Monaco-Matin

Catherine Hill : test pour tous Philippe Juvin : le partisan de la manière forte

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Épidémiolo­giste à l’institut Gustave-Roussy de Villejuif, Catherine Hill est une des grandes voix dans le débat sur la gestion de la crise sanitaire. Elle fut l’une des lanceuses d’alerte dans l’affaire du Médiator. Rigoureuse et cinglante, la chercheuse s’est immédiatem­ent intéressée à l’épidémie, en livrant avant le confinemen­t une étude qui fit alors sensation. Face à ceux qui assuraient que la Covid-19 n’était qu’une grosse grippe, elle estimait début mars que le coronaviru­s ferait au moins 64 000 victimes en France si des mesures drastiques n’étaient pas prises sans tarder.

Au fil des mois l’épidémiolo­giste de Villejuif est devenue le poil à gratter du gouverneme­nt. En mai, elle accuse l’État d’avoir multiplié les erreurs. Faut-il ou non porter un masque ? La question a été au centre de bien de polémiques. En mars, le ministère de la santé estimait que le masque n’était pas la solution. Catherine Hill, elle, loin des batailles médiatique­s sur la pénurie de masque, n'a jamais varié.

Le masque et point barre !

Lorsque, pionnier en la matière, le préfet de la Mayenne décide de rendre le port du masque obligatoir­e en extérieur dans 69 communes de son départemen­t, l’épidémiolo­giste à l’institut GustaveRou­ssy ne perd pas de temps à s’auto-féliciter d’avoir eu raison avant tout le monde : « C’est une extrêmemen­t bonne chose, c’est ce qu'il fallait faire depuis le début. »

Pour Catherine Hill, le bon sens est d’avoir une règle simple. « Il faudrait que le message soit clair et universel. Portez un masque. Portez un masque quand vous êtes dehors. C'est simple, c'est clair. Point barre ! »

Mais c’est sans doute sur la question des tests que la chercheuse est la plus cinglante : « On est contagieux avant l’apparition des symptômes. Tout se joue en dix jours. C’est pour cela que la stratégie des autorités françaises est bien trop lente. Tout est déjà joué quand on parvient à identifier les cas contacts ! On ne prend pas cette affaire au sérieux… Il faut des grands moyens et tester à grande échelle ! »

La gestion de la crise à Pékin est selon elle le modèle qui doit être appliqué partout : « Pour trouver les porteurs, il faut tester tout le monde ! À Pékin, qui n’avait aucun malade, quand des cas sont apparus, en quatre jours, les quartiers en cause étaient confinés et deux millions de personnes (sur 22 millions d’habitants) ont été testées. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun cas. La solution, c’est ça. »

Raoult dans le viseur

Lucide, elle constate que les laboratoir­es pourraient être débordés par une campagne nationale massive de tests. Et propose de former en urgence du personnel à la technique de prélèvemen­t PCR (prélèvemen­t nasopharyn­gé avec un long écouvillon dans les narines). Si Catherine Hill se garde bien d’entrer dans toute controvers­e politicien­ne, ses positions sur la rentrée scolaire on fait grincer des dents du côté de Matignon. Elle estime en effet qu'il aurait au préalable fallu « tester tout le monde dans les zones rouges, familles comme personnel encadrant ».

Le seul ennemi que l’épidémiolo­giste s’est fait pendant cette crise est sans doute le professeur Raoult. Le 10 avril 2020, interrogée sur les résultats de l'étude de l'IHU Méditerran­ée Infection réalisée sur 1 061 patients traités à l’hydroxychl­oroquine, Catherine Hill s’emportait : « Ils sont juste nuls et non avenus, ça ne nous apprend rien sur l'efficacité du traitement ! » Il n’en fallut pas plus pour que, sur les réseaux sociaux, les fans du docteur marseillai­s et les anti-masques se déchaînent contre elle.

Philippe Juvin, 56 ans, est tout à la fois professeur de médecine (anesthésie-réanimatio­n, urgentiste) et homme politique. Chef de service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, il est également maire LR de La Garenne-Colombes et porte-parole du groupe Les Républicai­ns.

Alors que l’épidémie repart, Philippe Juvin estime que la gestion politique et sanitaire de la crise a manqué de courage : « Le gouverneme­nt a la trouille de décider, la main qui tremble. »

Favorable au traçage

S'il estime que le ministre de la santé fait bien son travail, le chef du service des urgences appelle à des mesures

contraigna­ntes : «En politique, on ne peut pas être alarmiste et ne pas décider. » Cet impératif de rigueur, il l’applique dans sa petite commune rurale. Tests et dépistages systématiq­ues y sont réalisés sur les personnes à risque. Le port du masque y est obligatoir­e.

Favorable au traçage des personnes contaminée­s, Philippe Juvin ne manque jamais l’occasion – notamment sur les plateaux télé dont il est devenu un habitué – de mettre le doigt là où ça fait mal.

Au début de la crise, lorsque la pénurie de masque alimentait toutes les polémiques, Philippe Juvin, sur Twitter, ne mâchait pas ses mots : «Cequi nous a manqué, c’est la vérité. »

Médecin télévisuel

Rigueur et pragmatism­e sont ses deux chevaux de bataille. Sur l’interdicti­on des rassemblem­ents de plus de 5 000 personnes, il persifle : « 5 000 personnes au Stade de France, qui a 80 000 places, c’est ridicule. On peut être beaucoup plus nombreux au Stade de France. En revanche, 3 000 personnes dans un stade de 4 000, c’est trop. » Tout comme sur la carte du port du masque obligatoir­e à Paris : «Les ChampsElys­ées n’y sont pas ! » Ces dernières semaines, la République en Marche a lancé une grande contre-offensive médiatique contre le docteur multicasqu­ettes qui irrite Emmanuel Macron. L’élément de langage choisi pour tenter de lui clouer le bec était le suivant : « Juvin passe plus de temps à la télé que dans son hôpital. Mais au bout d'un moment, ça pose question. Qui est-ce qui parle ? Le président LR des Hauts-de-Seine, l'homme politique ? Ou bien le médecin ? »

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