Les délais de paiement, une des causes de mortalité des entreprises selon Miriem Bensalah
La problématique des délais de paiement constitue un énorme problème pour les entreprises. En effet, les retards de paiement ont des conséquences lourdes sur la rentabilité des PME et TPE et leur gestion financière, et menacent même leur survie. Le Groupe Attijariwafa bank a ainsi organisé, mardi 3 avril, une conférence sous le thème «Ecosystèmes Donneurs d'Ordres-Fournisseurs : des modèles pragmatiques face aux délais de paiement».
Intervenant à cette occasion, Mohamed Kettani, président-directeur général du Groupe Attijariwafa bank, a affirmé que les délais de paiement sont un problème culturel. Selon lui, plus on va vers le nord de la planète, plus on est respectueux du paiement des échéances à temps, et plus on va vers le sud, moins on l’est.
Pour appuyer ces propos, M. Kettani a partagé quelques chiffres qui ressortent de l'étude réalisée récemment par le cabinet Alteres. Selon cette étude, 64,6% des entreprises en Allemagne respectent le délai maximum de 60 jours à compter de la date d'émission de la facture, suivie des Pays-bas avec 62,5%, l’Espagne avec 53,1%, la France avec 43,4%, l’Italie avec 37,6% et le Portugal avec 18,3%. L'étude n’intègre pas le Maroc, mais selon l’enquête de Coface, seuls 11% des entreprises marocaines respectent les délais de paiement. « Le délai de paiement est un problème qui nous interpelle en tant que secteur bancaire. Nous sommes aussi interpellés par un deuxième phénomène, celui du crédit interentreprises, qui dépasse aujourd’hui l’encours du crédit bancaire aux entreprises. Nous sommes à 390 milliards de dirhams, soit 35% du PIB du Maroc, et sa croissance est beaucoup plus importante que la croissance des crédits bancaires. Ce crédit interentreprises est un véritable problème parce qu’il impact négativement le rating des entreprises au sein du secteur bancaire», a souligné M. Kettani.
Selon M. Kettani, les entreprises présentant des délais de paiement courts favorisent tous les types d’investissement, aussi bien de remplacement que de productivité. Il a, d’autre part, présenté le dispositif du groupe Attijariwafa bank pour l'accompagnement des écosystèmes donneurs d'ordres-fournisseurs, qui vise notamment la réduction des coûts de financement des fournisseurs, l'abaissement du niveau du risque financier au sein de la supply chain, et par conséquent l'amélioration des conditions de règlement. Pour sa part, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie Numérique, a déclaré que le problème des délais de paiement était une épidémie installée depuis des décennies au Maroc, qui pénalise son économie. Pour lui, l’Etat se doit d’être exemplaire à ce niveau-là et respecter les délais de paiement. Un avis appuyé par M. Kettani, qui estime de son côté que l’exemple doit venir des administrations et des grandes entreprises, et que la digitalisation des marchés publics est la solution à ce problème. «L’administration doit être exemplaire en la matière, le gouvernement rendra un grand service aux opérateurs économiques en allant vers la digitalisation des marchés publics. La transparence au niveau des réceptions, des droits constatés va faciliter la tâche aux banques au niveau des financements. C’est fondamental que l’on puisse accélérer la digitalisation à ce niveau là parce que c’est un levier important dans la résolution de ce problème», a-t-il déclaré.
De son côté, la présidente de la CGEM, Mme Miriem Bensaleh Chaqroun, a estimé que la problématique des délais de paiement est l’un des facteurs de mortalité des entreprises.
Elle a cependant rappelé le travail mené par la CGEM et le ministère des Finances pour trouver des solutions à ce problème, à travers l’adoption de textes de loi. «Il existe des textes de lois et des dahirs à présent, mais leur application et leur mise en oeuvre font encore défaut… C’est le rôle des pouvoirs publics de les faire appliquer.», a-t-elle fait observer. «Le niveau d’endettement des entreprises est très important et les fragilise énormément. Pour résoudre le problème, il suffit de mettre en application ces textes de loi et que les entreprises et les donneurs d’ordre, qui représentent 70% des établissements publics, ainsi que l’État, respectent leurs délais de paiement», a précisé M. Bensaleh.
Cette rencontre a été marquée par la signature de trois conventions : un mémorandum d'entente entre Attijariwafa bank et le groupe Cosumar pour la mise en oeuvre d'une solution de Supply Chain Finance en faveur de son écosystème de fournisseurs, un accord avec la Société Financière Internationale (Groupe de la Banque mondiale) pour labelliser l'offre Supply Chain d'Attijariwafa bank, et une convention avec Maroc-PME autour des mesures d'accompagnement et de formation des TPME opérant dans les différents écosystèmes.