Armel Le Cléac’h rédacteur en chef d’un jour
Le vainqueur du dernier Vendée Globe, donnera, aujourd’hui (à 13h02), aux côtés de Christian Estrosi, le départ officiel de la course...
Fortunes de mer: c’est ainsi, autant par pudeur que pour lutter contre la superstition, que, dans le milieu de la course au large, on fait parfois (souvent) référence à ces malédictions venues - comme le mauvais grain s’abattre sur le destin des hommes. Et, forcément, s’écraser sur les étraves des navires. Parce que ces marins bravaches, aux visages burinés par les embruns, mais au regard toujours clair et lucide, réellement, honnissent les vents contraires; “vomissent” ces batailles définitivement perdues d’avance ; et les vagues - si sournoises - qui, au grès de leurs caprices, peuvent engloutir les rêves des plus téméraires. Du coup, l’on sent réellement, chez ces “croqueurs d’océans”, ces drôles de zigotos, a priori étrangers à toutes les peurs qui envahissent le quotidien du commun des mortels, la volonté de définitivement radier de leur vocabulaire des mots aussi “sales” et lourds de sens que « chavirage », par exemple. Façon, à eux, évidemment, d’exorciser le mauvais sort. De continuer, à tout le moins, d’en conserver la maîtrise, si tant est que cela soit réellement possible… Mais pourtant… C’est bel et bien la mésaventure vécue, tout récemment, par Armel Le Cléac’h, alors qu’il s’apprêtait, sur ce Nice Ultimed, à faire ses grands débuts en compétition, à la barre de son maxi-trimaran Banque Populaire IX. Engin taillé sur-mesure pour les plus grands défis. Les plus jolis des records. À l’occasion d’une sortie en mer, au départ anodine, mais « tragiquement terminée ». Et dont le souvenir reste, dans sa mémoire, aussi précis que le réglage de ses voiles. « On était en entraînement, sur une partie convoyage jusqu’à Marseille. On revenait de Gibraltar et c’était notre dernière nuit en mer. Les conditions étaient en train de s’améliorer, mais malheureusement, vers une heure du matin, il y a eu cette rafale de vent, au moment où l’on s’y attendait le moins. Tout est alors allé très vite. Le bateau a basculé sur le côté et même si j’ai essayé de larguer le système qu’on a au-dessus de la bannette, pour pouvoir choquer la grand-voile, ça n’a pas suffi. En quelques secondes, on s’est retrouvé à l’envers… »
Un homme curieux…
À bientôt 41 ans (il les fêtera le 11 mai), le “Chacal” a vu ainsi les flots de la frustration envahir le ponton de ses illusions. « Bien sûr que c’est une déception, énorme, de n’être pas au départ ici. De gâcher, aussi, le plaisir de montrer notre bateau au public niçois. C’était une rendezvous important pour nous, on s’y était super bien préparé avec l’équipage, mais les aléas de ce sport nous ont donc été défavorables… » Si, malgré tout, et grâce au soutien entier et sans réserve (ce qui, finalement, n’est pas si anodin que cela) de son principal partenaire, Armel Le Cléac’h fait désormais de la Route du Rhum son prochain terrain de chasse (entre parenthèses, la course s’annonce juste somptueuse…), le dernier vainqueur du Vendée Globe, faute de bateau à dompter, s’est donc mué, aujourd’hui (et que pour vous, svp!), en rédacteur en chef d’un jour. Ici même, à Nice Matin, pour y faire souffler un petit vent frais dans les voiles bordées de l’actu (lire page suivante). Une grande première pour un garçon dont la curiosité dépasse, allégrement, l’horizon de ses seules envies. Tout, d’ailleurs, l’intéresse. En mer, comme sur terre. Et il le dit : « C’est passionnant de pouvoir échanger avec toute une rédaction. De se confronter sur tous les sujets. Je suis quelqu’un d’ouvert, et c’est un vrai plaisir, que de faire ça avec vous, à Nice-Matin ». Un plaisir et un privilège pour nous tous…