Tampon!

Digeo David Arrieta

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE PEDRO, SOUS LE SOLEIL DE SOCOA / PHOTOS: PANORAMIC ET DPPI

Ouvreur de Biarritz dans les années 90, il est policier dans le civil et accessoire­ment l’homme le plus drôle du rugby français sur Twitter.

“J’ai été presque internatio­nal, presque champion de France et presque consultant”

Il annonce la couleur dans la bio de son compte: “Je n’ai jamais fait d’en-avant, je n’ai jamais loupé un coup de pied, je n’ai fait que des bons matchs.” David Arrieta a l’ironie facile et se l’applique à lui-même avant d’en faire profiter ses presque 4 000 abonnés sur son compte Twitter. Ancien ouvreur du Biarritz Olympique dans les années 90, ce policier du côté de Saint-jean-de-luz aime rigoler du petit monde du rugby. Et tant pis si ça grince parfois, l’officier Arrieta est d’abord au service de l’humour.

Comment es-tu arrivé sur Twitter? Je me suis inscrit en 2012 pendant le Tour de France. J’en avais entendu parler et j’ai voulu essayer. Au début, je partais de zéro, enfin de deux followers. Mon premier tweet, c’était: ‘ Arrivée d’étape à Seraing, le G ne se prononce pas.’ Tu balances une vanne et tu vois que ça répond. Assez rapidement, j’ai été suivi par Boucherie Ovalie et toute cette bande. Je me suis très vite pris au jeu, trouver la meilleure vanne tout ça…

Il arrive que certains joueurs ne comprennen­t pas l’humour de tes messages? Oui, parfois. C’est arrivé avec Speeding. J’avoue que c’était con ce que j’avais écrit. Après la demifinale de Clermont perdue contre le Racing, j’avais balancé: ‘Branlée en Coupe du monde, défaite dans le Tournoi, défaite en Top 14: ne cherchez plus le dénominate­ur commun, c’est Speeding.’ Honnêtemen­t, c’était naze.

Et il t’a répondu quoi? ‘Belle mentalité.’ Après, on m’a dit qu’il n’avait pas d’humour. Très sud-africain, quoi. Je sais que certains ne comprennen­t pas toujours mon humour. Julien Candelon, qui commente sur BEIN Sports, se demandait si j’étais pas un peu aigri. L’aigreur, on peut en avoir, mais c’est juste de la vanne. J’ai un humour particulie­r, mais c’est mon humour. J’ai joué au rugby pendant 20 ans et on a passé notre temps à se vanner sur le terrain, dans les vestiaires. Tu lances des piques et tu fais pas ton susceptibl­e.

Peut-être que l’on accepte moins ce ton venant d’un ancien joueur. Tu peux comprendre que ça surprenne? Je ne sais pas, ça reste de l’humour. Je ne me pose pas de questions, c’est spontané. Qu’est-ce tu veux qu’il m’arrive? Je ne cherche pas la célébrité. J’ai toujours eu la même liberté de ton, que ce soit au rugby ou au boulot.

Il y a quand même un message derrière la blague. On devine une certaine critique de ta part sous le couvert de l’humour. J’ai pas mal tweeté sur l’élection de Laporte à la présidence de la fédération, mais ce n’était pas pour faire passer le message que je soutenais Blanco ou Camou. Je suis peut-être un peu vieux combattant parfois quand je vanne sur la technique des joueurs. Je ne parle pas des Blacks, mais en Top 14, tu as des mecs qui ont des lacunes, qui manquent de spontanéit­é dans leur jeu. C’est peut-être ce qui peut transpirer dans mes tweets. Je serais sous le logo de Boucherie Ovalie, je me lâcherais encore plus. C’est inépuisabl­e les conneries à sortir sur le rugby, le foot… et tout le reste, d’ailleurs.

Twitter a changé la façon dont tu perçois le rugby? C’est vrai que j’aurais du mal à suivre un match sans tweeter. Comme je dis, tu remplis un petit Zénith sur Twitter ( rires) –plutôt l’olympia dans mon cas. Si je ne le fais pas, c’est pas grave, je pourrais voir le match en entier, mais j’ai pris l’habitude. Parfois, je commente même des matchs que je ne regarde pas.

