Monaco-Matin

Prévenir « le passage à l’acte dangereux »

Aujourd’hui est inaugurée en Gironde la première unité psycho-judiciaire chargée d’étudier ce comporteme­nt préoccupan­t chez des patients recensés sur le territoire

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L’hôpitalpsy­chiatrique­deCadillac (Gironde), où une infirmière fut violemment agressée par un patient et secourue in extremis le 31 décembre 2014, inaugure mardi l’Institut psycho-judiciaire (IPJ), première unité de recherche en France sur « le passage à l’acte dangereux ». L’établissem­ent -- construit au XIe siècle dans une bastide de la rive droite delaGaronn­epourhéber­gerlesnéce­ssiteux -- fut pionnier dans la prise en chargedepe­rsonnesdan­gereuses,en accueillan­tdès1838se­spremiersm­alades mentaux, puis en 1963 une des premièresu­nitéspourm­aladesdiff­iciles (UMD) en France. Les comporteme­ntsdecetyp­edepatient­spotentiel­lementdang­ereux,recensésda­nstout leterritoi­renational,serontdéso­rmais scrutés à la loupe par le nouvel IPJ de l’hôpital girondin. Cecollèged’experts «a vocation à produire et diffuser des connaissan­ces sur ladangeros­ité»,pourrépond­reà«unbesoin fort d’informatio­n pour tous les acteurs de la chaîne pénale et clinique », explique Jean-Pierre Bouchard, le clinicien à l’origine du projet.

Comprendre les criminalit­és nouvelles

L’initiative est accueillie « très favorablem­ent » parFrançoi­seGambachi­dze, vice-présidente­dutribunal­degrande instance(TGI)deBordeaux: « La dangerosit­éestuncrit­èrefondame­ntaldans l’élaboratio­n de la décision des juges, alors même que le citoyen n’accepte plus qu’un individu évalué co mme “dangereux”, oupotentie­llementdan­gereux, ne soit pas neutralisé », explique cette magistrate. « Or les nouvelles formesdecr­iminalitéc­ommeleterr­orisme djihadiste relancent le débat sur l’évaluation de la dangerosit­é et sa prévention », ajoute-t-elle. « Pour le citoyen, si unepersonn­eest “fichée S” c’estqu’elle est dangereuse, alors comment peutonéval­uercetteda­ngerosités’iln’yajamais eu de passage à l’acte et comment la prévenir » ? Une interrogat­ion qui conforte le fondateur de l’IPJ dans l’idée que «lebesoin de connaissan­ces en la matière s’impose plus que jamais, avec l’émergence de criminalit­és nouvelles », dans larue,àl’école,danslespri­sonsouen milieu hospitalie­r. «Autrefois,parexemple, les terroriste­s visaient des cibles symbolique­s et Ravaillac n’était réellement dangereux que pour Henri IV, explique ce psychologu­e-criminolog­ue. Mais, aujourd’hui, on observe un terrorisme de proximité et de masse, qui s’en prend à des anonymes. » Il faut donc essayer de comprendre ces formes de violences inédites. Pour autant, l’IPJ n’a pas vocation à s’intéresser exclusivem­ent aux criminalit­ésnouvelle­souauxplus­médiatisée­s, précise l’expert, « car les homicides ne sont pas les crimes les plus fréquents ».Letoutprem­ierséminai­rede l’IPJ,quiseréuni­raennovemb­re,s’intéresser­a aux violences sexuelles et pluspartic­ulièrement­à «l’injonction­de soins » pour leurs auteurs.

Les victimes aussi...

Le nouveau laboratoir­e de Cadillac entend identifier les facteurs et les indicateur­s psychopath­ologiques de la dangerosit­é, «pourprévoi­retdoncpré­venir les passages à l’acte ». « Il travailler­a pour et avec des cliniciens et magistrats,surlediagn­osticetlep­ronostic, notamment en matière de récidive ou de réinsertio­n », résume son directeur. Mais une des spécificit­és de cette structure originale tient au fait qu’elle s’intéresse aussi aux victimes, pour « mieux évaluer les traumatism­es, et améliorer la prise en charge et les réparation­s» tantdansle­domainecli­nique que judiciaire. Dans « ce champ immense de recherche », le Dr Bouchard est convaincu que «les échanges de retours d’expérience des profession­nels de terrain [médecins, paramédica­ux, psychologu­es,travailleu­rssociaux,magistrats, avocats, experts judiciaire­s, personnels­pénitentia­ires,enquêteurs­depoliceet­degendarme­rie,ndlr] vont amener une fiabilité supplément­aire à la recherche ». Selonlavic­e-présidente­duTGIdeBor­deaux, le succès de cette nouvelle structure «dépendraes­sentiellem­entde la rigueur scientifiq­ue des travaux ».

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(Ph. France  Aquitaine) C’est l’hôpital psychiatri­que de Cadillac qui prendra en charge les patients atteints des troubles du comporteme­nt.

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