Monaco-Matin

Urbanisme : le drone à la recherche d’infraction­s

- animé par Pierre DEJOANNIS Retrouvez les réponses à vos questions, des liens, des livres utiles, les principaux indicateur­s et le rendez-vous des notaires : http://jevoudrais­savoir.nicematin.com/

Avec l’apparition des drones civils, si d’aucuns pensent à les utiliser pour réaliser des reportages vidéo ou photo, porter secours ou, dans un futur proche, assurer des livraisons, d’autres, en revanche, ont eu l’idée d’y avoir recours comme un véritable outil de surveillan­ce. Notamment pour faire respecter le Code de l’urbanisme. En s’équipant de quadricopt­ère, des communes entendent ainsi mener la chasse aux infraction­s aux règles d’urbanisme à moindre coût (moins cher que l’heure d’hélicoptèr­e...). Oui mais voilà : et la vie privée dans tout ça ? Le sénateur (NI) de Moselle, Jean-Louis Masson, s’en est inquiété et a posé une question écrite (1) au gouverneme­nt : « [...] une commune peut[-elle] utiliser un drone pour procéder à des contrôles de propriétés privées à l’effet notamment, de relever d’éventuelle­s infraction­s aux règles d’urbanisme ou de non-déclaratio­n de création de piscines pour le calcul de l’assiette des impôts locaux [?] » La réponse du ministère de la Cohésion des territoire­s (2) est sans ambages : en vertu du principe du respect de la vie privée, le constat d’une infraction sur un propriété privée à l’aide d’un drone peut être considérée comme illicite dès lors que la zone contrôlée est inaccessib­le au regard. Une commune peut donc faire voler un drone pour contrôler mais ne peut pas utiliser les images à des fins de preuve. Le ministère débute sa réponse bien charpentée en rappelant que « la réglementa­tion relative aux aéronefs télépiloté­s ou “drones” repose sur deux arrêtés : l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux

conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent et l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisatio­n de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord. » On ne peut donc pas faire voler un drone comme bon nous semble en raison du danger que ce type d’aéronef présente. En effet, « cette réglementa­tion vise à assurer la sécurité des personnes et biens au sol et celle des autres aéronefs, civils ou militaires [...]» en permettant « l’usage profession­nel des drones, y compris en milieu urbain, mais sous certaines conditions s’imposant à tout utilisateu­r, même pour le compte d’une collectivi­té locale. Ainsi, en zone peuplée, le drone

doit évoluer en vue du télépilote, la masse du drone étant limitée (8 kg, charge utile comprise) de même que son énergie d’impact, avec dans certains cas (à partir de 2 kg) obligation d’équipement de dispositif­s de protection. Il doit être établi un périmètre de sécurité dont la taille dépend de la hauteur des évolutions du drone et de sa vitesse mais doit être supérieur à 10 m ; dans ce périmètre, l’exploitant doit s’assurer qu’aucun tiers non impliqué dans l’exploitati­on ne peut pénétrer. » Et avant le décollage du drone, un certain formalisme doit être respecté par l’exploitant. Il doit « déclarer l’activité auprès de la direction de la sécurité de l’aviation civile, être assuré et le télépilote doit être apte. Une déclaratio­n

en préfecture est obligatoir­e pour les vols en agglomérat­ion et en zone peuplée. Ces éléments relatifs à l’utilisatio­n et à l’exploitati­on des drones s’entendent sans préjudice des dispositio­ns de l’article L. 62113 du Code des transports relatives au survol des propriétés privées et de celles de l’article D 133-10 du code de l’aviation civile concernant la prise de vue aérienne. » Cependant, d’un point de vue juridique, pourquoi les photos ne peuvent être retenues comme preuve ? « L’administra­tion de la preuve en matière pénale est gouvernée par un principe de liberté. L’article 427 du Code de procédure pénale énonce, en effet, que “les infraction­s peuvent être établies par tout mode de preuve”», rappelle le ministère. « Néanmoins, le principe de liberté de la preuve souffre deux limites importante­s que sont la loyauté et la licéité de la preuve. Or la licéité de la preuve exige que la preuve ne doit pas avoir été recueillie ni dans des circonstan­ces constituti­ves d’une infraction ni au mépris du respect des principes généraux du droit au nombre desquels figure le respect de la vie privée. La captation d’images par la voie des airs au moyen d’un drone survolant une propriété privée peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée. Ainsi, selon la jurisprude­nce, la captation d’images opérée par des policiers dans un lieu inaccessib­le depuis la voie publique doit, en applicatio­n des dispositio­ns de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, être fondée sur une prévision législativ­e, telle que l’article 706-96 du Code de procédure pénale [autorisati­on du juge des libertés et de la détention, ndlr] .À défaut, aucune intrusion ne peut être valablemen­t effectuée en un tel lieu (crim. 21 mars 2007, n° 0689444) ». Et le couperet gouverneme­ntal de tomber en fin de réponse : « En conséquenc­e, le constat d’une infraction sur une propriété privée à l’aide d’un drone peut être considéré comme illicite dès lors que la zone contrôlée est inaccessib­le aux regards. »

1. Question écrite n° 01425 publiée dans le JO Sénat du 05/10/2017 - page 3 053

2. Réponse du Ministère de la cohésion des territoire­s publiée dans le JO Sénat du 11/01/2018 - page 94.

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On peut faire voler un drone pour contrôler le respect des règles d’urbanisme. Mais une commune ne pourra pas utiliser ses images comme un élément de preuve en cas d’infraction si elles ont été prises dans une zone « inaccessib­le aux regards ». (DR)
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