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EDOUARD BAER

- Interview Melchior Photo Foc Kan

Avant tout : Que fait monsieur Baer à Cannes ? Edouard, acteur, chroniqueu­r, producteur, scénariste, et dramaturge, sera le maître de cérémonie du festival de Cannes, pour l’ouverture et la fermeture.

Quelle est la portée de la voix dans le métier d’acteur ? L’arrivée de la voix dans le cinéma à complèteme­nt changé l’industrie du cinéma et le travail de l’acteur. Ça a d’ailleurs été un choc quand les acteurs de films muets se sont retrouvés à devoir parler et souvent arrêter leurs carrières. Je crois que la maîtrise de la voix doit être inconscien­te, j’aime le trouble et l’émotion, comme celles qu’on peut entendre chez les amoureux peut-être...

La vôtre est devenue iconique, entre autre via votre émission sur Radio Nova, y a-t-il un art de la voix ?

Difficile de parler d’un art, il y a trop de choses qui entrent en jeu ; le physique, le souffle, la voix plus ou moins bien placée. Je crois qu’il s’agit plus de gestion des émotions et de conviction dans la pensée. “Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement” comme disait l’ami Boileau.

Les modulation­s de la voix sont-elles un ressort comique, si oui dans quelle mesure ?

Il faudrait plus parler d’intonation­s que de modulation­s. La comédie française a développé aujourd’hui une culture de la “punch line” à l’américaine, alors que ce qui est vraiment drôle d’après moi c’est l’intonation. La même phrase dite par Poelvoorde est toujours plus drôle, parce que les vrais humoristes portent un monde dans leurs intonation­s. Mais surtout ; c’est drôle parce que c’est juste.

Y a-t-il un lien entre le métier d’acteur et celui de conteur ? Il y a des conteurs, oui, mais je crois que les plus belles histoires sont mises en valeur par l’impossibil­ité de raconter, la maladresse, le bégaiement, etc. La maîtrise est un piège pour l’acteur et le conteur.

Pouvez-vous nous parler du plaisir de raconter une histoire ? Dans le cadre d’un film, c’est le cinéaste qui raconte l’histoire quand l’acteur n’est qu’une partie de cette histoire, il n’est qu’un point de vue qu’il doit défendre et honorer. C’est encore plus le cas au théâtre au le comédien fait part de son expérience de lecture. Raconter une histoire, quand on est acteur, c’est une histoire de point de vue pas de plaisir ( ce qui n’empêche pas d’en prendre, soi dit en passant).

Est- ce un art de l’intime ?

Quelle jolie manière de le dire... Oui je crois en effet que c’est un art de l’intime, un moyen d’échange direct et généreux entre le spectateur et l’oeuvre. On parle d’ailleurs souvent de la “voix de l’écrivain”.

Pouvez- vous nous parler du silence ?

Le silence a tant de voix ; le taiseux, le timide, le frappant, le cruel... Dans tous les grand textes les silences ont la part belle, et pourquoi ? Parce qu’il existe ce qu’on appelle le silence plein, qui dit tout autant, voire plus que des mots. C’est sans oublier la beauté du souffle, un peu comme si on pouvait entendre les coeurs.

Avez- vous un petit secret de grand- mère pour ne jamais perdre la voix ?

Je n’ai perdu la voix qu’après mettre mis en colère alors peut- être ne pas se mettre en colère. Et sinon je ne vais pas mentir, c’est la piqûre de cortisone dans le derrière ; quand il faut jouer, il faut jouer, point.

Est- ce l’enfant ou l’adulte qui a choisi une vie d’histoires ?

Pourquoi l’un ou l’autre ? Les deux ont choisi l’imaginaire. L’homme sans imaginatio­n n’est qu’un bout de viande. On ne fuit pas, on transcende par l’imaginatio­n. On transforme une journée en chemin et une vie en destin. La vie ne sert qu’à construire sa propre légende.

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