Lequel de tes tweets a rencontré le plus de succès? C’est marrant, mais c’était sur du foot en plus. Avant l’euro, on accusait Deschamps d’avoir cédé à une partie raciste de la France pour ne pas avoir sélectionn­é Benzema. L’affaire sort deux jours après France-cameroun et je mets: ‘Si Deschamps avait cédé à une partie de la France raciste, j’aurais pas mis 20 minutes à savoir si on jouait en blanc ou en vert.’ J’étais au boulot et je montre à mon collègue qui fait: ‘Pff ’, et j’envoie. Pendant dix minutes, ça décolle pas trop, et puis c’est relayé par un compte influent et là je suis

repris 800 ou 900 fois pendant le match. D’autres fois, tu penses que tu es très drôle sauf que personne ne réagit alors que toi, tu te marres tout seul. Un de mes tweets préférés, c’est quand Fulgence Ouedraogo a posté une photo de lui enfant à l’école de rugby. Il y a dix petits blonds et lui. J’ai demandé: ‘ T’es où sur la photo?’ Il ne m’a pas répondu. J’espère qu’il a aimé.

Comme tous les ‘tweetos’ influents, tu as été abordé par des marques pour participer à des événements, voir des matchs à l’oeil? Jamais! Tu en as, ils sont gentils mais ils passent leur temps à dire: ‘Merci untel de m’avoir invité au Stade de France’, ils se prennent en photo en loges avec Califano, bouffent des petits fours… Les mecs sont invités partout. On ne pourrait pas plutôt inviter les bénévoles des écoles de rugby? Avec ta répartie, tu pourrais intéresser une chaîne pour officier comme consultant? J’ai été homme de terrain pour Rugby+ pendant quatre ans. C’était sympa, mais il n’y avait pas grand monde qui regardait à part mes parents et mes beauxparen­ts. Je suivais surtout Biarritz, Bayonne et Dax. C’était une belle expérience. En 2012, Éric Bayle (directeur de la rédaction chargé du rugby pour Canal+, ndlr) m’a dit qu’il devait faire bosser les mecs du foot sur le rugby en début de saison, mais qu’il me rappellera­it plus tard. Bon, il ne m’a pas rappelé. J’aurais pu le faire moi, mais je ne suis pas du genre à m’accrocher. Du coup, je suis sur Twitter. J’ai aussi eu des touches avec BEIN et Eurosport, et Midi Olympique m’a proposé de tenir une rubrique pour son site. Bon, ça ne s’est pas fait à chaque fois. Il faut dire que c’est plus simple quand tu as été internatio­nal. Moi, j’ai été presque internatio­nal, presque champion de France et presque consultant. Je n’ai vraiment jamais su me vendre. C’était déjà comme ça quand j’étais joueur. Quand je suis allé à Pau, on m’a demandé combien je touchais à Brive. J’ai dû dire 5 000 euros et on me les a donnés tout de suite. Si ça se trouve, ils pensaient me filer plus au départ mais comme j’ai pas négocié…

Quand tu jouais, tu aimais déjà bien avoir ta liberté d’expression? Oui, j’étais un peu foufou. Même quand c’était impossible, j’aimais bien tenter. Pas tout le temps, mais souvent. C’était une époque différente, il existait une plus grande tolérance de la part des coéquipier­s et des entraîneur­s. Un jour avec Biarritz, on menait à Agen de trois points dans les dernières secondes –et à l’époque, c’était costaud de gagner là-bas–, j’ai relancé dans mes 22 mètres. Résultat: je me suis fait contrer et on a perdu le match. Pourtant, personne ne m’en a voulu, le président ne m’a rien dit. Maintenant, tu oses faire ça… Bon, personne ne l’ose, en même temps.

On sent chez toi une certaine nostalgie de cette époque… Bien sûr que je suis nostalgiqu­e! Les mecs qui disent ne pas l’être me font bien rire. Mon cul! Tu es nostalgiqu­e de ta jeunesse, de la reconnaiss­ance des gens, du plaisir que tu as pris sur le terrain, des conneries en dehors. Quand je me retourne sur ces moments, je me dis que j’aimerais bien les revivre.

Comme cette saison 1991/92 où vous allez en finale avec Biarritz pour les adieux de Serge Blanco. C’était un peu inespéré comme parcours… Pour tous les matchs des phases finales, on disait que c’était son jubilé parce qu’il allait raccrocher derrière. On passait les tours et il y avait de plus en plus de journalist­es présents pour voir le dernier match de Blanco. On arrive en finale au Parc des Princes, Blanco présente l’équipe à Mitterrand. Moi, je suis dans ma bulle, Blanco me présente au président, ‘Bonsoir président’, il serre la main aux autres de l’équipe. Et là, Blanco lance: ‘Allez, c’est bon les gars, on y va.’ Je me retourne et je pique un sprint vers le centre du terrain, je suis déjà à fond dans mon match, chaud quoi. Et puis je regarde autour de moi et je vois que je suis tout seul comme un con au milieu du terrain devant 45 000 personnes. Il fallait encore présenter les Toulonnais à Mitterrand. Donc je suis revenu vers les autres tout doucement comme si de rien n’était. Je te jure, un truc de fou.

Et la finale en elle-même? Vous perdez contre une équipe de Toulon qui a frôlé la relégation lors de la saison régulière. Tu te dis que tu as perdu, que ça passe trop vite et que tu ne vas pas revenir de sitôt. Pourtant, on a été reçus comme des héros à Biarritz, c’était noir de monde entre l’aéroport et le stade alors qu’on avait perdu. Je suis resté encore sept ans sans jamais revenir en finale. Puis quand je suis parti, le BO s’est mis à gagner ( trois titres entre 2002 et 2006, ndlr).

Vous démarrez cette année-là les phases finales en seizièmes contre Tyrosse. Une autre époque… On avait gagné difficilem­ent, on était attendus là-bas. La meilleure histoire, c’est quand même celle de notre troisième ligne Jean-marc Irigaray. Il ouvre son sac dans le vestiaire, sort ses crampons et là, percute qu’il a pris deux pieds gauches. Va te chercher des crampons une heure avant le match. On a fini par joindre sa femme qui est arrivée en catastroph­e avec un pied droit. Contre Brive en huitièmes, Sébastien Viars dit à Blanco: ‘Il nous manque notre centre aujourd’hui, mais on va le récupérer pour le quart.’ Blanco le regarde et lui lance: ‘ T’inquiète pas petit, tu vas connaître le grand frisson ce soir.’ Derrière, on les a tordus. Pour la finale, il n’y avait que lui qui savait où on allait loger. Et on s’est retrouvés dans le château de son ami Serge Kampf ( fondateur de Capgemini et principal mécène du BO, ndlr) dans les Yvelines. Kampf avait fait tracer un terrain dans le parc, monter des poteaux. Le premier soir, il nous dit ( il prend un accent chic): ‘Descendez pour vous servir un peu de vin à la cave.’ Fallait pas trop nous en promettre, surtout avec Pascal Ondarts et compagnie. Trois jours comme ça, les meilleurs pinards… La finale de 1992, on l’a un peu perdue dans la cave de Kampf aussi.

Tu as profité de la légendaire générosité de Serge Kampf? On sait que Blanco était proche de lui et qu’il lui doit un peu sa réussite comme chef d’entreprise. Non, j’ai juste pris un petit billet pour mes deux matchs chez les Barbarians comme tout le monde. J’adorais Blanco mais je n’avais pas d’argent, Kampf aussi adorait Blanco. Bon, sauf que lui en avait un peu plus. PROPOS RECUEILLIS

“Bien sûr que je suis nostalgiqu­e! Les mecs qui disent ne pas l’être me font bien rire. Mon cul!”

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L’immense Jean- Charles Cistacq.

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