« Faites rentrer nos enfants retenus en Tunisie ! »
Partis en vacances chez leur beau-père en 2015, ces ados jumeaux ne sont jamais rentrés. Depuis, leur famille vit un calvaire. Les décisions de justice restent sans effet. Ils en appellent donc à Macron
Il ne reste plus que l’option politique. Sans une intervention diplomatique, ça ne bougera pas. C’est pourtant absurde, aberrant, que quelqu’un d’extérieur à la famille retienne les enfants ! » Claude, 62 ans, fulmine. Son épouse Nicole affiche le même regard désespérément triste. Emilie, leur fille de 32 ans, traduit leur ressenti : « C’est comme si on leur avait enlevé leurs propres enfants... » Depuis bientôt trois ans, cette famille niçoise vit un calvaire. Celui d’être privé de ses enfants. Privée par un homme qui ne partage avec eux ni lien de sang, ni lien juridique. Ces ados jumeaux, de nationalité française, sont séparés de leur famille par la Méditerranée. Et par leur ex-beau-père, qui refuse obstinément de les lui rendre. « Une situation ubuesque », s’indigne leur avocat, Me William Hoenig.
« Ils sont pris en otage »
Tout commence en août 2015. Cet été-là, les jumeaux, alors âgés de 12 ans, partent en vacances chez Mohamed Z. à M’Saken. C’est alors qu’une enquête préliminaire est ouverte contre leur beau-père, suspecté d’agression sexuelle et viol sur une autre mineure. Depuis, les ados ne sont jamais rentrés. Ils sont aujourd’hui âgés de 15 ans. « Pour nous, ils sont retenus, pris en otage », estime Emilie. Moyen de pression pour faire barrage à l’enquête qui le vise, comme le pense Me Hoenig ? Attachement réel à ces gamins qu’il a vus grandir, comme l’a soutenu l’intéressé ? Quoi qu’il en soit, « il n’a aucune légitimité », tonne Emilie, dénonçant « un pervers narcissique manipulateur, qui jouit de cette situation. » À plusieurs reprises, la justice va leur donner raison. En France, où la brigade des mineurs a été saisie, dans le cadre d’une information judiciaire pour enlèvement et soustraction de mineurs. En Tunisie aussi. En 2016, l’avocat de l’ex-beau-père invoquait « l’intérêt suprême des enfants, déjà installés et scolarisés en Tunisie » ,et «négligés par leur mère » Le juge aux affaires familiales de Sousse a pourtant ordonné leur restitution à leur mère. Sans effet. Depuis, la donne a changé. Les ados aussi. « Jusqu’en décembre 2015, on était en contact via Messenger. Ils ne pensaient qu’à rentrer... Jusqu’au jour où leur beau-père l’a découvert, raconte Emilie. À partir de là, on les a vus changer, physiquement et psychologiquement. Ils nous demandaient : “Pourquoi vous voulez du mal à Momo ?” Ils tenaient un discours creux, sans argument. On aurait dit des robots ! »
Voyages désespérés
Janvier 2016. Février 2016. Février 2017. Par trois fois, leur famille se rend en Tunisie pour leur faire entendre raison. Mère, tante, grandsparents font le voyage tour à tour. Rien n’y fait. « Ils vivent sous une emprise de terreur. Ils sont déscolarisés, (Photo Cyril Dodergny) livrés à eux-mêmes », fulmine Nicole, mamie dévastée. La mère des jumeaux est décrite comme fragile psychologiquement. Le père n’avait plus donné de nouvelle depuis des années, avant de resurgir et d’intervenir, à son tour. Sans plus de succès. Alors, après deux ans et neuf mois (mille jours !) irrespirables, cette famille ressent « abandon, impuissance, solitude. On est laissé-pourcompte », souffle Emilie. Claude est consterné : « Nous n’avons jamais reçu d’aide de qui que ce soit à l’ambassade de France. Et la justice française ne bouge pas. » Nicole en est réduite à prendre des cachets pour trouver le sommeil. Dans un cri du coeur, elle s’exclame : « Qu’ils s’occupent de faire rentrer les enfants ! »
Risque de radicalisation
Pour leur avocat, l’Etat serait d’autant plus avisé de prendre cette affaire au sérieux qu’un autre danger semble poindre. « Cet individu présente une dangerosité certaine. Il fait l’objet d’une instruction pour enlèvement de mineurs, mais aussi pour agression sexuelle et viols. En outre, il a tenu par téléphone des propos inquiétants. » Propos actés par huissier, qui font froid dans le dos : « J’ai commencé une guerre, je vais la finir. » « On va aller jusqu’au suicide s’il le faut. » Ou encore : « Les enfants, je vous les renverrai quand ils seront prêts. T’inquiète pas, ils vont venir et vont prendre la vengeance... » Risque de radicalisation islamiste ? Au vu du contexte, l’avocat et ses clients envisagent sérieusement ce scénario. Et cette hypothèse ne fait qu’ajouter à l’angoisse de Claude, Nicole et Emilie. Sans pour autant annihiler leur détermination à obtenir gain de cause. « Bien sûr, nous avons conscience que s’ils reviennent, cela va être difficile car ils auront été endoctrinés et remontés contre nous, soupirentils. Mais nous ne pouvons nous résoudre à abandonner notre combat pour nos petits jumeaux. Malgré ces deux ans et neuf mois, c’est bien nous qui les avons élevés. Et ça, ils ne peuvent pas l’avoir oublié... » (1) Nous avons tenté de joindre à de multiples reprises ses avocats en Tunisie, sans succès.