Je suis sortie de ce sommet transformée”
Dieu ne t’envoie que ce que tu peux affronter. » Cette phrase du Coran est inscrite en lettres arabes sur l’un des poignets d’Éva Barilaro. Tatouage de battante. Le poing fermé. La jeune femme, âgée de 19 ans, se répète cette devise – chaque jour – comme un mantra. « Malgré les épreuves, je sais que ma maladie a fait ma force » , livre la pétillante Monégasque dans un battement de cils gracieux. Son visage poupin est encadré d’un foulard couleur prune qui révèle ses grands yeux bleus. En octobre dernier, l’étudiante en deuxième année de Sciences Po Menton a été le porte-drapeau de Monaco au sommet international « One Young World », organisé à Ottawa. Créé en 2010, l’événement réunit des jeunes trèsbrillants dumondeentier. « Cette expérience m’a changée. Mais, j’ai connu des années éprouvantes », lâche-t-elle dans une brusque expiration sifflante. La jeune fille est atteinte d’alopécie, une maladie de peau auto-immunequi amène la chute des cheveux et des poils. La collégienne entame un traitement très lourdqui l’obligeàvenir très régulièrement à l’hôpital. Pour empêcher les moqueries dans les couloirsdu collège, elle porte une perruque. « Mais ça n’a rien arrangé. On pensait que j’avais le cancer. Un jour un camarade m’a demandé: “Alors tu vas mourir quand?” » Durant trois ans, Eva tente de vivre normalement. Mais toujourscette douleur lancinante au fond du coeur. « Ma vie n’est pas en danger à cause de l’alopécie, alors j’essayais de l’oublier. Puis, j’ai réalisé que cette maladie faisait partie de moi et qu’il fallait que je l’accepte. » Un jour, la lycéenne décide d’arrêter le traitement et de s’affirmer. Entièrement. « Unmatin, je suis venue en cours sans ma perruque et avec un foulard sur la tête. J’ai été libérée mais jeme sentais comme mise à nue. » L’instant solaire s’assombrit pour laisser place à des retournements ombreux. Eva tombe dans la dépression puis l’anorexie. « Lorsque j’ai passé mon bac, je ne pesais plus que 40 kg. » Mais l’étudiante n’est pas la fragile poupée de porcelaine à fleur de peau qu’on imagine. Malgré l’épuisement, elle obtient son bac avec une mention « Très bien ». Lorsqu’elle arrive à Sciences Po Menton, Éva traverse une période de boulimie. « J’avais besoin de sentir que j’avais le contrôle de ma vie. » Puis la renaissance. En Jordanie. « Làbas, un ami m’a parlé d’un sommet international où la questionde lamaladie mentale serait l’un des thèmes abordés. » LaMonégasque postule au « One Young World ». Son parcours exemplairebluffe. C’est tout naturellement qu’elle est choisie pour représenter Monaco qui participepour la toute première fois. Le sommet réunit 1300 jeuneset 186 pays àOttawa. Ils s’engagent ensuiteàprendredes actions concrètes pour changer le monde et redynamiser leur milieu d’origine. La jeune femme a pu échanger avec Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU ou Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006. « J’ai également rencontré l’un des survivants de la tuerie d’Oslo de 2011. J’ai été bouleversée par son courage. » Environnement, droits des humains, paix, sécurité internationale… Tous les sujets d’actualité sont évoqués et notamment la maladie mentale. « Certains témoignages étaient poignants. Je suis sortie de ce sommet transformée avec l’envie d’aider les autres. » Requinquée, Éva désire lapaix comme la soif désire l’eau. La Monégasque projettemaintenant de créer une association qui aiderait toutes les personnes qui se sentent différentes. « Pour que mon témoignage leur montre que les épreuves peuvent nous rendre plus forts et qu’il est très important de rester soimême. » Le combat gravé dans la peau.