Astuces
Autrefois, quand le rugby se roulait dans la boue, tricher était l’art des brutes. Coups de poing dans les coins sombres des rucks et fourchettes sous le couvert des mêlées, l’arbitre fermait les yeux. Aujourd’hui, épaulé par la vidéo, il ne laisse rien p
Cinq conseils précieux pour détourner les règles à son profit. Et en toute légalité.
DÉTOURNER UNE PÉNALITÉ
Personne n’a jamais tenté le coup, mais pourquoi ne pas marquer un essai sur une tentative de pénalité? D’accord, on a déjà vu le ballon d’une pénalité rebondir sur le poteau, tomber dans les bras d’un attaquant malin qui part aplatir un essai au nez et à la barbe de ses adversaires. Astucieux oui, mais pas fait exprès. Peut mieux faire.
La règle. Article 21.4. f: “Le botteur est libre de botter dans n’importe quelle direction et de jouer le ballon pour lui-même.”
C’est clair: sur une tentative de pénalité, le buteur n’est pas obligé de viser entre les poteaux. Il sera donc avisé de faire semblant de louper sa pénalité (oui, faut quand même pas trop éventer la magouille) pour la transformer en passe au pied à un de ses ailiers qui ira marquer cinq points. Bien répété, ce petit subterfuge devra être utilisé avec parcimonie et seulement pour faire basculer un match. Une finale de Coupe du monde contre la Nouvelle-zélande par exemple?
EFFACER LA LIGNE DE HORS-JEU
Au rugby, la ligne de hors-jeu –celle qu’aucun joueur ne doit franchir sous peine de sanction– est en constant déplacement. Elle passe par le ballon, par les pieds du dernier défenseur, à dix mètres de la mêlée. Elle passera par ici, elle repassera par là. Pff! Trop compliqué. En Nouvelle-zélande, les Chiefs de Waikato ont simplifié tout ça en la supprimant lors des rucks. Ben oui, pourquoi s’emmerder?
La règle. Article 16.5.a: Lors d’un ruck, les lignes de hors-jeu passent “par le pied le plus en arrière du dernier joueur participant au ruck”.
Eh oui! Pas de ruck, pas de hors-jeu. Le coup est génial mais fallait y penser. Plutôt que de créer un ruck après avoir plaqué un de leurs adversaires comme toute équipe normalement entraînée, les Chiefs s’écartent de la zone de plaquage. La tactique a fonctionné à plein dans le Super Rugby cette saison. Puisqu’ils ne créent pas un ruck, tel que défini par l’article 16 des règles du rugby, l’article 16.5.a qui en découle ne s’applique pas. Et les Chiefs de pouvoir se balader au milieu des joueurs adverses, semant pagaille et indécision. On peut parier que ce détournement de la règle sera utilisé lors de la Coupe du monde.
LE COUP DU PARAPLUIE
Ici, c’est Parra qui régale: lors du Clermont-toulon de championnat de mai dernier, en fin de match, le demi de mêlée clermontois joue très vite une pénalité près de la ligne d’essai toulonnaise. Il bute sur Jocelino Suta qui ne se trouve pas à dix mètres (et est donc hors jeu) et qui lui sert de “parapluie” jusqu’à l’en-but. Essai.
La règle. Article 11.1.b: “Un joueur qui est hors jeu ne doit pas participer au jeu. Cela signifie qu’il ne doit pas jouer le ballon ou faire obstruction sur un adversaire.”
En allant buter volontairement sur Suta qui ne pouvait faire action de jeu sous peine d’être sanctionné (sûrement d’un carton jaune pour antijeu), Parra a magistralement exploité la règle du hors-jeu. S’il avait cherché à contourner le troisième ligne, il se serait offert au plaquage de ses adversaires qui n’étaient pas hors jeu. Là, il s’est servi du deuxième ligne du RCT comme d’une protection. Laquelle n’avait pour seule issue que de reculer, donc de l’emmener dans son en-but. Pour une fois que l’on applaudit un joueur qui renonce à un cadrage-débordement.
PROFITER DE LA JOIE
En septembre 2010, le Racing Métro inscrit un essai malicieux après une pénalité de La Rochelle. Ses adversaires, pas replacés, en sont encore à se féliciter de leurs trois points marqués quand l’ouvreur François Steyn en profite pour remettre en jeu par une passe rapide à Sireli Bobo qui file dans l’en-but.
La règle. Article 13.2.c: “Après l’obtention de points, les adversaires de l’équipe ayant marqué les points effectueront la remise en jeu.”
La règle n’empêche pas les coups de pied de renvoi ultrarapides. Mais après examen de l’essai de Bobo qui a fait mal aux Rochelais, L’IRB a donné des instructions pour les limiter: pour être joué vite, le coup de renvoi doit être joué avec le ballon qui a servi à la pénalité car selon la règle 2.6, une équipe ne peut “obtenir un avantage déloyal en utilisant” un ballon de rechange. Fin de l’entourloupe? Non, bien sûr. Alors, parce que la technique a déjà été utilisée mais il y a cinq ans et lors d’un obscur RacingLa Rochelle, nous ne saurons que recommander au XV de France de la reproduire, quand les circonstances seront adéquates. En veillant évidemment à ne pas changer de ballon. Ce n’est pas classe, d’accord, mais si ça peut aider à remporter un match mal embarqué contre les Tonga, par exemple…
IL EST Où LE MAUL?
En février dernier, face aux Français dans le Tournoi, les Irlandais font disparaître un maul. Pour cela, il suffit que O’connell, le capitaine des verts, lève les bras pour que six Bleus s’évaporent. Pschitt! C’est à dix mètres de l’en-but irlandais, à la conclusion d’une touche. Slimani, Papé, Maestri, Ben Arous se lient, baissent la tête, avancent groupés. Bref, c’est un maul. Dusautoir surgit ballon en mains et va aplatir. Essai français? Non, pénalité irlandaise, décide l’arbitre.
La règle. Article 17: “Un maul commence lorsqu’un joueur portant le ballon est saisi par un ou plusieurs adversaires et qu’un ou plusieurs coéquipiers du porteur du ballon se lient à ce dernier.”
Les Irlandais ont fait exprès de ne pas aller au contact avec les Français qui cherchaient, eux, à créer un maul. O’connell et ses copains ont levé les bras pour signifier qu’ils ne jouaient pas. Sans adversaire, pas de maul. Sans maul, le joueur porteur du ballon qui est derrière ses partenaires bénéficie d’une protection illicite. Il est pénalisé. On ne saurait que conseiller aux Français d’adopter cette tactique: refuser de combattre pour mieux vaincre. Surtout lors du match de poule contre les Irlandais. PAR HERVÉ MARCHON /