Vol à 105 000 €: relaxés!
Quatre Niçois comparaissaient hier soir pour avoir dérobé une montre du luxe à un touriste, l’été 2016. Mais l’enquête, lacunaire, n’a pas permis de les condamner
J’ai mon intime conviction. Je suis persuadée que les voleurs sont là mais je ne peux rapporter la preuve de leur culpabilité.» Le procureur Clotilde Ledru-Tinsault, la mort dans l’âme, requiert la relaxe. Après deux heures de débats où la présidente Laurie Duca n’a pas ménagé sa peine pour faire jaillir la vérité, impossible d’incriminer formellement les quatre suspects qui nient farouchement toute implication. Trois d’entre eux sont en détention pour d’autres affaires. Un seul est libre. Qui, parmi ces jeunes prévenus repérés dans une Clio rouge, a subtilisé avec agilité la «Richard-Mille», une montre à 105000 euros, accrochée au poignet de Kevin, un Suédois, directeur de sociétés? La victime circulait dans une Lamborghini décapotable et rejoignait la tour Odéon quand il a été pris dans les bouchons à Capd’Ail le 6 août 2016. Un individu a plongé dans l’habitacle et réussi en un tour de passe-passe à s’emparer du précieux objet avant de s’engouffrer dans la Clio.
Le PV, un alibi...
La surprise passée, le touriste a pris en chasse les fuyards avant de réussir à photographier l’immatriculation de la Renault. Un bon début pour les gendarmes chargés de l’enquête. D’autant qu’on apprendra que cette voiture était alors placée sous étroite surveillance par la police judiciaire, dans le cadre d’une enquête (toujours en cours) sur l’affaire Dicranian, du nom d’un trafiquant de drogue présumé. Comment, dès lors, dans le procès-verbal de surveillance des policiers en filature, rien n’est noté sur ce vol aggravé? Me Verrier, Me Eyrignoux, Me Seguin et Me Vazzana, les quatre avocats de la défense, s’engouffrent avec conviction dans la brèche. Soit ce PV de surveillance est un faux. Soit leurs clients sont innocents. D’autant plus qu’une autre Clio rouge, avec une immatriculation identique, a été retrouvée incendiée à La Trinité quelques jours plus tard. La Clio pistée par la police sera retrouvée intacte dans un box du boulevard Louis-Braille à Nice en septembre. La montre, elle, a disparu à jamais. «Il y a des montres à tourbillon et complication. Il y a des dossiers à tourbillon et complication », ironise Me Adrien Verrier dont le client, Kamel, 28 ans, a pourtant été dénoncé comme le voleur par l’un des prévenus. «Khalim a dénoncé Kamel pour monnayer sa libération», soutient la défense qui regrette d’insuffisantes investigations sur la Clio brûlée. « Cette enquête est un puzzle dans lequel il manque toujours des pièces», déplore Me Audrey Vazzana. « Moncef est en détention provisoire depuis huit mois dans cette affaire, ça n’a que trop duré », s’insurge Me Béatrice Eyrignoux qui salue au passage «l’honnêteté intellectuelle» du procureur. «Le PV de la police judiciaire est le meilleur alibi qui soit pour la défense », conclut Me Marie Seguin. Sans surprise, le tribunal a relaxé hier soir l’ensemble des prévenus du vol de cette montre à tirage limité. Une manière de remettre les pendules à l’heure mais qui laissera aux enquêteurs un goût amer.