Vanity Fair (France)

La moutarde monte au nez de la cousine dijonnaise de Dorothée Parterre

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DoPa, ... Je n’en peux

Dorothée Parterre plus d’entendre ce nom comme si on parlait d’une star intergalac­tique, seriously. Moi aussi je parle anglais, look at : « Oh oh oh, put a ring on it. » Toute ma jeunesse, je me suis cogné chaque été cette petite morue de Dorothée – ma cousine d’Amérique, une sombre et douteuse histoire de GI égaré – à qui j’ai appris les rudiments de la vie. De la vie dijonnaise, certes, mais de la vie quand même : calimocho, trois-feuilles et moutarde à l’ancienne. Et la voilà qui s’époumone dans un magazine qui rime avec , qui distribue

Jenifer les bons ou mauvais points du bon goût alors qu’il y a peu elle portait encore des sweat-shirts « I <3 Université-La-Sorbonne » et des Palladium. Je. Me. Gausse. Et je n’ai pas dit mon dernier mot. Moi aussi, Romy, je vais dévorer Paris et pérorer dans la presse sur la modeuse et l’écrivain

Christine Baba Frédéric Diefen, l’auteur de L’amour dure une nuit si je me thal souviens bien. Il est toujours fourré au Flore. Je troque mon TER contre le premier tacos et demande au chauffeur – qui semble n’avoir pas payé sa licence mais me soutient que « si si, madame, on a le droit maintenant, tavu » – de m’amener right now to the Florzzze ! Avec l’accent : j’assois mon personnage. Je lève un sourcil. L’homme cherche. Je fais la moue. Son regard s’éclaire. L’homme démarre, sûr de lui. C’est parti pour la gloire.

Un ange passe et le vide se fait dans les yeux – rouges et dilatés – de mon chauffeur privé. L’odeur de l’habitacle me renvoie trois décennies en arrière, quand on fumait des douilles dans la forêt de Plombières... Ach, große nostalgitä­te. Oui, j’ai fait allemand première langue, et ça tombe plutôt bien depuis juillet dernier. Les lumières de Paris défilent en reflet sur l’écran de mon 3GS pendant que je vérifie mes interdents . Shit ! Du rouge sur l’émail, mais comment font- elles toutes celles qui arrivent à rester parfaiteme­nt fardées même après avoir englouti le club du wagon-bar ? Je navigue sur Purepeople, j’apprends que regrette le prénom donné à

Kanye sa fille. Quinze mois pour s’en rendre compte, l’amour rend indéniable­ment aveugle. Et sourd. Enfin ça, c’est au bout de quelques années, quand l’adage « jamais mieux servi que par soi-même » prend tout son sens. Crissement de pneu, les immeubles s’arrêtent, je suis à deux doigts du coup du lapin – mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je ne sous- couche pas avec des chauffeurs.

Nous y voilà. Je déplore le néon digne d’un Flunch, but soit, on assiste bien au retour fashionist­e des années 1980, ce sur quoi je n’aurais pas parié un zloty. Errare humanum est. D’ailleurs, si je n’avais pas le cheveu frisottant quand il est court, j’envisagera­is la coupe mullet. Tout ça c’est de la faute de l’humidité et de John Frieda.

Néon d’accord mais djeeeez, on dirait un bateau. Moi qui m’attendais à une architectu­re encroûtée et aussi poussiéreu­se qu’une bibliothèq­ue, cette orientatio­n à quasi 360 degrés est de toute beauté. Malgré les Gucci financées par ma mutuelle d’entreprise, malgré ma façon très naturelle d’entrer comme si je ne voyais personne, figurez-vous que... justement personne, je dis bien PERSONNE, ne me remarque. Pas même le serveur alors que je commence déjà à monter les marches de l’escalier magistral. DoPa disait de ne pas mettre un pied à l’étage, rapport à la dame pipi et à la non-visibilité ? Cousine, je ne te comprendra­i jamais : c’est là-haut qu’on est le plus en vue. Comme en vitrine. Avec les lumières rouge et bleu, ça en jette, je ne suis pas loin de me lancer dans une pole dance de compét’ – j’ai gagné le concours départemen­tal le mois dernier. Mais non, style, glamour et discrétion seront les deux mamelles de ma vie parisienne.

Enfin attablée, je passe commande : « Garçon, un Flore, s’il vous plaît ! » Il est bien débraillé, ce serveur, avec sa barbe de 27 jours et sa chemise à carreaux. Le chic germanopra­tin ? À d’autres ! En attendant mon cocktail, je guette, je traque, je zyeute... Les seuls cheveux longs masculins sont sales et sans chemise blanche ouverte sur le torse. On me parlait d’intellectu­els rich and famous – en tous les cas suffisamme­nt pour ce que je veux en faire –, je ne vois que de l’inconnu, de l’inconnu et encore de l’inconnu. Ah, une tête qui me dit quelque chose... Il a l’air mal nourri, un peu artiste maudit, he could be un lauréat du prix de Flore. En même temps, quand je le vois, j’ai la tête qui tourne et une chanson tzigane inside. Une guitare et des mitaines. Et de la neige. CARAVANE ! Ça y est j’y suis, c’est . Le serveur s’approche de moi, plateau

Raphaël plein : enfin ! Il me faut du champagne, du cognac, du Grand Marnier et des fruits rouges, un Flore au café de Flore pour Romy, j’adooore. Mais c’est un sandwich américain. Un comble pour un café typiquemen­t parisien. « Où est mon cocktail ? – Vous avez demandé un burger. – Que nenni, j’ai demandé un Flore. – C’est ce que je vous apporte : un Floors. – Are you kidding me, jeune homme ? – Je n’oserais pas. Nous ne faisons pas de cocktail ici, madame. – Pas de cocktail Flore à Saint-Germain, vous plaisantez ? – Non, non. Mais ici, vous êtes au Floors, à Château-Rouge. » Je regarde la barbe trop longue du serveur. Il regarde mes dents. Elles sont pleines de rouge. « Je veux parler au directeur. Appelez Frédéric Diefenthal tout de suite ! » &

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ce serveur, avec sa
barbe de 27 jours… »
« Il est bien débraillé, ce serveur, avec sa barbe de 27 jours… »

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