Var-Matin (La Seyne / Sanary)

AGNÈS VARDA, JR ET - M - Le hasard est leur meilleur assistant

C’est un grand bol d’air. Les pérégrinat­ions d’Agnès Varda et JR dans une France rurale dont ils révèlent la beauté font de Visages Villages un film fort et tendre à la fois. Trente-cinq ans après Mur, murs dans la jungle urbaine de Los Angeles, et avec l

- par FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr @francklecl­erc06

A gnès Varda fêtera ses 89 printemps à la fin de ce mois. JR n’était pas né quand la papesse de la Nouvelle Vague présentait Mur, murs au Festival de Cannes. C’était en 1981, son film érigeait les «murals» de LA au rang d’oeuvres d’art. Prémisses d’une culture urbaine dont le jeune homme est aujourd’hui un symbole. Représenté par la galerie Emmanuel Perrotin, il multiplie les installati­ons au Centre Pompidou, au Panthéon ou au Louvre. De leur rencontre est né un film étonnant, foutraque, touchant. Souvent drôle et merveilleu­sement réconforta­nt. Là où Raymond Depardon et Claudine Nougaret arpentaien­t les sous-préfecture­s pour un Journal de France en camping-car, Varda et JR font route à bord d’un fourgon-photomaton pour saisir la beauté des sites et des êtres. Autre différence, celle-ci plus notable: leur procédé consiste à coller sur les façades le portrait géant des occupants. Une façon de « réhabiter » des lieux en voie d’abandon: au nord un coron, au sud un hameau fantôme, ailleurs la ferme d’un éleveur solitaire.

« Le hasard est mon meilleur assistant », résume joliment Agnès Varda. Ce hasard, le film lui rend un hommage. Pas question de dévoiler la dernière étape de Visages Villages, clin d’oeil

bouleversa­nt au long voyage dont la cinéaste continue d’assembler tous les plans. Elle le laisse entendre : «Quand nous avons pris le dernier train, on ne savait pas où on allait ». C’est une charmante façon de rappeler que rien n’est

écrit. Surtout pas la fin. « Même pas le début »,

avoue JR qui va plus loin : «On s’est carrément permis de confier tout le film au hasard. Après avoir ouvert une cagnotte sur Internet, des donateurs nous ont demandé le scénario. On était incapables de leur donner quoi que ce soit. Tout s’est vraiment fait en temps réel ». Les plus réfractair­es devraient succomber à la densité troublante de ses collages photograph­iques. Un sentiment prédomine, celui d’une grande bienveilla­nce à l’égard des anonymes dont JR capte l’image. « C’est la moindre des

choses », estime Agnès Varda qui a décidément un sens aigu de la formule: «Une journée de partage, c’est parfois un acquis formidable».

Quand elle était petite, on lui serinait que la curiosité est un vilain défaut. «J’ai vite appris que, bien au contraire, la curiosité est la base de l’intérêt que l’on porte aux autres », corrige la réalisatri­ce. Les oubliés ont toujours eu sa faveur.

«J’ai filmé des routards, des glaneurs... Jamais les bourgeois et les nantis. » Matthieu Chedid (- M -), lui aussi, aime chez les humbles « les signes intérieurs de richesse». Le compositeu­r signe pour Visages Villages une musique nomade et subtile. «Je ne pouvais pas arriver avec un truc pompier qui aurait tout écrasé. J’ai avancé à tâtons. Le moindre faux pas aurait été impardonna­ble. » « JR avec son chapeau et ses lunettes, Matthieu avec son drôle d’accoutreme­nt et moi avec mes cheveux de deux couleurs, on fait les malins, mais tout cela cache un travail que nous faisons sérieuseme­nt », conclut Agnès Varda. Un dénominate­ur commun : « Témoigner du respect pour les gens. Agrandir les visages, ça veut dire qu’ils sont beaux et qu’ils méritent d’être montrés. Par l’image, par le son, par le montage, nous exprimons le plaisir que nous avions eu à les rencontrer. Tous différents, chacun unique. »

« UNE JOURNÉE DE PARTAGE, C’EST PARFOIS UN ACQUIS FORMIDABLE »

- M - EN CONCERT DEMAIN (DIMANCHE) À PARTIR DE 21 H 30, PLAGE MACÉ. ACCÈS LIBRE.

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d’âge ? « On va au concert ensemble, on dîne tard et on se fait même du FaceTime à 1 h du matin ! », rit JR.
Une différence d’âge ? « On va au concert ensemble, on dîne tard et on se fait même du FaceTime à 1 h du matin ! », rit JR.

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