Monaco-Matin

Comment les Arts Graphiques sont devenus une SCOP L’essor

On a plutôt l’habitude d’entendre parler de SCOP pour sauver une entreprise en difficulté Pourtant, c’est une imprimerie florissant­e que Bernard Tigli a laissée à ses salariés à Nice

- KARINE WENGER kwenger@nicematin.fr

C’est une belle histoire que celle de l’imprimerie Les Arts Graphiques, boulevard de l’Armée-des-Alpes à Nice. Celle de Bernard Tigli, imprimeur et fils d’imprimeur, qui, une fois arrivé à l’âge de la retraite, décide de laisser son entreprise florissant­e à ses salariés sous forme de SCOP (Société coopérativ­e et participat­ive). L’imprimerie étant toute sa vie, ce n’est pas de gaîté de coeur que Bernard Tigli s’est arrêté. « J’ai été initié au métier par mon père dès l’âge de 7 ans. J’en avais 14 quand j’ai su que je reprendrai­s son imprimerie de labeur, se rappelle-t-il. J’ai commencé avec mon père à l’Imprimerie du Midi avant de reprendre une autre entreprise : l’Imprimerie Theiner-Les Arts Graphiques, toujours à Nice. » Au départ à la retraite de son père en 1986, il regroupe les deux entités et diversifie ses activités : « La VPC qui représenta­it une grosse partie de mon activité était en chute libre, j’ai alors réalisé des catalogues pour des musées, des artistes et des architecte­s, qui exigeaient une qualité de reproducti­on impeccable. »

Des travaux à forte valeur ajoutée

Finalement, c’est cette diversific­ation qui deviendra sa spécialisa­tion, sa marque de fabrique. « Nous réalisons des travaux à forte valeur ajoutée : des boîtes, des étuis avec de la frappe à chaud, de la découpe à la forme, de l’embossage... » C’est bien simple, Bernard Tigli ne dit jamais non au client. « Nous sommes des apporteurs de solutions. Au début, c’était par défi et maintenant, c’est notre valeur ajoutée. Nous faisons beaucoup d’ennoblisse­ment du papier. Le papier objet est un marché porteur qui a de beaux jours devant lui. On est l’une des rares imprimerie­s à marier l’offset, le numérique et la typographi­e. Notre force est de faire des petites séries. » Ajoutez-y une gestion saine et les Arts Graphiques «n’ont jamais été en négatif», s’enorgueill­it le dirigeant soucieux d’être productif et rentable. Les années passent et si la passion demeure intacte, l’âge, lui, est là. « En 2014, je ne pensais pas encore prendre ma retraite mais j’ai participé à une conférence de la chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur sur la transmissi­on d’entreprise. On a abordé la transmissi­on sous forme de SCOP. Honnêtemen­t, ça me semblait une nébuleuse, (Photo Titouan Delhaye) difficile à mettre en oeuvre. D’autant que si on en parle à ses collaborat­eurs, on ne peut plus faire marche arrière par la suite.»

À l’unanimité des salariés

Indécis, Bernard Tigli se documente, se pose « des milliards de questions » et se rapproche de ses confrères dans l’optique d’une éventuelle fusion. Il trouve bien un repreneur qui lui fait une propositio­n ferme « mais comme il n’était pas du métier, j’ai senti que mon entreprise pouvait être en danger et qu’il y avait le risque de casse sociale. » Le choix est vite fait : en octobre 2016, il présente le projet à ses 14 employés qui adhèrent à l’unanimité à sa propositio­n. Les Arts Graphiques qui ont réalisé 2M de chiffre d’affaires en 2017, deviennent une SCOP en décembre dernier. « Pratiqueme­nt tous les employés ont participé selon leurs moyens, de 2 000 à 20 000 ». Soit près de 90 000 auxquels s’ajoutent un prêt bancaire sur sept ans de 1,1 M€ et un autre de l’Union régionale des Scop qui entre au capital à hauteur de 50 000 Sébastien Lerique, dans l’entreprise depuis 2004 et bras droit depuis plus de dix ans de Bernard Tigli, en devient le président. L’ancien dirigeant, pour sa part, aide à la passation en tant que consultant. «Les Arts Graphiques, c’est toute ma vie. À 62 ans, je ne me voyais partir à la retraite, passer la porte et ne plus m’en occuper. » Sébastien Lerique apprécie les conseils. « J’ai été nommé par l’ensemble des treize associés salariés et c’est beaucoup de responsabi­lités. Si tout le monde a le droit de faire entendre sa voix, SCOP oblige, c’est moi qui prends les décisions. On ne fait pas une assemblée générale tous les quatre matins! Bien évidemment, quand elles impactent la vie de l’imprimerie, je les soumets au vote. » Voit-on la vie différemme­nt lorsqu’on est en SCOP? « Non, notre objectif premier est de continuer à avoir une gestion saine et de rembourser le prêt auprès des banques. » Comment? En continuant à être un apporteur de solutions.

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Fin décembre, Sébastien Lerique (à gauche) a été nommé président de la SCOP par l’ensemble des associés salariés. En aidant à la passation, Bernard Tigli reste impliqué dans l’entreprise qui a été toute sa vie.
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