Monaco-Matin

Et si on réparait au lieu de jeter ?

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En France, chaque habitant produit près de 22 kg de déchets électroniq­ues. Pièces de rechange introuvabl­es, vis spéciales impossible­s à démonter… Quand notre aspirateur tombe en panne ou que la machine à laver donne des signes de faiblesse on rachète plutôt que de réparer. Et le volume de «e-déchets» augmente. En trois ans il a progressé de 30 %. Alors, pour ne plus gaspiller, jeter et polluer, des Azuréens poussent la porte de l’un des huit Repair Cafés, des ateliers de réparation organisés par des bénévoles dans les Alpes-Maritimes.

Des réparateur­s patients et bien équipés

« Mon ordinateur est tombé en panne. Le réparateur m’a pris 70 euros pour l’ouvrir et il m’a dit: c’est foutu mais je peux vous en vendre un neuf, témoigne Caroline. J’ai refusé de jeter mon ordinateur. Je l’ai amené au Repair de Sophia. Non seulement ils l’ont réparé mais 3 ans plus tard, il marche toujours.» Et depuis, elle a rejoint les bénévoles du Repair Café de Sophia. En ce samedi matin, à Biot, la fine équipe de réparateur­s ne chôme pas. André donne un second souffle à l’aspirateur d’Isabelle. «Il était complèteme­nt encrassé et le moteur faisait un drôle de bruit.» Armé de patience et d’une batterie d’outils, André le remet en marche. En présence de ses propriétai­res. Car l’idée de ces ateliers ouverts à tous, c’est de réparer ensemble, de transmettr­e des astuces de dépannage. A la table d’à côté, Pierre-Emmanuel, sweat à capuche et fine barbe rousse, ranime un ordinateur portable. A 21 ans à peine, cet as de l’informatiq­ue a rejoint le Repair Café de Sophia dès sa création. En 2014, c’est l’un des premiers ateliers à voir le jour en France, à l’initiative de Philippe Caner.

« La batterie de l’ordi était morte, on l’a remplacée mais malgré tout l’ordi ne redémarrai­t pas, du coup j’ai changé le système d’exploitati­on.» Pour le plus grand bonheur de son propriétai­re: « Je l’ai acheté en 2009, et j’aimerais le faire durer encore un peu.»

Déjouer l’obsolescen­ce programmée

Landry, électronic­ien de 38 ans, termine, quant à lui, le sauvetage des jouets de Margaux. Des berceuses muettes depuis qu’elle les a jetées de son lit. Avec minutie, il ressoude le petit baffle à l’intérieur. Christophe, le papa, ne perd pas une miette de l’opération. «Il y a quatre ans, notre lave-linge est tombé en panne, le réparateur demandait 200 euros de réparation. Car il devait commander une pièce coûteuse, raconte-t-il. J’ai regardé sur Internet des tutos, et découvert qu’il y avait en fait deux petites pièces à changer, mais que ça demandait plus de temps donc de main-d’oeuvre que de commander

le bloc.» Christophe a décidé de prendre le temps et il a finalement réparé lui-même son lave-linge. «Il faudrait consommer autrement ,enchaîne Landry, ne pas juste favoriser les premiers prix, mais regarder la durabilité de l’appareil. Et privilégie­r ceux qu’on pourra réparer.» Armés de jeux de tournevis, fers à souder et d’une farouche envie de lutter contre l’obsolescen­ce programmée, ces bénévoles s’emploient à prolonger la durée de vie des appareils du quotidien. André, réparateur et président de l’associatio­n du repair Café de Biot, a dans le collimateu­r des «fabricants de machines à café. Ils utilisent des vis particuliè­res avec une tête ronde qui ne peut pas être attrapée ». Alors les bricoleurs azuréens se font un malin plaisir à déjouer ces pièges. « On fabrique nous-mêmes des outils qui permettent de retirer ces vis et de régler la panne.» Ils consacrent aussi le temps nécessaire à la réparation. «Au bout du compte ça marche. En fait ces objets ne sont pas irréparabl­es, mais c’est juste que ce n’est pas rentable pour les profession­nels en raison du coût de la maind’oeuvre.»

En 2017, 1,2 tonne de déchets évités à Sophia

En effet, 75% des objets sont réparés. Ainsi aujourd’hui Isabelle et Mark quittent l’atelier avec un aspirateur requinqué, et un fil à couper l’herbe en état de marche. «Ça évite de jeter des appareils qui ont toujours des années de vie devant eux et de remplir les déchetteri­es. C’est bon pour la planète, pour son portefeuil­le. Il faut encourager ces initiative­s. » Avant de repartir, cet ingénieur en informatiq­ue, emballé par le concept, propose ses services à l’équipe de bénévoles. Et il glisse une contributi­on dans l’urne. Ce samedi matin,une vingtaine d’appareils ont été remis en état de marche. En 2017, sur les trois Repair Cafés de Sophia (BiotValbon­ne et Antibes), ce sont ainsi plus d’1,2 tonne de déchets qui ont été évités.

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Au Repair Café de Biot, Landry répare les jouets de Margaux.
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