So Foot

Philippe Daguillon

Kiné, en couple avec le FC Nantes depuis 1985

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Philippe Daguillon s’interroge: “Vous n’allez voir

que des vieux, en fait?” Puis il marque un certain soulagemen­t: à 58 ans, il est le plus jeune de la série.

“C’est passé beaucoup trop vite, mais elles sont bien là

ces trente-trois saisons”, constate-t-il au milieu de la salle de soins désertée par les joueurs du FC Nantes. Assis sur une table de massage, “Dag” ne s’imagine pas quitter son club d’adoption, lui le Parisien venu à la Beaujoire “pour une pige et découvrir le monde pro”. Ce monde, il l’a pourtant touché du bout des crampons. En 1975, ce milieu de terrain “devant la défense” monte en D2 avec son club de Malakoff. Carlo Molinari lui propose un essai à Metz mais, pour ses parents, l’arbitrage est vite vu entre des études de kinésithér­apeute et une carrière de footballeu­r. Daguillon officie d’abord au centre d’altitude de Font-Romeu, où il s’occupe des Bleus de Platini “venus en stage avec leurs épouses mais sans kiné” à l’hiver 1983, puis prolonge sa pige pendant l’Euro 1984. Le kiné champion d’Europe débarque quelques mois plus tard à Nantes, après que la fédération l’a conseillé au directeur sportif du FCN, Robert Budzynski. “À l’époque, il n’y avait presque pas de kinés salariés dans les clubs. Les gars se faisaient soigner en ville ou pas du tout. Nantes avait construit une unité de soins avec balnéo, et Robert s’est dit qu’il fallait quelqu’un à temps plein.” Pour ce fan de l’Ajax, Nantes ne se refuse pas. Surtout à l’époque. “Même si je n’étais pas supporter, j’aimais bien le jeu à la nantaise, l’esprit qui se dégageait du club. Et puis il n’y avait pas photo au niveau du cadre de travail et de vie.” Le kiné travaille sous les ordres d’un certain Coco Suaudeau, qui l’invite parfois à se mêler aux entraîneme­nts “pour faire le nombre surtout”, précise Dag, alors joueur de la quatrième équipe du club. “Mais j’ai vite rangé les crampons. Je ratais trop de matchs à cause des déplacemen­ts avec les pros.”

Avec ses Canaris, Philippe Daguillon connaît depuis trente-trois ans les joies et les malheurs de l’ascenseur émotionnel, avec les titres de 1995 et 2001 mais aussi cinq saisons en ligue 2. “C’est un métier où il n’y a jamais de routine,

positive celui qui a refusé une offre de Charles

Biétry pour rejoindre le PSG en 1998. Mais pour supporter tout ça, je pense qu’il faut aimer le club. Si ce n’était pas le cas, je n’y serais plus.” De Louis Fonteneau (“qui m’a serré la main en guise de premier contrat de travail”) à Waldemar Kita, le kiné a connu neuf présidents et survécu à la mode des entraîneur­s et de leur staff élargi. “Ce n’est pas parce que je suis en CDI que je ne peux pas être viré. J’ai connu ça en équipe de France espoirs quand Domenech m’a remplacé au bout de dix ans pour mettre un proche à lui”, explique l’employé qui ne critiquera jamais son club, même si on sent poindre une certaine nostalgie par moments: “Les mecs s’identifien­t moins au club, il y a trop de mouvements.”

Alors quand il pose ses mains sur les cuisses et les

mollets des joueurs pour écouter “les messages qu’ils

veulent faire passer au coach”, Philippe Daguillon cherche aussi à transmettr­e un peu de l’histoire du club. “Les jeunes du centre n’ont jamais connu Nantes champion. Quand je leur parle de tout ça, ils me traitent gentiment de vieux con, mais au final, ils sont quand même friands de ces anecdotes.” Cet accro à la course à pied évoque peut-être aussi avec eux son premier marathon de New York, disputé grâce à une cagnotte lancée à l’initiative du gardien David Marraud, ou ses footings dans les rues de Turin, Moscou, Porto, les matins de déplacemen­ts en coupe d’Europe: “Quand les gars se reposaient à l’hôtel, je prenais mes baskets et

j’allais courir pour découvrir la ville.” De quoi cultiver

un surnom: “Iggy Pop”. “C’est dans le milieu de la course qu’on m’appelle comme ça, pas au club.” Un iguane au milieu des canaris, ce n’est pas vraiment recommandé, temps.• en même

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Subbuteo.

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