Clap de fin houleux au Festival de Cannes
Autant en emporte le vent. S’il entendait annoncer là le vent de la contestation, le e Festival de Cannes a été servi. Le mai, ce chef-d’oeuvre est à l’affiche pour la cérémonie d’ouverture, avec Grace de Monaco pour présidente. Smokings sur tapis rouge. Cannes glamour. Mais voilà : alors que la Guerre de Sécession agite le grand écran, à Paris, les blessés se comptent par centaines lors de la fameuse « Nuit des barricades ». « C’est une aubaine pour l’Histoire, remarque Yvan Gastaut. Le Festival aurait pu fonctionner avec des films édulcorés comme Autant en emporte le vent. Mais l’intervention d’une minorité
de cinéastes va en faire une caisse de
résonance de ce qui se passe à Paris. Ils surfent sur leur notoriété pour en faire une tribune politique : c’est l’occasion rêvée. » Le débat agitait la Croisette avant même le coup d’envoi : le cinéma peut-il continuer dans un tel contexte ? Non, bien sûr, tranchent Jean-Luc Godard, François Truffaut, Louis Malle, le Cannois Jean-Gabriel Albicocco, le Franco-Polonais Roman Polanski ou encore le Tchèque Milos Forman, venu avec un film au titre prophétique (Au feu les pompiers). Truffaut a tranché : « Le sang coule à Paris, il est impensable de continuer. » Le mai, à l’issue d’un débat agité dans l’enceinte du vieux Palais des Festivals, ils investissent la grande salle où doit être projeté Peppermint frappé. Frappé, comme Godard sera giflé et Truffaut, plaqué à terre. Les échanges verbaux ne sont pas moins musclés. Godard: « Les étudiants se font casser la figure par les CRS, je vous parle de solidarité et vous me répondez travellings et gros plans. Vous êtes des cons ! » Les cinéastes se cramponnent au rideau pour empêcher la projection du film. Y compris son réalisateur espagnol, Carlos Saura. « Ils se font copieusement huer, car beaucoup de gens ne veulent pas que la fête soit gâchée. C’est hyper-tendu. Se pose alors la question du lien du Festival avec la société, traduit Yvan Gastaut. La Côte d’Azur devient une vitrine. Le monde du Festival et celui des étudiants, pas vraiment liés, se répondent en écho. D’autant que Mai revêt une dimension artistique : films, affiches, cinélutte… » Les cinéastes frondeurs iront tâter le pouls de la colère dans les amphis niçois. Le mai à midi, la mort dans l’âme, Robert Fabre Le Bret, délégué général du festival, annonce son clap de fin prématuré, décidé «à l’unanimité». On craint alors pour la survie du rendez-vous cannois. On connaît la suite.