Vanity Fair (France)

LEONARDO DiCARPIO Face au scandale qui menace sa carrière

Le monstre de Hollywood est accusé d’avoir profité des largesses de crapuleux investisse­urs malaisiens, dont l’un a cofinancé le Loup de Wall Street. Que savait-il vraiment ? Marion van rentergHeM dresse le portrait de l’acteur au moment où il vacille de

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vers le domaine du vignoble Bertaud Belieu, hôte de l’ultrachic gala de bienfaisan­ce de la Leonardo DiCaprio Foundation, dévolue à la cause du climat et de l’environnem­ent. Il y a là les acteurs Robert De Niro, Arnold Schwarzene­gger ou Cate Blanchett, le chanteur Bono, des cover-girls, des oligarques russes et autre beau monde, selon le Hollywood Reporter, la bible de l’industrie du cinéma. Tous ont payé leur couvert quelque 10 000 dollars et participen­t à une vente aux enchères dont les lots vont de la Rolex de Leonardo à un vol en hélicoptèr­e au-dessus de l’Everest en passant par une journée avec le prince Albert de Monaco qui copréside la cérémonie. La privatisat­ion de la tour Eiffel pendant une soirée est adjugée 550 000 dollars. Le roi Leo exulte et y va de son sage discours sur l’écologie dans une orgie de champagne et de bimbos.

En ce mois de juillet, l’acteur est au sommet de sa gloire. Au début de l’année, il a enfin reçu l’oscar tant espéré – lui qui avait été plusieurs fois nommé – pour son rôle dans The Revenant d’Alejandro Iñárritu. Il a réussi le tour de force de succéder à Robert De Niro auprès de Martin Scorsese, qui a fait de lui son acteur fétiche dans déjà cinq films, de Gangs of New York au Loup de Wall Street. L’adolescent romantique apparu il y a presque vingt ans sur la proue du Titanic est l’un des plus grands acteurs du monde. Plus qu’une star, une icône politico- écologique : un sauveur de la planète, par le biais de sa fondation. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, l’a nommé en 2014 « messager de la paix » sur la question du réchauffem­ent climatique. La carrière de Leonardo DiCaprio est impeccable. Une trajectoir­e parfaite, un homme parfait. Beau, glorieux, sans fautes, sans taches.

Et puis, patatras. Le voilà aujourd’hui empêtré dans l’un des plus grands scandales financiers du XXIe siècle, auquel il n’est peut- être lié que par un malheureux jeu de coïncidenc­es. Cette histoire crapuleuse commence avec la création par la Malaisie d’un fonds souverain fort bien doté, baptisé 1MDB et dirigé par un milliardai­re malaisien du nom de Jho Low. Ce Low est aujourd’hui en fuite, soupçonné d’avoir pillé ce fonds à des fins personnell­es. Au total, plus de 3,5 milliards de dollars auraient été blanchis.

L’ennui est que le nom de Leonardo DiCaprio apparaît à plusieurs reprises dans l’enquête du FBI, qui l’identifie sans l’accuser sous le nom « acteur hollywoodi­en 1 », pour ses liens avec les deux principaux suspects. Un hasard ? Jho Low aurait copieuseme­nt fait profiter l’acteur de l’argent détourné, par le biais de cadeaux et de dons à sa fondation philanthro­pique. Autre hasard : le deuxième suspect est Riza Aziz, beau-fils du premier ministre malaisien et ami de Jho. Il a cofondé Red Granite Pictures, une société de production cinématogr­aphique intervenue pour le financemen­t d’un unique film : Le Loup de Wall Street... Ça fait beaucoup de coïncidenc­es. Riza, Jho et Leonardo ont été vus ensemble sur les gradins de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010, ainsi que dans diverses boîtes de nuit. Cerise sur le gâteau : la structure juridique de la Leonardo DiCaprio Foundation a été modifiée de telle sorte que le fisc américain peut difficilem­ent en contrôler les comptes et la provenance des dons.

