Voile Magazine

Astus 20.5

Prendre le temps d’une vraie balade pour découvrir le nouvel Astus 20.5 entre océan et rivière, c’est le luxe que nous nous sommes offert à la faveur des beaux jours. Ça ne veut pas dire qu’il faisait beau.

- Texte : François-Xavier de Crécy. Photos : François Van Malleghem et l’auteur.

C’EST QUAND RIEN

ne se passe comme prévu qu’on peut commencer à naviguer à l’instinct en conjuguant rigueur et souplesse, sécurité et joyeuse improvisat­ion ! Or des imprévus, on en a eu. Notamment du côté de la météo. On voulait vous offrir l’Astus 20.5 au planing, traversant la baie de Quiberon sous un ciel bleu constellé de petits cumulus dodus, puis entrant en rivière de Penerf et mouillant près des parcs à huîtres, avec le château de Suscinio en toile de fond, dans la lumière rasante d’une de ces longues journées de la fin du mois de mai qui annoncent la belle saison. On avait tout prévu, la crème, le Lycra, les lunettes de soleil et même la logistique de l’escale du côté de Damgan...

UNE METEO PAS FACILE !

Oui mais voilà, la météo n’y était pas. Même en décalant notre projet pour tomber sur la journée annoncée comme la plus belle de la semaine, nous nous sommes heurtés à des vents incertains, mous et globalemen­t défavorabl­es, à une bruine obstinée, à un ciel plombé. Pas question pour autant de se laisser abattre : on s’adapte ! D’abord en allant moins loin de Carnac, la base de notre Astus hébergé et proposé à la location par Nautic Sport. Ensuite en visant une rivière aux charmes non solubles dans l’eau de pluie, ou si peu : celle du Bono, qui a par ailleurs le mérite de proposer un objectif clair et ô combien pittoresqu­e, le port éponyme, juste en aval du fameux pont suspendu – l’un des plus anciens de France (1840 !). Météo estivale ou pas, il n’était pas question de renoncer à la découverte de ce nouvel Astus qui titillait notre curiosité. Pourquoi ? Parce qu’après le 16 pieds lancé il y a deux ans, ce 20.5 incarne le renouveau de la marque bretonne relancée par une signature fameuse, celle du cabinet VPLP. Nouvelle signature et nouveau look qui ne laisse personne indifféren­t, ni sur le plan d’eau ni au port. Avec ses étraves inversées à pan coupé façon Ultime, ses flotteurs longs et volumineux et ses formes arrière tendues, il ne manque pas de gueule à son mouillage de Port An-Dro, à Carnac, où nous embarquons tant bien que mal dans le méchant petit clapot levé par ce vent de sud-ouest. Gréer l’Astus 20.5 qui danse au mouillage est une façon comme une autre de s’amariner. Heureuseme­nt pour nous, tout est simple et rapidement mis en oeuvre. Pas la peine de muler sur la drisse de GV pour l’étarquer, il suffit de l’envoyer en tête et de la mettre en tension grâce à un astucieux cunningham formant palan. Le foc est à poste, enroulé. Quant au gennaker, nous profitons du semi-rigide de Nautic Sport pour l’amurer sur le bout-dehors : il sera lui aussi prêt à être déroulé. Dix minutes plus tard, nous larguons notre bouée et partons au près vers Méaban, l’îlot qui garde l’entrée du Golfe. Une fois le bateau lancé et appuyé sur le vent, tout est plus facile et confortabl­e. En serrant un peu le vent, nous aurons un bord direct non sur la sud Méaban, mais au moins sur l’ouest dite Grand Buisson. C’est suffisant, on coupera ensuite en faisant l’intérieur de Méaban, droit sur l’entrée du Golfe. Déconseill­é aux grands tirants d’eau, mais parfaiteme­nt possible avec notre dériveur calant 1,10 m, et moins si nécessaire... En attendant, je m’applique à la barre pour atteindre l’objectif. La barre proprement dite, contrainte par la présence du bras arrière sur lequel est monté le rail de grand-voile, est très courte. Mais le stick me permet de m’avancer autant que nécessaire pour ne pas trop appuyer le cul du bateau dans l’eau. Soigner l’assiette est essentiel sur ces petits bateaux ! J’ai en main l’écoute et la drosse de barre d’écoute, c’est surtout cette dernière que j’utilise en fonction des sensations de barre. Si elle devient trop ferme, j’en descends quelques centimètre­s, si elle mollit, j’en reprends un peu. Quand elle est bien réglée, la barre devient neutre et c’est là que le bateau marche le mieux. Une fois débordés les dangereux bancs de roches des Buissons, nous pouvons laisser porter un peu, passer

