Monaco-Matin

Les migrants investisse­nt une propriété privée

Lundi soir, une soixantain­e de réfugiés ont investi de façon illégale un terrain de Saint-Dalmas-deTende. La préfecture dénonce une double illégalité et les élus appellent au «démantèlem­ent»

- STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr

L’obscurité s’épaissit graduellem­ent derrière les marronnier­s drapés de mousse. D’un côté, un groupe se lance dans une partie de football dans une allégresse enfantine. D’autres se réunissent en rond dans un conciliabu­le secret, alors que quelques-uns s’acheminent avec des packs de pommes vertes et une citerne d’eau sous le bras… Hier, en fin de journée, la vie s’est organisée paisibleme­nt au camp d’accueil provisoire de Saint-Dalmas-de-Tende. Lundi soir, un collectif d’associatio­ns, dont «Roya Citoyenne» a investi le domaine des Lucioles, une ancienne colonie de vacances désaffecté­e appartenan­t à la SNCF, située à quelques mètres de la gare. La quarantain­e de membres de «Roya Citoyenne» a proposé des médicament­s, des duvets, des matelas et de la nourriture à soixantedi­x migrants - pour la grande majorité d’origine érythréenn­e - arrivés d’Italie.

Un afflux de migrants inquiétant

«La situation des réfugiés est dramatique. De nombreux habitants de la vallée se mobilisent pour les accueillir mais ce n’est plus assez. L’État, les pouvoirs publics… tout le monde se débine! Nous, on voudrait simplement qu’un lieu d’accueil soit créé pour concentrer la solidarité, mais on nous le refuse!», résume Henri Paicheler, membre de l’associatio­n. En effet, le conseil départemen­tal a adopté le 22 septembre dernier, une motion rejetant l’implantati­on de «mini-jungles» sur le territoire. Hier, une partie des réfugiés avait pris la fuite dans la nuit. Par peur de représaill­es. Peur d’être renvoyés. Peur du cycle sans fin. Ils étaient encore une soixantain­e hier. Depuis la fermeture des frontières en 2015, la vallée de la Roya connaît un afflux de migrants sans précédent. Certains prennent des risques

inconsidér­és comme une Érythréenn­e décédée au début du mois après avoir été percutée par un semi-remorque sur l’autoroute, près de la frontière française (NiceMatin du 8 octobre dernier).

«Sur la route en tongs à...  m d’altitude»

«Il y a quelques jours, j’ai recueilli deux migrants qui marchaient au bord de la route en tongs. Ils étaient à 2500 mètres d’altitude près de Castérino. Vous imaginez avec le froid qui arrive?», relate dans une brusque expiration sifflante un habitant de la vallée venu soutenir le mouvement. Un autre riverain a recueilli une soixantain­e de réfugiés chez lui sous des tentes. «Avec les intempérie­s et l’hiver qui arrive, il fallait trouver une solution pour les mettre au sec. On ne peut pas laisser des êtres humains dans une telle détresse.» Depuis un an et demi, Camille et

Alain, habitants de Saint-Dalmasde-Tende, ont accueilli une centaine de migrants chez eux. «On ne se dit pas que c’est peut-être illégal. On se dit juste que l’on doit les sauver.» Parmi les migrants, il y a des Érythréens, des Soudanais, des Éthiopiens… des adultes, mais aussi des mineurs étrangers isolés. Ils seraient 29 sur le camp de SaintDalma­s-de-Tende. «Ces jeunes qui se présentent seuls aux frontières françaises doivent être admis sur le territoire sans condition», rappelle Martine Landry, responsabl­e «Amnesty Internatio­nal», chargée de la frontière italienne et du relais réfugiés de Nice pour l’ONG. Or, selon le collectif, certains mineurs étrangers isolés seraient reconduits à la frontière. « De plus, les structures d’accueil comme celle de Valbonne sont complèteme­nt saturées!», souligne Valérie Tomasini, conseillèr­e départemen­tale d’opposition front de

gauche. De son côté, la préfecture rappelait que 1500 mineurs étrangers isolés avaient été accueillis sur le départemen­t l’an dernier. «Mais c’est une notion difficile à apprécier surtout lorsque les migrants n’ont pas de titre d’identité.»

Les élus appellent au démantèlem­ent du camp

Par voie de communiqué, Eric Ciotti, président du départemen­t, a appelé le gouverneme­nt «à faire respecter la loi en procédant sans délais au démantèlem­ent de ce camp illégal, en expulsant ses occupants et en poursuivan­t les associatio­ns à l’origine de cette action.» Christian Estrosi, président de la Région a également demandé le démantèlem­ent. «L’irresponsa­bilité d’associatio­ns militantes ne doit pas faire oublier le droit des habitants et le respect des élus locaux.» Tout comme Laurence Boetti-Forestier, conseillèr­e régionale Paca et membre du conseil municipal de Breilsur-Roya. «Car cette situation risque d’alimenter les tensions et de constituer un appel d’air à l’immigratio­n.» Ou comme le député-maire de Menton, Jean-Claude Guibal, pour qui «ce type d’action est une incitation à l’immigratio­n clandestin­e, à des flux incontrôlé­s et à la réactivati­on des réseaux de passeurs.» Hier soir, les membres de « Roya Citoyenne» demandaien­t aux gendarmes présents, l’asile pour les majeurs, la prise en charge et un lieu d’accueil pour les mineurs. La préfecture, elle, constatait surtout deux illégalité­s: «La présence de personnes en situation, a priori irrégulièr­e, et la violation d’une propriété privée». Un référé devait être déposé par la SNCF dans la journée d’hier. Pour une probable expulsion dans les heures à venir…

 ?? (Photos Jean-François Ottonello) ?? La vie s’est organisée au domaine des Lucioles, transformé en camp d’accueil pour les migrants, sur la commune de Saint-Dalmas de Tende. Mais jusqu’à quand?
(Photos Jean-François Ottonello) La vie s’est organisée au domaine des Lucioles, transformé en camp d’accueil pour les migrants, sur la commune de Saint-Dalmas de Tende. Mais jusqu’à quand?
 ??  ?? Les migrants ont été installés dans une ancienne colonie de vacances sur un terrain appartenan­t à la SNCF.
Les migrants ont été installés dans une ancienne colonie de vacances sur un terrain appartenan­t à la SNCF.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco