Un album niçois aux partitions de génies !
En fouillant les archives familiales, François de Cessole a découvert le livre d’or tenu, au XIXe siècle par son aïeul et dans lequel signèrent Paganini, Verdi, Berlioz, Liszt, Rossini...
Quel est le point commun entre Berlioz, Paganini, Liszt, Verdi ou bien Rossini en dehors de figurer parmi les plus grands compositeurs du XIXe siècle ? Vous séchez ? Ils ont tous séjourné à Nice, ont tous fréquenté assidûment le salon de musique du comte Eugène de Cessole, dans son palais d’York, sur l’actuelle place du palais de Justice à Nice, et ont tous signé son livre d’or. Deux siècles plus tard, les voilà tous à la « Une » d’un bel ouvrage d’art, édité par l’Acadèmia nissarda, racontant, sous la plume de Robert Adelson, professeur de musicologie au conservatoire de Nice, de drôles d’histoires musicales en terre niçoise.
Un salon envié par les critiques parisiens
Le comte Eugène de Cessole (1805-1876) était un aristocrate mélomane issu d’une des plus vieilles familles de l’ancien comté de Nice. Ce violoniste de talent, qui ne jouait que pour son bon plaisir, tenait, dans ses appartements de la vieille ville, un salon de musique. « Situé à deux pas de l’Opéra, il constituait le passage obligé pour les grands musiciens, chanteurs lyriques, raconte Robert Adelson. Réputé et même envié par les critiques parisiens de l’époque, le salon du comte de Cessole lançait la saison musicale. » Collectionneur de violons d’exception, cet aristocrate mélomane tenait un livre d’or très spécial dans lequel ses invités de marque étaient priés d’apposer, en guise d’autographe, une partition de leur création. 180 compositeurs, et non des moindres, ont ainsi signé en doubles-croches et clé de sol.
« Dix albums dans le monde »
C’est en fouillant les archives familiales, que Bruno de Cessole, journaliste parisien, descendant direct du comte mélomane, a découvert cet album et en a fait don à la bibliothèque de Cessole, au musée Masséna, siège de l’Acadèmia Nissarda. Pour étudier ce drôle d’ouvrage, cette dernière a fait appel aux lumières de Robert Adelson, professeur d’histoire de musique. « Au XIXe siècle, ces albums musicaux étaient très fréquents. Mais la plupart d’entre eux ont été démembrés au fil du temps, pour être vendus, feuillet par feuillet, à des collectionneurs, Des albums intacts, comme celuilà, certifie-t-il, il y en a dix dans le monde ! »
À écouter ce musicologue, l’album du comte de Cessole fait partie des plus belles pièces : 108 partitions y sont couchées dont certaines totalement inédites. Pour identifier ces signatures musicales et leurs auteurs, ce musicologue a remonté la piste des invités du comte Eugène de Cessole, a collecté les infos, les a recoupées avec les programmes lyriques de l’Opéra de Nice.
Franz Liszt et son étonnante signature
Cinq années de quête et d’enquête qui viennent de déboucher sur cet ouvrage bilingue (françaisanglais) sur ces signatures partitions de ce livre d’or que l’on peut aussi écouter (Voir ci-dessous). « Quel est le mélomane qui un jour n’a pas rêvé de découvrir dans son grenier, une partition. Là, ce sont 108 qui d’un seul coup ont été découvertes, s’enthousiasme Robert Andelson. Certaines sont stupéfiantes. » Et de citer Franz Liszt, virtuose du piano, qui a signé d’une mesure. « Une seule et unique mesure, très complexe, tracée en grand format sur toute une page, à la dimension de ce personnage extravagant » souritil.
Il y a l’autographe d’Hector Berlioz sous la forme d’un extrait de sa symphonie de Roméo et Juliette, ou bien celui mystérieux laissé par Niccolò Paganini. « Sur son lit de mort, il a écrit quatre pages de partitions, sans aucune dédicace, ni signature, raconte ce professeur de musicologie. Quatre pages d’une oeuvre complète pour violon et orchestre intitulée “Introduction et variations sur le thème de Rossini” qui a été authentifiée bien après la mort de Paganini. » Et de raconter que ce génial violoniste surnommé « l’archet du Diable » était hanté par la peur d’être copié. « Il a résolu son problème en n’éditant aucune de ses partitions, sourit-il. Ce qui rend cet autographe musical encore plus émouvant...»