un haut-fond délicat, puis abattre plus franchemen­t et dérouler enfin le gennaker. Là, la barre commence vraiment à parler, les étraves à siffler : c’est pour ces accélérati­ons-là qu’on embarque sur un trimaran ! La tourelle rouge de l’entrée du Golfe approche à toute vitesse, le courant jouant aussi son rôle, nous fracassons sans peine et sans coups de frein les courtes vagues formées par le courant dans le goulet.

GENNAKER EN CISEAUX ET CHANTS D’OISEAUX

C’est tonique ! Puis, par l’un de ces sortilèges dont le golfe du Morbihan a le secret, tout se calme dès que nous mettons le cap sur la rivière d’Auray. Parce que nous trouvons là de l’eau plate, mais aussi parce que nous nous sommes mis le vent dans le dos, tellement dans le dos d’ailleurs que c’est avec un gennaker en ciseaux que nous remontons la rivière dans un clapotis apaisant assorti d’un concert de chants d’oiseau. Idyllique ! Et la carte postale est complète quand se profilent sur la droite les vénérables quais de granit du Bono. Cette maçonnerie, un peu imposante pour les quelques bateaux qui s’amarrent ici, nous ramènent au passé du Bono qui fut un important port de pêche.

Notre-Dame de Bequerel, le bateau de travail mouillé dans la rivière, évoque ces temps révolus, ceux des forbans du Bono et de leurs proches cousins les sinagots rattachés, comme leur nom l’indique, au port de Séné. Amarrés à l’intérieur du petit bassin, nous laissons s’achever la marée en espérant une éclaircie. Pas de chance, c’est une nouvelle averse qui se pointe et nous incite à nous réfugier sous le petit rouf de notre Astus. On peut s’y asseoir à deux ou trois sans être gênés par le puits de dérive, astucieuse­ment décalé sur bâbord. Il y a de la place sous le fond de cockpit pour ranger une annexe digne de ce nom, et sous les hiloires pour caser une petite glacière, un réchaud, ou tout simplement le bloc-cuisine prévu par le chantier (option à 280 €). Pour dormir, on ajoute un panneau matelassé entre les bancs afin de former une vraie couchette double. Pour être très francs, nous n’avons pas dormi à bord, pour n’avoir pas pu résister à la propositio­n qui nous fut faite de passer la nuit au sec... Nous nous sommes contentés d’un test en conditions réelles mais pouvons affirmer qu’on peut bel et bien dormir à deux à bord. A condition de bien se connaître. Entrer dans le petit port du Bono aurait aussi pu être l’occasion de nous essayer au repliage des bras : c’est ce que nous avons fait un peu plus tard. A cette occasion, il nous a fallu reconnaîtr­e que ce système de bras télescopiq­ues (voir encadré) n’était pas réellement adapté au repliage à flot. Les flotteurs ont pris pas mal de volume et sans doute un peu de poids depuis les premières génération­s d’Astus, et la cinématiqu­e de ces tubes aluminium formant les bras est restée la même. Les replier à flot demande de conserver le flotteur parfaiteme­nt parallèle à la coque, et ni trop appuyé sur l’eau ni trop suspendu. En fait, dès qu’il y a une asymétrie ou une tension dans la plateforme, ça bloque. Il faut donc, au minimum, une certaine pratique. En fait, la plupart des propriétai­res ne replient qu’à terre, une fois le

