PHOTOS: PANORAMIC

PSG, City, Juventus… Souverains dans leur pays, ces clubs n’y arrivent pas en Ligue des champions. Pourquoi?

Le PSG s’est offert Neymar et Mbappé pour 400 millions d’euros, Manchester City a misé sur Pep Guardiola, et la Juventus s’est adjugé les services de Cristiano Ronaldo, meilleur buteur de l’histoire de la Ligue des champions. Pourtant, ces trois équipes n’étaient pas au rendez-vous des demi-finales de cette Ligue des champions. Comment expliquer l’inexplicab­le?

Neymar, Kylian Mbappé, Cristiano Ronaldo, Pep Guardiola, Gianluigi Buffon, Daniel Alves. Sur le papier, tout ce petit monde avait pris rendez-vous pour le dernier carré de la Ligue des champions 2018-2019. Minimum. Mais la joyeuse bande regardera finalement la fin de la plus grande compétitio­n européenne depuis son canapé. Pour les Parisiens, l’histoire s’est de nouveau arrêtée en huitièmes de finale, pour la troisième fois de suite. Pour les deux autres, l’échec avait pris rendez-vous au tour suivant. Pourquoi? Comment?

La C1, le karma et le destin Quelque part, l’idée de malédictio­n fait son chemin. Notamment pour les deux nouvelles puissances financière­s du football européen: le PSG et Manchester City. Détenus par des fonds qataris et émiratis, les deux clubs ont investi énormément d’argent sur le marché des transferts depuis près de dix ans, au point d’en avoir déréglé, un peu, les normes. Neymar? 220 millions d’euros. Kylian Mbappé? 180 millions. De son côté, Manchester City s’est offert les latéraux les plus chers du monde avec Kyle Walker et Benjamin Mendy, plus de 55 millions d’euros chacun, sans oublier les 68 millions pour Ryad Mahrez ou les 65 millions dépensés pour s’offrir Aymeric Laporte. Moralité, le PSG n’a jamais disputé la moindre demi-finale depuis l’arrivée de QSI, quand City ne s’est invité qu’une seule fois dans le dernier carré, en 2016, en éliminant… le PSG. Depuis, le karma semble faire payer à ces deux superpuiss­ances financière­s leurs dépenses outrancièr­es. Comme si le football ne voulait pas que son Graal tombe entre les mains de nouveaux riches. En trois saisons, le Paris Saint-Germain peut s’estimer victime de l’arbitrage par deux fois, comme aime le rappeler Layvin Kurzawa, interrogé par le Canal Football Club: “On se dit que s’il y avait eu la VAR à Barcelone, on serait passé et, là, on se dit que s’il n’y avait pas eu la VAR…” Le destin.

Après tout, quelle était la possibilit­é de voir Neymar se blesser deux fois au même endroit, à la même période, et manquer trois des quatre derniers matchs de phase finale du PSG en C1? Une sorte de fatalité qui atteint forcément les joueurs, à en croire Kurzawa: “J’étais perdu, j’étais comme un fou, on se demande s’il y a une malédictio­n.” Ou comment expliquer l’inexplicab­le. C’est un peu le cas de Josep Guardiola, présenté par tous comme le meilleur entraîneur du monde et qui, depuis son arrivée à City en 2016, n’a jamais atteint les demi-finales (huitièmes de finale en 2017, quarts de finale en 2018 et 2019). Cette saison, les Citizens se sont

“On se dit que s’il y avait eu la VAR à Barcelone, on serait passé et, là, on se dit que s’il n’y avait pas eu la VAR…” Layvin Kurzawa

imaginés en demi-finales quand Raheem Sterling a trompé Hugo Lloris dans les derniers instants du match retour… avant que la VAR n’annule finalement le but de la qualificat­ion pour un hors-jeu limite (1-0, 4-3). Le destin. Encore. Toujours. En misant si gros sur le marché des transferts et en allant débaucher Guardiola, les patrons de City ne s’imaginaien­t pas faire moins bien que la Roma, l’Ajax, Monaco ou Tottenham sur ces trois dernières années.

La Juventus, elle, n’appartient pas au même monde que les deux nouveaux riches. Souvent présentée, à raison, comme l’institutio­n la mieux gérée d’Europe, la Vieille Dame est pourtant à la recherche du titre suprême depuis 1996 alors qu’elle a échoué en finale durant cette période en 1997, 1998, 2003, 2015 et 2017. La saison dernière, c’est un penalty très contesté accordé au Real Madrid dans les arrêts de jeu d’un quart de finale retour épique (0-3, 1-3) qui avait brisé les espoirs italiens ainsi que le flegme de Gianluigi Buffon, expulsé sur le coup après un pétage de câble monstre. Même avec l’arrivée de Cristiano Ronaldo, 127 buts en C1, la Juventus ne gagnera pas la Coupe aux grandes oreilles en 2019, sortie dès les quarts de finale par une jeune et brillante équipe de l’Ajax Amsterdam (1-1, 1-2). C’est d’ailleurs la première fois depuis 2010 que le quintuple Ballon d’or sera absent du dernier carré.

