La parole des exclus libérée sur la scène de Châteauvallon, à Ollioules
Cette année, la Scène nationale de Châteauvallon met, entre autres, en avant les oubliés. Avec des seuls en scène, des pièces, de la musique, les malheureux au coeur blessé, tous les amoureux délaissés, les paumés de la société ; bref, ceux que l’on ne connaît jamais, ont les lumières de l’amphithéâtre braquées sur eux. Zoom sur trois spectacles.
La dame de mauvais genre
Elle n’est plus toute jeune et elle ne s’en cache pas. À 72 ans, la « vieille pute » (c’est elle qui le dit) et heureuse de l’être, travaille toujours à Marseille. Elle, c’est Aglaé. Elle existe vraiment, sous un autre nom. Elle a raconté sa vie et son travail à Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame. Soixante ans de prostitution, des mots aussi durs que la vie, une gouaille insensée, et un discours à rebours de ceux, presque toujours victimaires ou moralisants, que l’on entend sur son métier. Alors Jean-Michel Rabeux a décidé de faire de sa parole un spectacle. Un seul en scène cousu surmesure pour Claude Degliame, sa
muse et sa compagne depuis quarante
ans. En nuisette de soie noire et dentelle, bas noirs, lunettes noires, Claude Degliame s’avance au milieu des spectateurs assis sur des tabourets, comme dans un bar ou une boîte de nuit et raconte, sans filtre, les dures nuits d’hiver, les prix que l’on discute dans les courants d’air, son rapport à l’amour, à l’argent, aux flics, aux macs et à son fils. Aglaé, de Jean-Michel Rabeux. Mardi 14 novembre, à 20 h 30 et mercredi 15 novembre à 19h30. Tarifs : de 13 à 27 €
Le mauvais homme
Une chaise, une ampoule qui pend au bout d’un fil et un homme seul qui met en lumière la question de l’exclusion dans un monologue poignant, aussi candide que brutal. La voix douce, fragile et un peu maniérée raconte le quotidien d’un acteur de peep-show. Une personne se tripote, s’exhibe, se dénude derrière une vitre, dans une espèce d’impudeur désespérée, pour le plaisir des yeux d’un spectateur. D’apparence, il peut à la fois être les amours blessées, la jeunesse envolée, les désirs secrets et les haines étouffées. Il est le sexe démystifié. Il est cet individu qui cherche sa place dans un monde où il se sent étranger. La pièce a des accents de confession. Interprète de son propre texte, Paul Van Mulder choisit le ton de la confidence, bouleversante et parfois crue, pour redonner leur dignité à tous les écorchés de notre société. La solitude d’un acteur de peep-show avant son entrée en scène, de Paul Van Mulder. Mardi 10 et mercredi 11 octobre, à 19 heures. Tarifs : de 8 à 10 €
Une autre vision du bagne
Penser la détention, la donner à entendre. Mieux, la donner à ressentir au travers de témoignages. Ceux de prisonniers enfermés quinze, vingt, trente ans ou plus. Comment un individu, même coupable, y vit, y survit. Face à luimême, à l’incompréhension des proches, face au grand vide des quartiers de haute sécurité. Pour comprendre ce monde dont on parle souvent, qui intrigue, mais que l’on ne connaît vraiment que si on y a vécu, Didier Ruiz a donné la parole à quatre détenus et à la compagne de l’un d’eux. Louis Perego, 66 ans, dont 18 de prison. Debout, les bras le long du corps, l’homme trapu libère sa parole. Il est l’un des quatre interprètes choisis par Didier Ruiz. Aucun pathos. Juste des témoignages. Un récit sobre structuré par thèmes. L’enfance, la famille, l’amour, l’affection envers la famille proche. Et ce qu’il en reste après le passage d’un temps que la détention dilate. Une longue peine, de Didier Ruiz. Mardi 17 octobre, à 20 h 30. Tarifs : 27 €, réduit de 13 € à 18 €.