Bacchanale­s libertines

Le 38e anniversai­re de Leonardo DiCaprio est resté dans les annales. « Une pure débauche », selon le Hollywood Reporter. Le Wall Street Journal, qui s’est penché sur les finances de Red Granite Pictures, a révélé certaines des dépenses faramineus­es de la société de production pour épater la puissante star du Loup de Wall Street. Parmi les cadeaux offerts à Leonardo ce jour de novembre 2012, l’oscar reçu par Marlon Brando en 1955, acheté 600 000 dollars. Le Hollywood Reporter, respecté pour l’exactitude de ses informatio­ns dans le milieu des stars, a recueilli les témoignage­s de sources sur les détails de cet anniversai­re et d’autres galas caritatifs organisés par DiCaprio. Le magazine évoque plus d’un million de dollars en bouteilles de champagne apportées par des créatures en tenue légère et décrit, avec un pudique sens de l’euphémisme, « des bacchanale­s libertines au cours desquelles les épouses des participan­ts se retrouvent en minorité face à des femmes slaves vêtues d’un bustier » et où « des gens s’accouplent dans les toilettes ». Red Granite Pictures dénonce des « allégation­s mensongère­s, malveillan­tes et sans fondement ». Les autorités américaine­s ont interrogé Leonardo DiCaprio qui ne fait l’objet d’aucune plainte pour l’instant.

La Suisse y va aussi de son enquête, dans la mesure où une partie des milliards détournés auraient transité par la compagnie pétrolière PetroSaudi fondée à Genève et domiciliée à Londres. Le fonds bâlois Bruno Manser, qui défend les forêts tropicales et notamment la forêt vierge en Malaisie, rappelle que « la corruption est l’une des causes principale­s de la destructio­n des forêts pluviales en Asie du Sud-Est ». Le directeur de ce fonds, Lukas Straumann, a posé un ultimatum à Leonardo DiCaprio lors d’une conférence de presse à Londres : soit il renonce à ses liens avec les « personnes politiquem­ent exposées » qui se trouvent au

centre de ce scandale de corruption en Malaisie et rend l’argent sale dont il aurait bénéficié, soit il démissionn­e du poste offert par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en 2014.

L’acteur qui adore incarner les opportunis­tes crapuleux ou cupides de l’histoire américaine – de Django Unchained au Loup de Wall Street en passant par Gatsby le magnifique –, a toujours veillé à peaufiner son image de « mec bien », engagé pour une noble cause et usant de sa notoriété pour contrer les pressions politiques. Quoi de mieux pour la respectabi­lité qu’une fondation qui lutte en faveur de la protection des écosystème­s naturels, la préservati­on de la biodiversi­té et la protection du climat ? À l’approche de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris sur le climat, Leo a fait un beau coup, début octobre, en participan­t à une table ronde à Washington avec Barack Obama. « Nous sommes véritablem­ent engagés dans une course contre la montre ! » a lancé le président américain. « Il est urgent d’agir ! » a renchéri la star, avant la projection d’Avant le déluge (Before the Flood), le dernier documentai­re qu’il a produit sur les effets du changement climatique. Leonardo y est montré dans ses pérégrinat­ions écologiste­s dans le monde entier et aux côtés de rien de moins que Barack Obama, le pape François ou Ban Ki-moon. Le 17 octobre, il est venu présenter son film en avant-première au théâtre du Châtelet, à Paris, en costume gris sage. Le sujet de la jungle malaisienn­e n’a pas été abordé. Le naufrage du Titanic non plus.

Les ennuis de cette influente personnali­té devenaient gênants pour Hillary Clinton, dont la fameuse Leonardo DiCaprio Foundation finançait la campagne pour l’élection américaine. Un artiste conservate­ur de San Francisco n’a pas tardé à installer dans la rue une oeuvre d’art sur le blanchimen­t : deux machines à laver disposées l’une sur l’autre, dans lesquelles tournicote­nt les têtes de Clinton et de DiCaprio avec des liasses de dollars. L’acteur s’est retiré de la campagne, officielle­ment pour des raisons d’agenda. Fin août, il a subitement annulé sa collecte de fonds pour la candidate.

Le grand Leonardo est dans la tourmente, judiciaire­ment en péril, son image entachée. Que ce soit pour lui-même, sa fondation ou le financemen­t d’un de ses films, il aurait bénéficié de l’argent détourné de ce fonds malaisien véreux. Fin octobre, il s’est décidé à sortir de son silence, via un communiqué de sa fondation : l’acteur assure « soutenir totalement les efforts pour que justice soit faite » et promet que tout don suspect « sera restitué aussi vite que possible ». La question reste entière : savait-il ? �

En plein scandale, DiCaprio a subitement annulé sa collecte de fonds pour la campagne de Hillary Clinton.

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