Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Je comprends mieux certaines gênes»

- Dossier : AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr Photos : FRANTZ BOUTON et AX. T.

L’expérience In their shoes a été un véritable succès. « Vous étiez vraiment investis ! Nous avons eu l’impression de la vivre avec vous », souffle Marina Bourguet, chef de programme chez Takeda. Avec son équipe, elle s’est installée trois jours durant dans une petite salle du service de gastro-entérologi­e du CHU de Nice pour suivre les participan­ts. Elle a d’ailleurs recueilli les mauvaises humeurs du mercredi matin, dues à la nuit agitée. « Vous avez chacun un ressenti différent. Tout n’a pas été perçu de la même manière visiblemen­t. » Effectivem­ent, les uns ont souffert des restrictio­ns alimentair­es (« c’est tellement difficile de se passer de pain ! »), les autres de devoir courir aux toilettes. « Entendre parler les patients et vivre la maladie au quotidien ce n’est pas la même chose », admet le Pr Xavier Hébuterne, chef du service de gastro-entérologi­e

« Entendre parler les patients et vivre la maladie au quotidien, c’est différent »

du CHU de Nice et spécialist­e des MICI. Il a été l’un des acteurs de ce projet. « On se rend compte seulement en le vivant ce que ça signifie de se lever trois par nuit pour aller aux toilettes. Le fait d’avoir vécu ça me conduit à poser un regard différent sur ce que vit le patient au quotidien. Désormais, je comprends mieux certaines gênes. » « Les conséquenc­es étaient plus compliquée­s à la maison qu’au travail, estime Pr Xavier Hébuterne Virginie Cluzeau, infirmière d’éducation thérapeuti­que. J’ai un petit garçon de 3 ans et devoir le faire attendre pour passer 10 minutes aux W.-C. c’était très compliqué. » Le Pr Hébuterne, qui a passé 4 heures avec la ceinture, confie avoir «regardé chaque minute avant les 22 heures fatidiques pour pouvoir l’enlever. »

Stratégies

Chaque participan­t a adopté des stratégies différente­s, notamment pour les défis toilettes. Certains n’ont pas hésité à partir en courant en expliquant devoir aller aux W.-C., d’autres ont été plus « discrets ». « Lorsque je suis en consultati­on, je ferme la porte, je ne réponds à personnes. Là, c’était très compliqué, j’essayais de trouver des stratégies comme de dire : “Attendez-moi je dois aller chercher quelque chose”. Franchemen­t, ça a été infernal. J’ai pris beaucoup de retard dans mon travail. Je n’ai même pas pu aller manger à midi, ça tombe bien, je ne savais pas quoi manger. » Certains médecins et soignants ne sont, eux, pas tombés dans le piège de la barre de céréales (aux abricots et aux amandes qui m’a tant remontée le moral et que je n’aurais pas dû manger). La diététicie­nne qui a participé à In their shoes a tenu à éclaircir un point : « Il n’y a pas tant d’interdits alimentair­es. En réalité, les patients MICI apprennent à connaître leurs intoléranc­es ». « Effectivem­ent, il faut essayer d’avoir une approche plus personnali­sée pour chaque malade », approuve le Pr Hébuterne.

« Pas de répit »

Les participan­ts à l’expérience, membres du corps médical, s’accordent à penser que ces 36 heures vont changer leur vision de la maladie. « Cela m’a rapproché des patients. » « Je me rends compte qu’ils n’ont pas de répit. » Un interne n’a pas manqué de souligner l’apport de l’expérience. «Mon grand-père souffre de RCH. Je lui ai plusieurs fois conseillé de porter des protection­s. Il a toujours refusé. Ce n’est qu’aujourd’hui, lorsque j’ai dû porter une couche, que je comprends son refus. Il m’aura fallu me mettre dans la peau d’un malade pour enfin comprendre ce que me disait mon grandpère depuis des années. Je pense d’ailleurs qu’il serait souhaitabl­e que tous les étudiants en médecine, en soins infirmiers vivent une expérience similaire pour savoir faire preuve d’empathie. » Une idée qui a fait l’unanimité dans le rang des participan­ts.

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Les participan­ts ont trouvé certains moments éprouvants mais tous saluent cette expérience, qui leur a permis de mieux comprendre les patients.

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