So Foot

LABAT

Éducateur, en couple avec les Girondins de Bordeaux depuis 1980

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adv. À une distance assez grande.

S’il devait créer son profil LinkedIn, il serait bien embêté pour résumer toutes ses “expérience­s”. Adjoint, formateur, superviseu­r, éducateur, recruteur, intendant en temps de crise, chauffeur “pour amener les gosses du centre à

l’école”, Pierrot Labat a aussi réalisé une étude de marché pour installer l’unité de machines à laver du centre d’entraîneme­nt des Girondins. “Au début, je lavais le linge des pros moi-même, et ça ne me dérangeait pas. Tout ça, je l’ai fait

pour le club”, dit-il avec cet accent pin des Landes. À 78 ans, la retraite reste pour lui un concept abstrait. À défaut d’une fonction précise, Pierrot garde toujours le survêtemen­t à son nom, sa casquette avec le scapulaire et arpente le domaine du Haillan avec son bichon, dont il ne donne que le surnom: Pitbull. Quand il aperçoit des mannequins de coups francs couchés au sol, Pierrot crie à la négligence et les relève pour les remettre à leur place. On ne déconne pas avec le matériel d’un club où il pouvait passer “vingt heures sur vingt-quatre certains

jours”, estime-t-il à la louche, sans être trop loin de la réalité. L’histoire d’amour entre Pierrot Labat et les Girondins de Bordeaux débute par une rupture. En 1952, le milieu de terrain devient l’un des premiers stagiaires rémunérés du club, tâte même de l’entraîneme­nt avec les pros avant qu’une blessure au genou ruine ses espoirs. Il n’a que 16 ans. “On a essayé de me redresser le genou. Mais rien à faire. On n’opérait pas à l’époque”, raconte-t-il assis dans un fauteuil club. Pendant vingt-cinq ans, il met le football de côté. Trop douloureux.

“Au début, j’ai essayé d’aller au stade, j’avais des copains qui étaient dans l’équipe première, mais je tremblais de tous mes membres, j’en chialais. Je me suis juré que je n’irais plus jamais voir un match.” Alors il reprend la société de transport de son père, réussit vite, prend confiance, un peu trop sans doute: “Je

me suis cru bon alors que je ne l’étais pas.” Heureuseme­nt, les Girondins le rattrapent par la manche en 1980. “Didier Couécou (directeur sportif de l’époque, ndlr) m’a appelé pour me dire: ‘Tu reviens et tu nous emmerdes pas.’ J’ai répondu: ‘Vous me mettez adjoint, je ne sais rien faire.’ Je me suis retrouvé pendant six mois adjoint de l’entraîneur des cadets. Six mois après, j’ai pris les minimes.”

Après des décennies de léthargie, les Girondins amorcent leur révolution avec l’ambitieux Bez, Aimé Jacquet sur le banc et le Yougoslave Ante Mladinic à la formation. “C’est simple, il

m’a appris à apprendre le football, jure Labat au sujet de celui qu’il appelle encore ‘le Yougo’. Les gestes fondamenta­ux, le travail spécifique par poste, le travail

des appuis: j’ai tout appris de lui.” Et quand Pierrot récupère le centre de formation en 1986, il distille ses conseils à la nouvelle génération, notamment un petit Basque qui répond encore au prénom de Vincent. “Je me suis battu pour Bixente. Je disais aux dirigeants:

‘Mais vous êtes fous, ce gamin fait des choses qu’aucun autre ne sait faire.’ Pareil pour Dugarry. Ses entraîneur­s trouvaient qu’il faisait ‘juste illusion’.” Un “Duga” reconnaiss­ant, qui ne manque jamais d’évoquer les “fameux petits pas d’ajustement” de son mentor sur

l’antenne de RMC. En 1992, Rolland Courbis donne son feu vert au duo Lizarazu-Dugarry pour quelques heures sup d’entraîneme­nt avec leur “Pierrot”. Un troisième larron complète la bande. Débarqué de Cannes avec une masse capillaire imposante mais des ischios qui sifflent, Zinédine Zidane passe entre les mains d’un Labat qui se fait –également– masseur. “Le docteur Monteiro avait ramené des États-Unis une technique d’étirement du psoas (muscle fléchisseu­r de la cuisse,

ndlr) que personne ne pratiquait en France. Il me l’a apprise et je faisais les étirements à Zizou. Il ne

voulait personne d’autre.” Et Pierrot d’en profiter pour persuader le meneur des Girondins de ses qualités dans le jeu aérien. “Je lui disais souvent: ‘Tu ne vois pas que tu es bon de la tête?’ Il le croyait pas. Je l’ai fait travailler et, premier match en équipe de France à Bordeaux contre les Tchèques, qui marque de la tête?

Je lui ai dit le lendemain: ‘Alors, tu n’es pas bon de la tête?’” Une satisfacti­on parmi d’autres pour celui qui a lâché sa petite larme un soir de juillet 1998 en voyant son trio d’élèves sur la pelouse du Stade de France. Et même s’il a été l’adjoint d’Élie Baup lors du titre de 1999, c’est la casquette d’éducateur qu’il préfère porter. “Même pendant les vacances, j’entraîne des gamins de 6 ans. Les gens me prennent pour un fou, mais j’ai envie de transmettr­e. Je prépare d’ailleurs une applicatio­n qui recensera tous les gestes fondamenta­ux du football.” Sans doute disponible sur M6 Mobile.

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Hashtag épilepsie.

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