Les Ballets de Monte-Carlo en mode % création
Le 26 avril prochain, Jean-Christophe Maillot et sa troupe présenteront une nouvelle oeuvre créée de toutes pièces d’après une musique composée pour eux. Une pièce sombre et charnelle
Dans leurs locaux de la rue Paul-Doumer, les danseurs des Ballets de Monte-Carlo sont serrés les uns contre les autres. Ils répètent les mouvements tantôt saccadés, tantôt fluides que JeanChristophe Maillot, le chorégraphe directeur, a imaginés pour eux. La proximité fait s’emmêler les corps. Il ne reste qu’une poignée de jours aux artistes pour présenter au public cette nouvelle oeuvre avec la précision qu’on leur connaît.
Musique composée pour les ballets
Cette fois, le travail est un peu différent. « C’est une construction très à part. D’habitude, je choisis une musique et je fais une pièce dessus, ou je choisis une pièce et je mets une musique dessus. Là, un compositeur de renom, Bruno Montovani, a écrit une partition entière sans la moindre intervention de ma part», confie JeanChristophe Maillot. En contrepartie, il a demandé à Montovani la même politesse : zéro regard sur son travail jusqu’à la livraison. « Je ne veux pas savoir ce qu’il avait dans la tête. Je ne veux pas savoir ce qu’il imaginait. Ça a provoqué un nouveau système de travail. » Le résultat, que nous découvrons encore en gestation, Les danseurs sont proches, ils se touchent, ils se mêlent, ils bougent comme un seul organisme, pour finalement s’éparpiller dans un souffle.
(Photo Alice Bangero)
est une oeuvre percutante. On ne va pas vous raconter de salades, et JeanChristophe Maillot prévient : « Il y a un sentiment de fin du monde indiscutable. Ce n’est pas une pièce joyeuse. À 60 piges, on ne voit plus la vie de la même manière. Moi je m’interroge
sur l’intérêt même de ce que l’on fait. » Et pour cause.
État d’urgence
Les compositions contemporaines s’affranchissant de plus en plus des mélodies, c’est une oeuvre qui pourrait avoir plus de mal à
caresser les oreilles les moins averties: « C’est extrêmement complexe. Il parle de quelque chose de très abstrait. Cela ressemble à notre époque : on ressent un état d’urgence et on ne sait pas très bien où l’on va. Il y a une énergie, une forme de violence, des explosions, et de très beaux passages de violoncelles. » Et les danseurs de la troupe parviennent à incarner cette urgence, jusqu’à créer un succulent paradoxe quand leur délicatesse vient taquiner la brutalité musicale. Une prouesse que l’on doit aussi au travail du chorégraphe. Un travail que les habitués reconnaîtront puisqu’il le dit lui-même : « Ce ballet est une forme de synthèse de toute l’écriture chorégraphique que j’ai pu accomplir au fil des années. »