bateau calé sur sa remorque : beaucoup plus facile. Ce qui a incité le chantier à conserver ce système qui a l’avantage d’être très simple et peu contraigna­nt pour la structure du bateau, donc plus facile à construire et plus économique. Mais il faut bien reconnaîtr­e que le système du concurrent Tricat (emprunté au Danois Dragonfly...) est sans doute plus pratique à flot. Il autorise en outre les raidisseur­s, entre les flotteurs et la coque centrale, synonymes de plateforme plus raide et plus performant­e... Il y a là deux approches et presque deux philosophi­es. Au final, ces bras-tubes autoportés n’empêchent pas l’Astus, servi par de belles carènes, d’offrir des pointes de vitesse ébouriffan­tes. Il sera juste moins nerveux, un peu moins réactif dans les rafales. N’empêche, nous ne boudons pas notre plaisir le lendemain en rentrant à Carnac sous gennaker. Pour déborder les dangers de Méaban, cette fois-ci il nous a d’abord fallu tirer quelques bords dans un vent assez mou... L’occasion de vérifier qu’un trimaran comme notre Astus n’a pas grand-chose à envier à un monocoque au près, même si ces petits airs ne lui facilitent pas la tâche. Dans environ 7 noeuds de vent, nous avançons à 4,5 noeuds à 50° du vent réel : honnête, mais on pourrait mieux faire dans un vent plus consistant. Et au fond qu’importe ? On est surtout là pour se faire plaisir, goûter à l’ivresse des vitesses à deux chiffres quand les conditions s’y prêtent et glisser nos étraves partout où les « gros » ne peuvent pas aller. Et pour ce genre de programme, pas de problème, le nouvel Astus est assurément au top !

 ??  ?? Les joies de la balade en rivière du côté du Bono... Avec de belles accélérati­ons à la clé.
Les joies de la balade en rivière du côté du Bono... Avec de belles accélérati­ons à la clé.
 ??  ?? Rencontre du troisième type entre notre Astus et un célèbre forban du Bono baptisé Notre-Dame de Bequerel. Près d’un siècle sépare leurs reflets fondus par la rivière.
Rencontre du troisième type entre notre Astus et un célèbre forban du Bono baptisé Notre-Dame de Bequerel. Près d’un siècle sépare leurs reflets fondus par la rivière.
 ??  ?? Le renouveau de la gamme Astus passe par le look ravageur des nouveaux plans VPLP, celui du 20.5 bien sûr, mais aussi celui de son petit frère l’Astus 16.5.
Le renouveau de la gamme Astus passe par le look ravageur des nouveaux plans VPLP, celui du 20.5 bien sûr, mais aussi celui de son petit frère l’Astus 16.5.
 ??  ?? Baie, golfe, rivière... l’Astus sait tout faire !
Baie, golfe, rivière... l’Astus sait tout faire !
 ??  ?? Le panneau amovible en forme de U permet de compléter la couchette pour accueillir facilement un couple. Notez le petit panneau ouvrant pour l’aération (en option).
Le panneau amovible en forme de U permet de compléter la couchette pour accueillir facilement un couple. Notez le petit panneau ouvrant pour l’aération (en option).
 ??  ?? On n’est pas bien, là ? L’avantage des petits bateaux, c’est qu’ils se glissent partout sans hésitation.
On n’est pas bien, là ? L’avantage des petits bateaux, c’est qu’ils se glissent partout sans hésitation.
 ??  ?? Les voiles en ciseaux, histoire de ne pas se couper les ailes au vent arrière !
Les voiles en ciseaux, histoire de ne pas se couper les ailes au vent arrière !

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