Var-Matin (Grand Toulon)

Appréhende­r les liens entre l’esprit et le corps Psycho

La psychosoma­tique psychanaly­tique est une discipline à part entière qui est encore mal connue y compris des profession­nels. Pourtant ses apports à la médecine sont incontesta­bles

- AXELLE TRUQUET atruquet@ nicematin.fr

Souvent on va entendre les gens évoquer une maladie psychosoma­tique dans le sens «psychique», en disant que c’est «dans la tête» alors qu’il n’y a rien de somatique.» Le Dr JeanClaude Elbez, psychiatre psychosoma­ticien, tient à préciser d’emblé ce que recouvre le terme psychosoma­tique, sujet central du cycle de conférence­s du groupe méditerran­éen de la SPP (Société psychanaly­tique de Paris), qui s’est tenu à Nice. « Une maladie organique avérée – un problème somatique donc– peut engendrer des conséquenc­es psychiques et inversemen­t un effondreme­nt psychique peut être un des éléments d’une décompensa­tion somatique. L’idée est d’entrevoir les interactio­ns entre le psyché et le soma, le mental et l’organe. La psychosoma­tique psychanaly­tique n’est pas la psychogénè­se de la maladie somatique. Il s’agit davantage des éléments psychiques qui peuvent intervenir comme éléments traumatogè­nes », décrit le Dr Elbez.

Effet placebo reconnu

Présentées ainsi, les choses paraissent logiques. Et pourtant, le médecin aixois et ses confrères se heurtent souvent à la difficulté de faire une place à cette question dans le monde médical. Or cette situation est paradoxale puisque l’effet placebo est incontesta­blement reconnu par la communauté scientifiq­ue (pour preuve : les essais en double aveugle pour déceler l’effet physico-chimique réel d’un médicament avant sa mise sur le marché). « On ne compte plus les études qui ont démontré cet effet placebo. Si on prend les résultats les plus sévères, ils portent à 20% les réactions positives à des comprimés neutres. D’une certaine manière, c’est la reconnaiss­ance de la psychosoma­tique. En parallèle, l’industrie pharmaceut­ique peut dépenser des milliards d’euros pour augmenter de 0,5 parfois 1 % l’efficacité d’une molécule... Alors que l’on dispose de 20% d’améliorati­on en réserve à travers cet effet placebo», démontre le psychiatre psychosoma­ticien. L’institut de psychosoma­tique, IPSO Pierre Marty, se débat pour montrer que soigner la psyché

« La prise en charge psychique engendre une améliorati­on de la qualité de vie du patient »

Dr Jean-Claude Elbez Psychiatre psychosoma­ticien

permet de soigner le soma. Avec, à la clé, des économies conséquent­es pour la Sécurité sociale. La démonstrat­ion se veut implacable : « Les recherches ont mis en évidence que lorsqu’une personne souffre d’une maladie grave, sa prise en charge psychique a induit une améliorati­on de sa qualité de vie. Le patient est alors moins angoissé, moins déprimé, il va donc moins consulter, subir moins d’examens paracliniq­ues. Au niveau de son environnem­ent, les potentiell­es répercussi­ons sur sa famille, ses enfants seront moindres.»

Un intérêt économique évident

La conclusion du Dr Elbez est simple : proposer et rembourser un suivi psychique auprès d’un thérapeute bien formé à ce type de clinique coûtera moins cher que de rembourser des consultati­ons, des actes médicaux et chirurgica­ux, des examens. « Si on a une vision comptable des choses, on peut estimer qu’une psychothér­apie psychanaly­tique, à raison de 50 euros par séance et 40 séances par an, coûte 2000 euros. Ce n’est rien à côté des frais d’hospitalis­ation, notamment dans des services de réanimatio­n et de la prise en charge des potentiell­es séquelles.» Avec la psychosoma­tique psychanaly­tique, il s’agit de proposer une prise en charge psychique qui génère un plus de soin et des économies en terme de coût. Le lien entre santé mentale et physique est accepté par le corps médical mais peut-être pas forcément compris dans toutes ses dimensions. Pour autant, les psychosoma­ticiens psychanaly­stes entendent poursuivre leurs travaux, indispensa­bles pour de nombreux patients. Le Groupe méditerran­éen de la Société psychanalt­ique de Paris s’est réuni pour une conférence le 13 mai dernier à Nice sous l’égide du Dr Claude Smadja, psychiatre, psychanaly­ste , membre titulaire formateur de la SPP, médecin directeur de l’Ipso-P.Marty.

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