«Je comprends mieux certaines gênes»
L’expérience In their shoes a été un véritable succès. « Vous étiez vraiment investis ! Nous avons eu l’impression de la vivre avec vous », souffle Marina Bourguet, chef de programme chez Takeda. Avec son équipe, elle s’est installée trois jours durant dans une petite salle du service de gastro-entérologie du CHU de Nice pour suivre les participants. Elle a d’ailleurs recueilli les mauvaises humeurs du mercredi matin, dues à la nuit agitée. « Vous avez chacun un ressenti différent. Tout n’a pas été perçu de la même manière visiblement. » Effectivement, les uns ont souffert des restrictions alimentaires (« c’est tellement difficile de se passer de pain ! »), les autres de devoir courir aux toilettes. « Entendre parler les patients et vivre la maladie au quotidien ce n’est pas la même chose », admet le Pr Xavier Hébuterne, chef du service de gastro-entérologie
« Entendre parler les patients et vivre la maladie au quotidien, c’est différent »
du CHU de Nice et spécialiste des MICI. Il a été l’un des acteurs de ce projet. « On se rend compte seulement en le vivant ce que ça signifie de se lever trois par nuit pour aller aux toilettes. Le fait d’avoir vécu ça me conduit à poser un regard différent sur ce que vit le patient au quotidien. Désormais, je comprends mieux certaines gênes. » « Les conséquences étaient plus compliquées à la maison qu’au travail, estime Pr Xavier Hébuterne Virginie Cluzeau, infirmière d’éducation thérapeutique. J’ai un petit garçon de 3 ans et devoir le faire attendre pour passer 10 minutes aux W.-C. c’était très compliqué. » Le Pr Hébuterne, qui a passé 4 heures avec la ceinture, confie avoir «regardé chaque minute avant les 22 heures fatidiques pour pouvoir l’enlever. »
Stratégies
Chaque participant a adopté des stratégies différentes, notamment pour les défis toilettes. Certains n’ont pas hésité à partir en courant en expliquant devoir aller aux W.-C., d’autres ont été plus « discrets ». « Lorsque je suis en consultation, je ferme la porte, je ne réponds à personnes. Là, c’était très compliqué, j’essayais de trouver des stratégies comme de dire : “Attendez-moi je dois aller chercher quelque chose”. Franchement, ça a été infernal. J’ai pris beaucoup de retard dans mon travail. Je n’ai même pas pu aller manger à midi, ça tombe bien, je ne savais pas quoi manger. » Certains médecins et soignants ne sont, eux, pas tombés dans le piège de la barre de céréales (aux abricots et aux amandes qui m’a tant remontée le moral et que je n’aurais pas dû manger). La diététicienne qui a participé à In their shoes a tenu à éclaircir un point : « Il n’y a pas tant d’interdits alimentaires. En réalité, les patients MICI apprennent à connaître leurs intolérances ». « Effectivement, il faut essayer d’avoir une approche plus personnalisée pour chaque malade », approuve le Pr Hébuterne.
« Pas de répit »
Les participants à l’expérience, membres du corps médical, s’accordent à penser que ces 36 heures vont changer leur vision de la maladie. « Cela m’a rapproché des patients. » « Je me rends compte qu’ils n’ont pas de répit. » Un interne n’a pas manqué de souligner l’apport de l’expérience. «Mon grand-père souffre de RCH. Je lui ai plusieurs fois conseillé de porter des protections. Il a toujours refusé. Ce n’est qu’aujourd’hui, lorsque j’ai dû porter une couche, que je comprends son refus. Il m’aura fallu me mettre dans la peau d’un malade pour enfin comprendre ce que me disait mon grandpère depuis des années. Je pense d’ailleurs qu’il serait souhaitable que tous les étudiants en médecine, en soins infirmiers vivent une expérience similaire pour savoir faire preuve d’empathie. » Une idée qui a fait l’unanimité dans le rang des participants.