: le poète Lamartine
Après avoir perdu les élections législatives de Toulon, il voyage en Egypte, Syrie et Libye découvrant la vie de cet aventurier né à Nice en 1767, qu’il relatera dans
En 1831, à l’âge de 41 ans, le poète Lamartine veut se lancer dans la politique. Il se présente aux élections législatives à Toulon. Il n’est pas élu. Tant pis ! La politique, ce sera pour plus tard ! Il recommencera en 1 833 et se fera élire à Bergues, dans le nord de la France. C’est lui qui annoncera au pays entier, le 24 février 1848, l’avènement de la IIe République. Entre-temps, il prend le large et décide de partir en voyage en Orient. Il s’embarque le 25 juin 1832 à Marseille. Il en ramènera un long et beau texte, Voyage en Orient. Dans son récit, Lamartine fait flamboyer son lyrisme : «Je voudrais passer ces montagnes, descendre dans le désert de Syrie, aborder quelques-unes de ces grandes tribus inconnues qui le sillonnent, y recevoir l’hospitalité, passer à d’autres, étudier les ressemblances et les différences, les suivre des jardins de Damas au bord de l’Euphrate, aux confins de la Perse… Nul voyageur n’a pénétré parmi les tribus innombrables qui couvrent de leurs tentes et de leurs troupeaux les champs des patriarches : un seul homme l’a tenté… »
Il embarque avec Napoléon pour la campagne d’Égypte
Et là, Lamartine révèle le nom d’un aventurier, mort quinze ans plus tôt, dont personne n’a jamais entendu parlé jusqu’alors, qui ne figure sur aucun livre d’histoire, et qui, pour lui, est un héros. Il parle même de « génie ». Cet homme est un Niçois, né en 1767, Jules Lascaris, descendant d’une grande famille noble qui a son palais à Nice et qui a régné sur Vintimille et sur Tende. Lamartine déborde d’admiration à son égard : « Homme de génie, il comprit que le plus grand oeuvre à accomplir par Bonaparte n’était pas la restauration du pouvoir en Europe mais que l’Asie offrait un plus vaste champ à l’ambition régénératrice d’un héros (...) Napoléon choisit l’Europe, mais il voulut lancer un explorateur pour reconnaître ce qu’il y aurait à faire, et jalonner la route des Indes : Monsieur de Lascaris fut cet homme. » Napoléon avait connu Lascaris à Malte – car Lascaris était chevalier de Malte – lors de son escale sur cette île en partance pour la campagne d’Égypte. Lascaris s’était alors embarqué avec lui. Après la fin des combats et le retour en France de Napoléon, il était resté en Égypte et avait épousé une femme échappée d’un harem. Il avait également rêvé d’unir et de pacifier les tribus du désert afin de créer un état français qui offrirait un passage à Napoléon pour sa conquête de cette région du monde. Lamartine affirme dans son récit : « Lascaris partit avec des instructions secrètes de Napoléon, reçut les sommes nécessaires à son entreprise et vint s’établir à Alep pour s’y perfectionner en langue arabe. Homme de mérite, de talent et de lumière, il feignit une sorte de monomanie pour se faire excuser son séjour en Syrie et ses relations obstinées avec tous les Arabes du désert (...) Il parcourut avec des chances diverses et sous des déguisements successifs toutes les tribus de la Mésopotamie, de l’Euphrate. »
Soupçonné d’être un espion
Comment Lamartine a-t-il connu l’existence de Lascaris, mort au Caire en 1 817 ? C’est le hasard qui le fit rencontrer en Égypte un certain Fatallah Sayeghir. Celui-ci lui raconta avoir été l’accompagnateur dans les déserts du Sahara, d’Égypte et de Libye d’« un aventurier fou, considéré comme un espion à la solde de Napoléon ou peut-être des Anglais, dont tous les documents ont été brûlés à sa mort par le consul d’Angleterre à Alexandrie ». Ce récit passionna Lamartine. Fatallah lui révéla alors : «J’ai pris moi-même des notes durant toutes nos expéditions et les tiens à disposition de celui qui voudrait bien les lui acheter. » Lamartine offre 2 000 piastres à Fatallah et le manuscrit est à lui. L’interprète de Lamartine, un certain Mazoyer, qui l’accompagne dans son voyage, traduira ces textes. (Photos DR) Une question se pose : peut-on apporter un total crédit aux notes de l’accompagnateur égyptien ? Des historiens, par la suite, ont eu des doutes. Mais Lamartine, lui, les a crues. C’est ainsi qu’il a hissé le Niçois au rang de héros.