Admettre l’échec

Alors, comment se relever? C’est la sempiterne­lle question. Dans un premier temps, il faut arrêter de chercher un coupable à tout prix et simplement accepter l’échec. Pragmatiqu­e, le coach de la Juve Massimilia­no Allegri n’a pas cherché midi à quatorze heures après le

raté face à l’Ajax. “Ça n’est pas notre pire éliminatio­n, c’est une éliminatio­n. Parfois on va en finale, parfois en quarts. Il y a de grandes attentes, bien sûr. Mais la C1 est étrange. Il faut arriver dans les meilleures conditions, et nous, on a eu quelques blessés. Il faut accepter, c’est le football. D’autres équipes se battent pour gagner comme nous.”

Difficile de trouver des points communs à ces trois équipes, mais il existe clairement des similitude­s entre chacune d’entre elles. Cette saison, Paris et la Juve ont été sacrés dans leur championna­t respectif le même week- end, celui du 20 avril. Chacun avec une confortabl­e avance pour continuer d’asseoir son hégémonie: huitième titre de rang pour les Piémontais (record), sixième en huit ans pour les Parisiens. L’absence de rivaux sur la scène nationale est- elle un frein pour briller en Ligue des champions? La question mérite d’être posée même si, dans le même temps, Monaco et la Roma ont réussi à se hisser dans le dernier carré en provenant de la même ligue domestique. Un peu de réussite, mais surtout être au bon endroit au bon moment, encore et toujours.

Ce n’est pas le niveau du championna­t anglais qui empêche Manchester City d’être opérationn­el sur la scène européenne, au contraire. “Nous nous battons pour le titre le plus important de la saison, la Premier League, rappelait

Guardiola en février. Bien plus important

que la Ligue des champions.” À la lutte pour le titre avec Liverpool depuis deux saisons, City perd-il de l’influx dans cette bataille de 38 matchs? C’est en tout cas l’avis de l’ancien du Barça. “Nous sommes ici, avec 86 points après 100 la saison dernière,

lâche-t-il après une courte victoire contre Tottenham le 20 avril. C’est l’une des choses les plus remarquabl­es que j’ai réussies dans

“La C1 est étrange.

Il faut arriver dans les meilleures conditions, et nous, on a eu quelques blessés. Il faut accepter, c’est le football.” Massimilia­no Allegri

ma carrière. Surtout après 100 points, avec le meilleur Liverpool de tous les temps, l’une des meilleures équipes contre lesquelles j’ai joué, et tous les trois jours en étant ici et là.

C’est remarquabl­e.” Il n’y a donc pas de conditions idoines pour briller en Ligue des champions, si ce n’est prier que la pièce tombe du bon côté… Force est de constater que pour ces trois clubs, c’est rarement le cas.

Et maintenant?

Installés confortabl­ement – sans doute trop pour le PSG et la Juve – dans l’élite de leur championna­t respectif, ces trois clubs ne vivent que pour une chose: la Ligue des champions. Pour City et Paris, il s’agira de la première. Pour la Juve, ce trophée suprême permettrai­t de confirmer son retour au premier plan, ainsi que combler le retard face aux rivaux milanais (trois titres en C1 pour l’Inter, sept pour l’AC Milan). Depuis le dernier sacre de la Juventus, en 1996, l’Inter a raflé l’édition de 2010 quand le Milan s’emparait des millésimes 2003 (face à la Juve) et 2007. Mais les trois maudits doivent vaincre le signe indien et prier pour que le Barça et le Real (sept C1 à eux deux sur les dix dernières éditions) connaissen­t, en même temps, un coup de mou. Que ce soit à Doha, Dubaï ou à Turin, le centre décisionne­l de ces trois clubs puissants, on ne jure que par le prisme de la C1. Quitte à en oublier l’essentiel: l’histoire.

La Ligue des champions, tout le monde désire la gagner, mais il n’y a qu’un seul lauréat par an. Interrogé après la débâcle face à Manchester United sur RMC Sport, Daniel Alves – joueur le plus titré de l’histoire du football – a pointé du doigt le poids de l’histoire dans les confrontat­ions directes et dans la manière dont la

chance choisit son favori. “J’avais dit lors d’un entretien avant le match que le club historique, c’était Manchester United. Il faut toujours faire très attention dans ce type de compétitio­n. Face à un club historique ou lors d’un match historique, que ce soit en Coupe du monde, en Ligue des champions, lors d’un combat de boxe, d’un match de tennis, peu importe, l’histoire sera en fait toujours contre toi, quelle que soit la situation. C’est comme ça. Nous, il faut qu’on fasse notre histoire. On ne respecte que ceux qui font leur histoire.” Et pour le moment, l’histoire parisienne en Ligue des champions se compose surtout . d’immenses déceptions. Voilà au moins un point commun avec Manchester City et la Juventus.

“Face à un club historique ou lors d’un match historique, l’histoire sera en fait toujours contre toi, quelle que soit la situation.” Dani Alves

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Moise Kean
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