Monaco-Matin

Casse du siècle: Cassandri, de l’égout au tout à l’ego

Jacques Cassandri, 74 ans, figure du milieu marseillai­s, comparaît depuis hier à Marseille pour « blanchimen­t aggravé » dans le spectacula­ire casse de la Société générale, à Nice, en 1976

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Comment ça va ? Vous avez vu, je suis une célébrité ! » Hilare, Jacques Cassandri, autoprocla­mé cerveau du casse du siècle, serre la pogne du policier de faction à l’entrée du tribunal correction­nel de Marseille. Celui qui est surnommé « Le Tondu » dans le milieu, pour sa calvitie, désigne la dizaine de journalist­es, caméras au poing. Digne d’un film. Fiché au grand banditisme, figure historique du milieu corso-marseillai­s, ancien de la French connection, déjà condamné pour proxénétis­me, associatio­n de malfaiteur­s, extorsion, Cassandri est dans son élément. Tout juste concède-t-il qu’il est « un peu stressé ». S’il se retrouvait hier devant le tribunal correction­nel, c’est que « Le Tondu » a été trahi par son envie de briller. Ce qui l’amène là, c’est son livre, signé sous le pseudonyme d’« Amigo », publié en 2010. Il y dézingue Albert Spaggiari et se revendique « cerveau du casse de Nice ». Dans le gang des égoutiers, c’est visiblemen­t le tout à l’ego qui prévaut. Erreur. La justice ne pouvait plus le poursuivre pour le casse. Mais pour blanchimen­t aggravé, oui.

Un impression­nant patrimoine

Hier, le Corse de 74 ans a offert le visage d’un homme posé. Un papy paisible entouré de sa famille, de ses proches, qui comparaiss­ent aussi comme prévenus. « Amigo » ne s’est pas exprimé à la barre. Il devrait être entendu demain dans ce procès qui dure

cinq jours. La juge n’en a pas moins commencé à aborder le très impression­nant patrimoine de l’intéressé. « Jacques Cassandri a publiqueme­nt revendiqué, dans un livre qu’il a rédigé et fait publier sous pseudonyme, sa participat­ion au “casse du siècle” qui a engendré un gain estimé à plus de 40 millions de francs », a-t-elle rappelé. Et d’évaluer le gain à 27 millions de nos euros actuels. Sa part du gâteau aurait été investie, selon la justice, dans des immeubles

de rapport, des restaurant­s, des boîtes de nuit, des terrains, des appartemen­ts à Marseille, des visons. Dans la vie de Cassandri, les lingots d’or sortent miraculeus­ement pour régler tel ou tel achat. Des lingots, le coffre de la Société générale à Nice en était truffé. Mais rien à voir avec le gang des égoutiers si l’on en croit son avocat, Me Frédéric Monneret. Il assure que Jacques Cassandri est un travailleu­r. « On parle de lingots

qui ont réapparu et pourtant, malgré un contrôle fiscal, il n’avait à l’époque pas été poursuivi car on n’en avait aucune preuve. »

Un million pour protéger un hôtel

Ce procès est définitive­ment hors normes. L’audience d’hier a permis d’approcher les drôles d’activités de Cassandri en Corse. À la tête d’une société basée à Aix-en-Provence, il a joué tantôt les apporteurs d’affaires, tantôt le protecteur. Un exemple ? Un projet d’hôtel à Conca-Favone. Évoquant des éléments locaux « incontrôla­bles dans les milieux nationalis­tes et terroriste­s’», il avait même donné son prix pour assurer la protection du projet : un million d’euros. Se retrouve mêlé à cette histoire corse le maire de Conca, François Mosconi, dit « Fanfan », 74 ans. Il comparaît pour trafic d’influence. Par le biais d’un intermédia­ire, Cassandri avait sollicité les faveurs de « Fanfan ». Le permis de construire pour la constructi­on du complexe hôtelier traînait un peu trop à son goût. Monsieur le maire était allé jusqu’à solliciter Abderrahma­ne Dahmane, conseiller technique de Nicolas Sarkozy, pour qu’il intervienn­e auprès de Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence. Interventi­on semble-t-il efficace puisque le maire de Conca s’était fendu d’un chaleureux courrier à Claude Guéant. Le maire sera entendu sur cette question à la barre. Dans les jours qui viennent, la présidente va s’attacher à auditionne­r les différents témoins qui ont assisté aux florissant­es affaires du «Tondu ». Son audition demain est évidemment très attendue. « J’espère que la justice comprendra qu’on ne peut condamner un homme sur la base d’infraction­s qui restent encore mystérieus­es », a indiqué le second avocat de Cassandri, Me Gérald Pandelon.

 ?? (Photos Grégory Leclerc) ?? Jacques Cassandri saluant chaleureus­ement un policier à l’entrée du tribunal correction­nel de Marseille, hier matin.
(Photos Grégory Leclerc) Jacques Cassandri saluant chaleureus­ement un policier à l’entrée du tribunal correction­nel de Marseille, hier matin.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco