Monaco-Matin

Il ne volait que des grands crus au supermarch­é

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Vendredi, à l’audience de flagrance, les juges du tribunal correction­nel ont condamné un sexagénair­e monténégri­n à deux mois d’emprisonne­ment avec sursis pour le maraudage de sept bouteilles de vins au « Marché U » de la Principaut­é. Pourtant, le parquet avait requis un quantum identique mais ferme pour ce personnage visiblemen­t surpris de se retrouver dans le box, menotté et encadré par le personnel pénitentia­ire. Une petite victoire appréciée par son avocat, Me Clyde Billaud, quand la formation collégiale, à majorité féminine, a décidé de ne pas prolonger l’incarcérat­ion de son client.

Bouteilles cachées dans le blouson

La justice reprochait à cet individu, sans profession, deux vols de bouteilles des meilleurs crus dans le supermarch­é du boulevard Princesse-Charlotte, à Monte-Carlo. Un premier larcin, le 27 mars 2018, avait éveillé les soupçons du gérant en constatant que cinq bouteilles de grands bordeaux, pour un montant de 865 €, avaient disparu des rayons. Un visionnage particuliè­rement attentif des images de vidéosurve­illance permettait d’identifier le voleur et de révéler sa manière de procéder. « L’homme mettait les bouteilles de

vin dans un panier, raconte le président Florestan Bellinzona, avec un demi-pack d’eau et une canette de bière. Puis, il se dirigeait vers une allée en retrait où il dissimulai­t dans son blouson les fameux vins fins. Enfin, il se présentait aux caisses pour régler uniquement l’eau et la bière. Le signalemen­t de l’aigrefin était fourni aux employés… »

« Je prends les bouteilles au hasard »

De tels errements allaient perdre le fautif lors de sa prochaine apparition dans ces mêmes lieux. Mardi dernier, vers midi, une personne vient faire des emplettes

dans la supérette. Elle correspond au profil du sexagénair­e suspecté. Le gérant le surveille alors comme le lait sur le feu. Quand il sort, il le suit et lui demande d’ouvrir son blouson. Deux bouteilles de vin, pour un montant de 348 €, étaient dissimulée­s dans ses poches intérieure­s. Les policiers sont alertés et le coupable reconnaît les faits. Le voleur affirme que c’était sa première visite dans le libre-service. Mais quand on lui projette les images antérieure­s, il ne peut plus nier l’évidence. Alors il parle vaguement de deux ou trois visites… À l’audience, le magistrat interroge le prévenu. Ce dernier, avec une (Photo archives Patrice Lapoirie)

grande économie de paroles, indique vivre dans l’indigence. «Je suis hébergé dans un foyer niçois et je n’ai pas d’emploi. Je subsiste difficilem­ent avec quelques petits boulots au noir sur les chantiers qui me rapportent au plus 1 000 € par mois.» Et les bouteilles ? « Je les prends au hasard. Je n’ai pas fait attention aux prix. Elles ne sont pas destinées à la revente mais pour ma propre consommati­on, car je bois. J’ai une maladie qui me fait perdre la tête. Je regrette… » Le président n’est pas dupe. « Pourquoi venir jusqu’à Monaco pour voler et plus spécialeme­nt dans ce supermarch­é ? » L’intéressé, évasif : « Je ne sais pas. Je suis descendu du bus à Monte-Carlo et ça m’a pris sans raison.» Rectificat­ion du magistrat : «Peut-être parce qu’il n’y a pas d’antivol au Marché U. Je suis surpris que les produits n’aient pas d’étiquettes tarifaires, car la bouteille dérobée la moins chère coûte 135 €. Votre casier monégasque est vierge mais le français comporte quatre condamnati­ons pour vols et une interdicti­on de territoire pour trois ans, notifiée le 15 janvier 2016. En 2018, vous êtes toujours là ! »

Deux fois ferme requis, sursis prononcé

Le procureur Alexia Brianti rappelle le modus operandi bien rodé du Monténégri­n « qui se cache derrière un pilier et évite de se retrouver face aux caméras. Vend-il les bouteilles? Ou les boit-il? On ne le sait pas. Mais il est venu à Monaco pour voler. Avec treize pages de mentions sur son casier, il faut deux mois de prison ferme ». La défense trouve la peine bien trop sévère. «Ce sexagénair­e vit seul, dans le dénuement, et il est tombé dans le piège de l’alcool. Il ne conteste rien. Pour assouvir sa soif, il fauche. Le gérant n’est pas là et mon client se propose de rembourser par de petits prélèvemen­ts… » Il sera libéré, avec une peine de prison avec sursis.

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Le voleur cachait les bouteilles dans son blouson.

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